mercredi 30 décembre 2015

Et plus si

Qu'étions-nous si ce n'est des enfants
Qu'étions-nous si ce n'est l'insouciance
Qu'étions-nous si ce n'est l'instant
Qu'étions-nous si ce n'est l'impatience
Qu'étions-nous si ce n'est les rires
Qu'étions-nous si ce n'est le matin
Qu'étions-nous si ce n'est devenir
Qu'étions-nous si ce n'est des chemins
Qu'étions-nous si ce n'est l'émerveillement
Qu'étions-nous si ce n'est l'éclat
Qu'étions-nous si ce n'est le prolongement
Qu'étions-nous si ce n'est la première fois
Qu'étions-nous si ce n'est l'horizon
Qu'étions-nous si ce n'est l'étonnement
Qu'étions-nous si ce n'est la passion
Qu'étions-nous si ce n'est le temps
Qu'étions-nous si ce n'est sans cesse
Qu'étions nous si ce n'est toujours
Qu'étions-nous si ce n'est la tendresse
Qu'étions-nous si ce n'est l'amour
Que sommes nous si ce n'est...

 

mardi 29 décembre 2015

Rétro



L’autre jour et plus précisément il y a quelques jours, j’ai emprunté le métropolitain parisien. Une fois rentré dans ma province, j’ai pris conscience de mon inconscience. En effet, à aucun moment, ne serait-ce que le temps d’un instant, je ne me suis inquiété, je n’ai scruté intensément le regard et l’attitude des passagers. Nul sac à dos ou autres colis suspects n’a éveillé ma méfiance. J’en frissonne rétrospectivement.Cette absence de citoyenne vigilance est peut-être dû au fait que j'ai pu accéder le plus librement du monde aux quais avec mon sac à dos. Il est vrai que je n'ai rien de suspect si ce n'est...

vendredi 25 décembre 2015

Vide

L'autre matin, j'étais déjà levé. Un de ces matins d'hiver qui traînent à se faire jour. J'ouvre les yeux dans la nuit. Il est pourtant l'heure, cela ne fait aucun doute. J'aimerais me tromper. Comme un infidèle repenti. Je traverse ce temps sans marque. Il me contraint sans exister et se referme après mon passage. Comme s'il n'était que le hasard. Sans l'ombre d'un souvenir. Je passe à autre chose. Dehors, l'air lisse glisse sur mon visage. Il m'apaise. Le mouvement d'une vie. Il précède l'éveil de cette autre lumière.




mardi 22 décembre 2015

Merlan

Ce matin? Ah oui, ce matin. Je ne fus pas très attentif. Comme le dit mon coiffeur, être attentif le matin n'est pas à la portée de toutes les attentions. Comme tous les matins je me suis levé du pied gauche. On ne peut pas dire que ce soit par habitude mais plutôt par inadvertance et manque d'attention. En revanche c'est par habitude que j'occupe la partie gauche du lit. J'ai déjà essayé de dormir à droite mais j'ai à chaque fois ressenti comme une gêne doublée de la peur de me retrouver plus à droite et de finir par tomber plus bas. Et au milieu j'ai le sommeil hésitant. En revanche, chaque soir avant de m'endormir, après c'est trop tard, je me dis "Mon garçon, demain matin tu prendras soin de te lever du pied droit". Je suis un homme de résolution. Malheureusement, à l'instar de l'ONU, je les mets rarement en application. C'est ainsi que chaque matin, comme ce matin, je me lève du pied gauche. A chaque fois je m'en veux, je peste, je vitupère contre ma légèreté, mon inconséquence mais rien n'y fait. Mais là n'est pas le sujet. Hier soir, comme chaque soir, je me suis lancé un défi. Je devais me souvenir de ma première pensée matinale. Alors ce matin... Ce matin, rien. Pas la moindre pensée, l'esprit dans la brume. Le radar jusqu'à la salle de bain. L'envie de ne penser à rien. Je remets ça demain. Il faut simplement que j'y pense.

Martine au pôle





Martine, qui venait du sud, passa la Loire pour débarquer plus au nord. La mission de Martine? Réunir en une seule banquise la Basse-Banquise et la Haute-Banquise. Plus personne ne se souvenait pourquoi elles avaient été séparées. Les plus anciens parlaient d'un obscur découpage de circonstance. D'autres affirmaient qu'un dérèglement était à l'origine de cette séparation. Quoi qu'il en soit, Martine n'avait que faire de tous ces vagues souvenirs emprunts de nostalgie. Réunifier était sa mission et envers et contre tout elle l'accomplirait. Elle ne pouvait faillir. Si elle avait été choisie, ce n'était pas par hasard. Elle allait s'atteler à la tâche. Plus précisément, elle allait diriger la réunification en évitant autant que faire se peut de mettre les mains dans la neige. Pour ce faire, elle s'adjoignit les services de Croc Béant, spécialiste reconnu du changement immergé et réputé pour raboter les intelligences qui sortent du rang. Pendant ce temps, les pingouines et pingouins de la Basse-Banquise ainsi que les pingouines et pingouins de la Haute-Banquise, appliqués et consciencieux, tout à leur besogne, laissaient transparaître une relative mais réelle inquiétude. Bien sûr, pimpante, souriante et la main de fer sur le cœur, Martine leur avait assuré que la réunification ne changerait rien à leur quotidien, qu'ils pourraient continuer de vaquer tranquillement et comme avant à leurs occupations. Mais il ne fallait pas prendre les pingouins pour des manchots. Jusqu'ici et de toute éternité, du moins depuis que les pingouins étaient pingouins, ils s'étaient toujours appliqués à confectionner des nids ronds. Certes, ces derniers étaient perfectibles. Mais faisant montre de bonne volonté et bien que grégaires, les pingouins avaient toujours affiché leur inlassable volonté de progresser pour que le nid rond soit de plus en plus propice à l'autonomie des futurs pingouins. Preuve en est qu'ils faisaient de leur mieux pour améliorer l'Ice Cool Température, plus connu des initiés sous le sigle ICT. Mais passer du nid rond au nid carré sans en connaître ni la composition ni les mesures laissait pour le moins perplexe le pingouin de base. De là à leur demander de produire des œufs carrés... Afin de ne pas rester les ailes ballantes, ailes déjà bien atrophiées par d'autres réunifications, les pingouins sollicitèrent leurs représentants pour qu'ils fassent part à Martine de leur désaccord. C'est ainsi que ces représentants, notamment la Confédération des Givrés du Travail, montèrent sur l'igloo pour faire valoir les encore timides revendications de la base. Il ne s'agissait pas dans leur esprit de geler le projet mais de le coconstruire. En quelque sorte, les pingouins prônaient le pari de la confiance. Ce début de contestation allait-il faire boule de neige?  

lundi 21 décembre 2015

Karma

Ce matin. Le chemin m'a paru long. Je n'étais pas pressé. Me dégageant mollement du sommeil, je me suis assuré de ma présence. C'est ça, le thème du jour serait le présent. Toute la journée je serais présent. Là, à chaque instant. Chaque instant serait présent. A tout instant je serais dans l'instant. Je resterais dans les limites de chacun d'eux. Je sautillerais d'un instant à l'autre, veillant à ce que le précédent soit bien terminé. Surtout ne pas me précipiter. Prendre garde à ne pas me retrouver par inadvertance dans l'avenir, ne serait-ce que du bout du pied. Ce matin, j'étais ambitieux. A moi seul, à moi tout seul je serais le présent qui n'en finit pas. Une orgie de présent. Je dois avouer qu'au bout d'un moment, comme un trop-plein d'oxygène, tous ces instants m'ont donné le vertige. Je me suis assis. Le jour qui s'éclairait m'a soufflé à l'oreille que pour une première fois, toute une journée de présent ce n'était peut-être pas raisonnable. Même s'il avait raison, j'avais envie de me shooter, de me gonfler les veines, de m’exploser les naseaux, de me déstructurer l'hypothalamus. Alors, j'ai continué. Je les ai tous enfournés, dévorés tous ces instants. Ce soir je suis rincé. Rien gagné, rien perdu, je suis le temps présent. 

Ne serait-ce que cela

Ne serait-ce que cela. Au tout début. Au début. Sans but. Et même après. Irise le froid du matin. Décortique les corps en désaccord. S'éloigne des étirements. Quand nous étions là. Encore incertains. Sur le chemin, les pierres comme de prières qui s'égrènent. Écorchent la peine et s'éparpillent dans la plaine. Les oublis s'amoncellent dans le creux de ton épaule. Les matins éclairent l'entrée du vide. Surgit la dérision, cette érosion des illusions. Ce que nous étions s'éloigne du rivage, balayant l'écume de la rage.   

dimanche 20 décembre 2015

Tout à la foi

Tout à la foi
Moi n'existe pas
Ou, allant de soi
A l'ombre de toi
Dans un pas à pas
Jusqu'à l'au-delà
Entendre ta voix
La brume décroit
Cache ce que je vois
Encore un peu froid
Ruisselant de foi 
En partie las
J'oublie pourquoi

vendredi 18 décembre 2015

Discours départ en retraite

Cher Alain, si tu me permets de t'appeler Alain, je vais commencer par parler de moi, et ce n'est pas sans émotion que six ans après mon départ je reviens en ces lieux où j'ai sévi à tous les étages et dans de nombreux bureaux, bureaux individuels, à deux, à trois, à quatre et plus selon affinités. Je peux dire que, dans tous les sens du terme, ici pris mon pied j'ai. Pour ce qui te concerne je ne sais pas ce qu'il en a été mais puisque tu vas d'ici peu partir en retraite, cela veut dire qu'il n'est pas loin d'être trop tard pour la prise de pied. Mais cette fois-ci, ce n'est pas pour le plaisir que je suis revenu. Alors que le samedi 30 juin, comme chaque samedi, je feuilletais les dernières publications du journal officiel, quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que tu étais radié. A-t-il oublié de pointer me demandai-je. Je continuai ma lecture pour découvrir que tu étais radié, oui mais des cadres. C'est ce qu'on appelle, faute de mieux, tirer un trait.  Et oui, tu vas partir en retraite, autant dire que tu vas disparaître des écrans radar. Disparaître peu à peu des mémoires. Un jour le plus vieux des plus vieux en activité dira "Tu te souviens d'Alain Ninauve?". Son interlocuteur lui répondra "Qui ça?" et le plus vieux des plus vieux en activité en viendra à douter que tu aies jamais exister. C'est notre lot commun.  Retraité tu vas devenir. Et qu'est-ce qu'un retraité si ce n'est un vieux qui jour après jour le devient un peu plus? Et quelle est la principale occupation d'un vieux si ce n'est d'attendre la mort en espérant qu'elle soit douce et clémente. Arrive un jour où si l'on veut revoir ses anciens collègues le plus sûr est d'aller au cimetière.


Voici donc en guise d'introduction. Comme le dit Jean-Marc, avec une légère touche de vulgarité de bon aloi, une fois faite l'introduction ça glisse tout seul. Du moins en règle générale. Pour tout dire, en commençant la rédaction de ce compliment, j'avais l'intention de relater ton œuvre au sein de ce ministère devenu protéiforme. Mais j'ai dû rapidement me rendre à l'évidence que la tâche serait immense, insurmontable tant ton œuvre est monumentale, indicible, tant elle défie l'entendement. Ne souhaitant pourtant pas renoncer, j'ai fait le tour des services pour recueillir quelques témoignages. Si dans certains bureaux j'ai été accueilli comme un patron par un IT de l'Eure affilié à la CGT, j'ai malgré tout eu droit à quelques sourires jusqu'à ce que je prononce ton nom. Pour tout dire, si je retire ceux qui ne te connaissent pas et ceux qui pensaient que tu étais déjà parti, il reste... Il reste les autres. Après réflexion, pour que tu finisses sur une bonne note, j'ai préféré faire appel, appel à quelques dates et à mes souvenirs. Avons-nous les mêmes? Rien n'est moins sûr. Après une jeunesse rythmée par les turpitudes de la promiscuité avinée qui règne dans les corons, ce qui explique beaucoup de choses et qui justifie notre indulgence, et  une scolarité fantaisiste et plutôt orienté langue à Valencienne, navigant entre deux veines,  tu vas errer quelques années entre Maubeuge et Valenciennes. Puis hasard, concours de circonstances, en 84 du siècle dernier, tu vas intégrer l'INTEFP. Tu vas alors dévorer le code du travail qui, il faut le dire, ne fait encore que 250 pages, code qui quelques années plus tard deviendra la principale cause du chômage dans notre pays, les tenant de cette perspicace théorie, voyant rouge, n'hésitant pas à mettre le dit pensum sur la balance pour donner plus de poids à leur argumentation. En 85 toujours du même siècle, tout auréolé du titre d'inspecteur, tu vas aller sévir au pays de la moule à l'occasion nappée de crème. Face à la plage, tu vas écumer tous les estaminets dans les cuisines desquels prolifèrent presque aussi rapidement travailleurs au noir et coliformes. Après maints PV, mises en demeure et constats d'entrave, tu vas rejoindre la direction régionale qui à l'époque est celle du travail et de l'emploi qui est un des plus célèbre oxymore. Donc à la DRTE tu occupes la fonction d'organisateur régional. Encore aujourd'hui, malgré des fouilles approfondies, comme le dit Rocco, on est encore dans l'incapacité de déterminer ce que tu as organisé si ce n'est ton départ. C'est quelques mois avant ton départ que pour la première fois tu seras brièvement mon chef de service à l'occasion de la création de la DRTEFP, née de l'incestueuse fusion DRTE/DRFP, nouvelle entité qui traînera les stigmates de la consanguinité. Donc en 95, tu vogueras vers le pays des champignons, à savoir Tahiti. Ce que tu fis à Tahiti, nul ne le sut jamais et pour tout te dire, garant d'une certaine morale, je préfère ne pas le savoir. Il y a bien sûr des rumeurs comme quoi t'exhibant devant les vahinés vêtu d'un pagne de taille réduite qui laissait poindre tes intentions...Ensuite, délaissant le siècle dernier, tu vas revenir vers la civilisation en réintégrant la DRTEFP. En tant que directeur adjoint tu vas devenir mon chef et par la même occasion je deviendrai ton subalterne, ton exécutant, parfois des basses œuvres. Tu auras en responsabilité un certain nombre de choses dont le célèbre dialogue social qui dans notre pays s'apparente davantage au monologue social. Pour tout te dire tu as été un chef que j'ai apprécié car tu m'as toujours foutu la paix. Même si je n'ai jamais réussi à me faire une idée précise de tes compétences, je te rassure cette constatation s'applique à la quasi totalité des chefs car je pense que personne ici ne me contredira en disant que la principale fonction d'un chef est d'être nul. Combien de fois ai-je entendu un fonctionnaire sortant du bureau de son chef en marmonnant qu'est-ce qu'il est nul, le chef en question en ayant autant à son service.
Ensuite nos chemins se sont séparés. Je suis allé rejoindre d'autres nuls et toi tu es resté avec les tiens.
Voilà, c'est la fin. Il faut savoir dire stop. Comme le disait le docteur Ogino, il faut savoir se retirer, même, et je le conçois aisément, si cela peut s'avérer frustrant. Mais rassure-toi, le devoir est accompli. Et puis, jusqu'à un certain point g parfois, retraite et plaisir peuvent faire bon ménage.    
               


jeudi 17 décembre 2015

Sniffe (c'est de la bonne)



J'ai certaines fascinations que je ne m'explique pas. A l'évidence, il doit y avoir du freudien là-dedans. Tout petit déjà, encore à peine conscient de ma condition, je tournais mon regard vers l'Est, bien au-delà de l'Oural. Partie d'Odessa, la dictature avait fini par se répandre à portée de missiles. Elle se drapait dans le formalisme démocratique, usait de mots et de formules. Au gré des purges et des procès, disparaissaient des visages, s'enfuyaient des ombres, étaient réhabilitées de grises silhouettes. Malgré les constitutions, les instances, les assemblées, les plénums, les comités, les bureaux politiques et autres commissions, l'immobilisme était d'acier. Dès que je sus lire "Vladimir Illitch Oulianov" c'est à dire à cinq ans, aucun écrit concernant les démocraties populaires ne m'échappa. J'éprouvais un plaisir qui pouvait aller jusqu'à la jouissance à prononcer tous ces noms de dirigeants  Malenkov, Kossyguine, Gromyko, Podgorny, Malenkov, Boulganine... J'étais capable d'en citer des dizaines. Je n'ai jamais réussi à faire partager cette passion à mes camarades. Écroulé le mur, ma fascination prit un caractère nostalgique, rétrospectif. Bien sûr, il me restait la Corée du Nord qui ne manquait pas d'attraits mais ce soupçon d'exotisme dont se paraient ses dirigeants empêchait mon adhésion sans réserve, altérait une possible passion. Pourquoi tout cela?
Parce que pas plus tard que lundi, alors que l'on avait la veille tenté d'attenter à je ne sais plus quoi, j'entends parler d'éviction, de mise à l'écart, d'élimination, d'épuration. En moins de temps qu'il n'en fallait à Marchais pour serrer un boulon chez Messerschmitt, ressurgissent les souvenirs des procès des blouses blanches, du procureur Vychinski et autres contempteurs de la liberté d'expression. Et qui chez nous dans le rôle du coupeur de têtes qui dépassent? Notre républicain en chef, notre petit père des pleutres. La purification idéologique faite, il définira la ligne du partie. La ligne du partie! Comme au bon vieux temps du politburo ( Политбюро dans le texte). Cette ligne blanche, cette ligne, droite comme un échafaud. au bout duquel se balance la diversité. Vous aurez remarqué la diversité des éléments qui composent l’acronyme NKM.   

mardi 15 décembre 2015

Prenons-le

Heureux. Être heureux. Tel quel. Comme ça. Sans rien de plus. Ne serait-ce qu'un instant. Un instant présent. Le temps de dire je t'aime. Le temps de ton sourire. Le temps de mon étonnement. Le temps de ton hésitation. Le temps t'effleurer. Le temps de ton chuchotement. Le temps de mon souffle. Le temps de ta bouche. Le temps de mon impatience. Le temps de ton agacerie. Le temps de mon culminant. Le temps de ton delta. Le temps de notre enlacement.

dimanche 13 décembre 2015

Matin gris

Là les débris
Comme un fouillis
Pris dans les plis
Un reste de vie
Épars dans l'infini
Je t'en supplie
Quand le jour finit
Ne répands pas l'oubli




vendredi 11 décembre 2015

Quand même

Hier matin, mû par la force de la nécessité, je pénétrai dans le métro, passant du quai à l’habitacle. Les écouteurs sur les oreilles, je me confinais dans un isolement. Il me restait les yeux pour maintenir le contact avec mes congénères (j'aime bien ce mot, allez savoir pourquoi). J'ai à de nombreuses reprises constaté qu'il ne me suffit d'avoir les yeux ouverts pour voir. Rien là que de très banal mais qui chaque fois m'étonne. Où vont se nicher toutes ces choses, tous ces visages que j'ai certainement vus sans m'en souvenir. En ce matin d'affluence où les corps se côtoient en évitant de se toucher, tout en écoutant "Normal person" d'Arcade Fire, je regardais. Je regardais les autres. Je regardais leur visage. Je suis toujours étonné par leur diversité. Les visages sont des œuvres d'art, abstraites ou figuratives, façonnés dans des moments d'émotion. Il serait dommage de s'en priver. Je les regardais donc. Peut-être avec trop d'attention. Une jeune fille m'a rendu mon regard. Il m'a semblé déceler dans le sien de la gêne. M'a-t-elle pris pour un gros dégueulasse, un pervers. Je me suis retrouvé gêné à mon tour et j'ai détourné le regard comme un coupable. Je ne savais plus quoi regarder. Me parvenait dans les oreilles "The great gig in the sky".  

jeudi 10 décembre 2015

Un soir à l'hôpital (2)

 Donc, que faisais-je là? J'étais au milieu de chefs d'entreprise et de salariés, de soignants et d'entremetteurs en scène qui tous avaient participé et partagé un projet, sur lequel je reviendrai. Je les ai écoutés et j'ai retenu leurs mots qui m'ont inspiré. Il était question de l'hôpital et de la culture. Ou plus exactement de la culture à l'hôpital. Tout comme l'air que nous respirons, la culture devrait pouvoir se répandre dans tous les espaces, dans tous les lieux. Tous les lieux devraient être ouverts à la culture. Pourtant, toutes les portes ne s'ouvrent pas spontanément. Il revient alors à la culture de façonner la clef qui lui permettra d'entrer. Si la culture peut souffler, provoquer, s'engouffrer, se glisser dans les entre-deux, elle ne peut le faire par effraction. Surtout là où on ne l'attendrait pas. Et l'hôpital est un de ces mille lieux. Un de ces lieux à priori dénué de plaisir, où si l'on y éprouve l'envie, c'est celle d'en sortir le plus vite possible. Et pourtant, l'hôpital est un lieu de vie et la culture fait partie de la vie. Elle prend soin de nous. Elle révèle, elle nous révèle notre humanité. Elle nous offre le désir du plaisir. Le plaisir d'aimer ce que l'on découvre. L'hôpital et la culture sont faits pour se rencontrer, pour se mêler, pour s'imbriquer et faire tomber les murs de réticences, de méfiances. Le long des couloirs pour pousser les portes et se rencontrer. Ce projet, qui a impressionné le temps, a provoqué l'étonnement des participants. L'étonnement que la culture puisse nous rendre si proches dans la beauté. La culture est une éternelle inconnue.

mardi 8 décembre 2015

Un soir à l'hopital. (1)

Donc, hier soir je suis allé à l'hôpital. Il n'y avait pas d'urgence mais la curiosité l'a emporté. A vrai dire, si j'étais curieux, je ne savais pas trop de quoi. Nous appellerons cela la curiosité de l'inconnu. Peut-être l'inconnu qui me ferait oublier ce connu. Ce connu qui depuis quelques jours me donne la nausée. A propos de nausée, je me suis retrouvé dans le service de cancérologie digestive où, dans un premier temps, j'ai été invité à écouter un récital introductif de piano. Sans peine, je me suis laissé bercer. J'écoutais et je regardais. Je regardais le dos que prolongeait un profil dont je devinais le regard parcourant la partition pour abolir toute frontière. Je regardais les doigts qui se déplaçaient sans avoir l'air d'y toucher. Je ressentais ce plaisir que l'on éprouve quand, à la fois, on peut écouter et voir.
Alors donc, que faisais-je là. ?

samedi 5 décembre 2015

Simplement

L'autre jour, alors qu'hésitant mes doigts caressaient les touches, par le plus grand des hasards j'ai écouté Sophie Hunger, qui n'est pas ma voisine mais une chanteuse dont, à ma grande honte, j'ignorais l'existence. Il semblerait que j'étais le seul. A chaque fois que je dis que je viens de la découvrir, l'on me répond "Quoi, tu connaissais pas Sophie Hunger?". J'ai décidé de garder cette découverte pour moi. Je l'écoutais donc. Je me suis laissé bercer par sa reprise de "Le vent nous portera". Quelques Mo plus loin, je tombe sur une autre reprise, à savoir "La chanson d'Hélène" avec en voix additionnelle Cantona en lieu et place de Michel Piccoli. Il peut m'arriver d'apprécier Cantona mais là... Donc, que fais-je? Je regarde et écoute la version originale. Et là, comment vous dire...Il est question d'amour, de la fin d'un amour qui est aussi déchirant, aussi bouleversant que le début d'un amour. Et je revois Romy Schneider. Son visage, son regard, son sourire. Tout en elle exprime son amour pour Michel Piccoli. Une femme amoureuse est belle (j'ose), entière et définitive. Alors que nous les hommes, je n'aime pas les généralités mais là (3ème là), en amour nous sommes des bites. C'était pour dire. 

https://www.youtube.com/watch?v=VsWZcwPL7-Q

vendredi 4 décembre 2015

Un soir aux verts

Donc, mercredi soir je me suis retrouvé dans ce que par commodité j'appellerais une réunion organisé par les verts. J'y suis allé en voiture. Mauvais point. J'y suis allé pour faire plaisir. J'aime bien faire plaisir. Si ce n'est que faire plaisir ne lutte en rien contre le réchauffement climatique. C'est même parfois le contraire. J'y suis aussi allé car était prévue la présence d'Olivier Saladin. J'aime bien Olivier Saladin. Il me fait rire et sourire. Autant le dire tout de suite, pour ce qui est du rire, il n'est pas venu. Il restait le sourire. J'ai dû sourire. Quand j'ai débouché une bouteille et que le cidre a giclé. Jai le sens du gag. Dans le théâtre du P'tit Ouest, nous étions assis. Sur la scène quatre personnes dont Saladin et le leader régional des verts. Cette soirée avait été conçue non comme électorale mais comme un moment d'échanges, chacun des quatre et des membres du public lisant des textes. Des textes plus ou moins judicieux dont aucun ne m'a fait rire. Ce n'était peut-être pas l'objet. J'ai souvent l'impression que les écologistes ont peur de faire de l'humour. Et ce que je me demande à chaque fois, pourquoi un écologiste ressemble-t-il à un écologiste, dans sa façon de s'habiller, dans sa façon d'être, dans sa posture? Pour tout dire, l'écologiste ne m'a jamais donné envie. Après la lecture, comme il se doit nous avons bu et mangé des produits naturels fournis par de petits producteurs locaux. Le producteur local est toujours petit. C'était pour dire.

mercredi 2 décembre 2015

Incertain

Tout en haut des crimes
Les jours déclinent et déciment
Dans un fracas sublime
Nos cris s'abîment 
Se perpétuent les cimes
Que le temps imprime
Comme des images
Quand défile notre film
Et je rêve de tes mensonges
Qui traversent mes songes
En allant vers l'endroit
Où mes yeux voient l'effroi 
Je me rends compte
Dans l'ombre de ma honte
Que tout va de travers
Le long des golfes amers
Pour finir l'intrigue 
Je discerne la fatigue
Autour de tes yeux
Quand l'amour est un aveu

mardi 1 décembre 2015

Moisi et rance

Hier soir à Rouen il y avait comme une odeur de moisi et de rance. Comme un écho du journal de JP Pernaut. 
« la bien-pensance a fait des ravages », « les valeurs chrétiennes de la France » et son « long manteau de cathédrales et d’églises », « défendre l’identité nationale » et les « racines » de la France, « Nous voulons rendre la France de toujours au peuple de France. » « Je ne veux pas que la France devienne une société multiculturelle car je ne veux pas du communautarisme". Il ne manquait plus que la glorification de "la terre qui elle ne ment pas"
A croire que Patrick Buisson est revenu en odeur de sainteté dans les coulisses. Pour tout dire, j'ai cru qu'il avait procédé à un copié-collé d'un discours du maréchal. Mais qui ça "il"? Vous ne devez pas avoir besoin d'autres indices. Faut-il avoir si peu de respect pour son auditoire pour aligner ainsi les formules pêchées ici et là pour compenser l'absence d'analyse. Le céder à la facilité, à la paresse intellectuelle, déterrer sans vergogne la dépouille miteuse du vichysme (moi aussi j'aime bien les formules) aiguise cette envie, ce besoin irrépressible de désigner des coupables. Était-ce bien utile de venir jusqu'à Rouen...


dimanche 29 novembre 2015

Un soir au concert

Donc hier soir je suis allé écouter du jazz manouche. Pour tout dire la soirée ne s'annonçait pas sous les meilleurs auspices. Je n'aime pas le jazz manouche (ni le jazz d'ailleurs). J'ai conscience que la formule "je n"aime pas le" n'a pas de sens mais, sans ménagement, elle permet d'aller à l'essentiel. Le concert avait lieu un samedi soir. De toute éternité, j'ai toujours eu mieux à faire le samedi soir que d'écouter du jazz manouche. Le concert avait lieu dans une de ces nombreuses bourgades qui hésitent entre l'authenticité campagnarde et les commodités citadines et que d'habitude l'on traverse sans y prêter garde. Je traverse donc à la recherche de la zone commerciale, qui rassemble tous les stigmates du surnuméraire, au sein de laquelle se trouve un restaurant qui accueillait le dit concert. Alors, compte tenu de ce qui précède, pourquoi me trouve-je là entre la nuit et nulle part? Pour faire plaisir. J'aime bien faire plaisir. La plupart du temps ce n'est pas compliqué. Faire plaisir fait sourire et réciproquement. Donc, me voilà installé avec mes copines. La caractéristique d'une telle soirée est que d'un côté le public mange et de l'autre côté les musiciens jouent. Dans ce cas, la rencontre a peu de chance d'avoir lieu. Pour ce qui nous concernait, mes copines et moi avions décidé de ne pas manger mais de boire. Après avoir bu deux bières de Noël j'ai ressenti comme un coup de bûche derrière les oreilles. Étant assis, je sauvais les apparences. Et, avec retard comme il se doit, le groupe jouent le premier morceau. Pour ce qui me concerne et pour ce qui est du jazz manouche, j'en étais resté à Django Reinhardt et Spéphane Grappelli. Et là... Et là, même sans l'aide de la bière, j'en serais tombé de mon fauteuil. Les mangeurs ont laissé tomber les fourchettes et les couteaux, ont stoppé la mastication et n'ont plus quitté la scène des yeux et des oreilles. Aisance, dextérité, plaisir de jouer, inventivité, humour, partage, détournement sont les mots qui me viennent pour essayer de traduire la prestation à laquelle j'ai eu le plaisir d'assister. Je les encourage à prendre encore plus de liberté, à oser davantage car il est évident qu'ils en ont l'envie et le talent. Je ne l'aurais jamais cru mais en ce samedi soir j'ai aimé le jazz manouche.    

vendredi 27 novembre 2015

Un soir au concert


Donc hier soir je suis allé voir et écouter le ci-dessus Bertrand Belin. En première partie se produisait H-Burns. Pour tout dire, je ne connaissais ni les uns ni les autres. Pour une fois que je partais à l'aventure. En attendant que s'ouvrent les portes (je me demande toujours ce que font ceux qui ouvrent les portes avant de les ouvrir), papotant de droite et de gauche, il semblait que les présents étaient plutôt là pour la première partie. Une fois partis, je ne serais pas surpris qu'ils aient rééquilibré leur préférence. Pour ce qui me "concert" (j'ai mis des " au cas où) je n'avais pas d’a priori, ce qui n'était pas le cas de mon ami Jorge qui se demandait pourquoi les parties n'avaient pas été inversées. Quoi qu'il en soit, H-Burns n'a pas mis le feu (oui je sais). Pour le dire autrement, je ne me suis pas enflammé. Tout comme le disait Titi, le virtuose de la douze cordes, nous n'étions pas rentré dedans. Mais comme me l'a fait remarquer un de mes voisins qui m'est proche (il tient à garder son anonymat), le son n'était pas bon, le chanteur avait pour partie perdu sa voix et je ne sais plus quoi d'autre. Il me fit remarquer que sur disque c'était autre chose. Comme toujours, je lui fais entièrement confiance. Puis vint le gars Belin. Je vous épargnerai tous les jeux de mots foireux qui encombrent mon esprit, mais vais-je résister. Et là... Et là, le gars Belin, il me l'a fourré entre les deux oreilles son... Son touché de cordes, son talent, sa voix, son mouvement, son charme et son déhanché (c'est mon côté midinette), son humour, son timbre vers d'autres destinations, sa discrète omniprésence, ses textes et autres interludes aussi absurdement poétiques que drôles. Pour tout dire, je n'ai pratiquement pensé à rien d'autre pendant le concert. Moi qui suis pourtant du genre ronchon insatisfait, mais moins que Jorge, j'en aurais bien pris une deuxième part. Le gars Belin m'a rendu gourmand. Il m'a allumé la mèche. Il est accompagné de quatre musiciens qui, mise à part la batteuse qui bastonne à bon escient, sont éclipsés par le gars Belin, mais ce qui ne remet pas en cause leur talent. Voilà, j'ai pour le moins été conquis et j'irais bien au Trianon le 15. Et comme le dit la dulcinée de l'anonyme qui m'est proche "Le gars Belin, il est à croquer" (c'est pas moi qui l'ai dit). 

Prélude

Dans le froid d'un préambule
Avant une dernière habitude
Se termine la décrépitude
Alors se vide la plénitude
Et j'attends ta solitude



jeudi 26 novembre 2015

Est-ce?

Avant que la quiétude ne cesse
Encore engourdi, rien ne presse
Encore endormi , disparaissent
Et s'évanouissent les faiblesses
De cette autre nuit de détresse
Bientôt je sentirai tes caresses 

Beurk





J'ai testé le jogging après des rognons de veau frites (maison) beaujolais. Je déconseille (le jogging). Voilà le résultat!
Photo de Thierry Joubin.


lundi 23 novembre 2015

En votre absence

Ce matin, j'étais seul. Seul au bureau. Et je rêvais. Je rêvais que je n'étais pas au bureau. Je rêvais que j'étais ailleurs. Un ailleurs indéterminé. Un ailleurs qui m'était inconnu mais où j'aurais aimé être. Pour faire illusion, j'ai laissé mon corps surplace. Je n'étais plus là. Dans le silence apaisé, je suis parti. Sans destination. Au gré. Au gré des errances. Porté par le courant indolent, je me suis éloigné du bord qui a fini par disparaître. Peut-être sans retour après les détours du rêve. J'ai abordé l'autre côté. C'est ce qui m'a semblé. Je n'en discernais que peu de chose mais j'étais bien. Je vagabondais comme un esprit détaché. J'allais m'insinuer dans les caresses de l'absence.
"Dis, t'as bientôt fini de remplir le tableau?"
Je réintégrai mon corps.  

Pousse

Dans le bureau dans lequel j'officie, se trouve sur ma droite ce que l'on pourrait appeler une baie vitrée si elle ne se trouvait pas à un cinquante du sol et découpée en quatre fenêtres. Quoi qu'il en soit elle permet un bon ensoleillement l'après-midi, ce qui me fait penser que son orientation ne doit pas se situer loin de l'ouest. Il est des jours, peut-être tous les jours, où mon regard se perd dans ce rectangle de lumière. Au premier plan, des murs et des appartements qui le matin brièvement prennent vie. Au deuxième plan, une perspective arborée dans laquelle je prends la fuite. Elle est composée de trois arbres. Pendant l'été et le printemps, on ne peut les distinguer. Ils composent une forme verte qui ondule dans le vent. D'où je suis, quand j'y suis, je ne peux distinguer leur tronc. L'autre jour, alors que je m'abîmais dans mes rêveries de fin d'automne, une constatation me sort de ma torpeur. Je découvre pour, me semble-t-il, la première fois que ce qui à la belle saison ne semblait faire qu'un est en réalité composé de trois arbres. Une sorte de trinité végétale. Cette découverte ayant aiguisé ma curiosité, je m'attarde dans leur contemplation. A ma grande surprise, je constate dans un premier temps, que ces arbres sont de tailles différentes. Et ensuite que celui du milieu paraît chétif par rapport aux deux autres. De plus, il est penché. Ceci montre qu'il est obligé de se battre pour avoir accès à la lumière et qu'il ne peut compter sur la solidarité de ses voisins. A terme, plus faible il ne pourra se défendre contre les parasites et il sera étouffé par les deux autres. Je ne suis pas insensible à la souffrance des arbres, je suis pour que chaque arbre puisse vivre en harmonie avec son milieu. Alors, que dois-je faire? Créer un comité de soutien? Abattre les deux autres? Ou dois-je dire comme Victor Hugo "Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent ; ce sont ceux dont un dessein ferme emplit l'âme et le front, ceux qui d'un haut destin gravissent l'âpre cime." J'hésite.

vendredi 20 novembre 2015

Au bord

Je t'attends. Je t'attends toujours. Je t'attends à chaque fois. Toutes ces fois où le temps est du désir. Tu n'imagines pas comme j'aime t'attendre. Qu'aurais-je d'autre à faire? Quand nous avons rendez-vous, je n'ai qu'une envie. Que tu sois en retard. Je sais que ça ne te demande aucun effort. Tu vas arriver. Tu me regarderas en souriant et je te dirai "Déjà?".

jeudi 19 novembre 2015

Un soir au concert

Hier soir je suis allé écouter ce groupe. Une configuration sobre. Guitare, basse, batterie. Pas d’esbroufe. Pas d'effet. Personne ne tirant la partition à soi. Du rock dans toute sa splendeur. J'aime la simplicité. Un chanteur guitariste qui transmet son plaisir de jouer, avec une énergie qui n'empiète pas sur son talent de musicien. Une bassiste dont la voix mériterait d'être mise un peu plus en avant et qui sobrement assure avec ses quatre cordes. Un batteur puissant qui cimente le tout. Un groupe comme du temps du vinyle. Un tout petit regret dont j'ai fait part à mon voisin Jorge. Un des titres aurait mérité l'apport d'un clavier. Je n'ai pas su ce qu'en pensait Jorge. Il est dommage que nous n'ayons été qu'une vingtaine à profiter de ce qui nous a été offert. Un très bon concert.

Sortie du 11 (fin)

Ah oui. D'aucuns m'ont fait remarqué que je n'avais pas donné le nom de la bourgade. Des perspicaces m'ont proposé des noms. Il existe de bonnes réponses. Pour tout dire c'est surtout son nom qui a retenu mon attention. Quand je suis sur mon vélo, pour passer le temps je joue avec le nom des communes traversées. Certains ne m'inspirent pas. En revanche, celui dont il est question  m'a assez rapidement inspiré. J'ai d'abord cherché quelles anagrammes était possibles. J'ai notamment trouvé Le Rhône (j'écris notamment mais je n'en ai pas trouvé d'autres). Et non moins rapidement, je suis retombé en enfance. Ou alors j'y suis retourné. A moins que...
En lisant son nom, je me suis dit que cela me rappelait quelque chose. Quelque chose de mon enfance. J'ai fini par mettre le doigt dessus. L'association des sons qui éveillent un air. Petit Patapon. Le Héron petit Patapon. Lors de mon dernier passage au Héron, j'ai découvert sur le bord de la route un musée dédié au héron. Bien que mon enthousiasme pour ce genre d'endroit soit très mesuré, la prochaine fois je le visiterai.

mardi 17 novembre 2015

Monument

Sur deux roues j'avais encore le cœur léger. Quelques minutes dans un Charleval désert en ce début d'après-midi. Peut-être comme d'autres en 1915, deux jours plus tard je me demandais comment avions-nous pu en arriver là. J'ai commencé à réfléchir et la lassitude a pris le dessus. 

Tel quel (le chien)

Une minute de silence
Des minutes de souffrance
Quand s'envole notre enfance
Et que nos rêves se balancent
Dis moi quelque chose
Même en prose
Qui me donne confiance
Dans le cœur de la France 
Il serait pire de ne plus rire
Même si ton rire a disparu
Il traverse mes souvenirs
Et dire. Et dire. Et dire.
Et dire que nous pourrions.
Et dire que nous pourrions être heureux.
Je me réveille et je respire
Dans l'air du matin j'aspire
J'aspire à ne pas être poussière
Consumé par les prières
J'aspire les effluves du fleuve
Bleu blanc rouge de plaisir
Dans un flot de désirs
Et tu soupires
Deviner tes lèvres frémir 
Dans ce Paris pour ne pas mourir
Dans ce Paris pour ne pas partir
Dans ce Paris devenu la Mecque des plaisirs

dimanche 15 novembre 2015

Si loin de nous

Un soir. Une soirée. Une soirée illuminée, traversée de paroles et de regards. Des gens se croisent sur des trottoirs qui ondulent. Ils se retrouvent. Ils se sourient. Ils se prennent dans les bras, échangent la tendresse des caresses. Ils s'attablent. Ils ont tant à se raconter. Ils partagent dans la chaleur des cœurs et des rires comme les lumières estompent la fin d'un jour. Ils goûtent l'envie, les sensations, l'existence du moment. Ils se touchent des yeux. Ils offrent leur visage. Ils désirent. Ils se désirent. Ils vivent. Ils sont si près. Si près de l'oubli du reste. Si loin du fracas. Si loin de la peine et du chagrin. Si loin de cette nuit peuplée de peur, de douleur. Si loin de la torpeur et des pleurs. Étrangers à la terreur. Les fleurs brillent dans les premières lueurs. Le jour est là, tout proche.

samedi 14 novembre 2015

Sortie du 11

Hier, j'ai effectué un tour. Un tour de vélo. Pour être plus précis, j'ai parcouru une boucle. Je suis revenu au point de départ. Pas mécontent d'ailleurs. C'est une boucle qui m'est familière. Celle que je parcours quand je suis en forme. Il m'arrive parfois de me croire en forme et de terminer sur les jantes. Tel ne fut pas le cas en ce 11 novembre. C'est ainsi que les bourgades et autres villages ont défilé. L'un d'eux, depuis quelques temps, retient plus particulièrement mon attention (j'ai l'impression d'écrire une lettre de motivation). C'est une commune singulière qui se situe entre Buchy et Vascœuil par la D46, voie peu fréquentée et roulante. A l'écart mais pas à l'écart de tout. Il suffit de s'écarter de la route principale. Elle peut paraître oubliée. Peut-être même oubliée de ses habitants. Quand je traverse ce village, il est fréquent que je ne vois âme qui vive. Rassuré, l'autre jour j'ai vu des enfants qui jouaient dans la cour de l'école qui se trouve à la sortie. Mais mercredi, je n'ai aperçu personne. A la réflexion, j'ai l'impression de ne jamais avoir aperçu ou croisé que des enfants. Il doit pourtant y avoir des adultes. La preuve en est qu'au cours d'un de mes passages, il y a de cela de nombreux mois, j'avais remarqué une bâtisse de taille respectable dans un état qui laissait supposer qu'elle était restée inhabitée durant de longues années. Peu de temps après, effectuant un nouveau tour, j'aperçus devant la maison du matériel et des matériaux qui laissaient présager d’imminents travaux. Ce qui s'avéra. J'ai ainsi pu constater mercredi que les travaux étaient terminés. Mais d'adultes point. La prochaine fois j'irai frapper à la porte.     

mercredi 11 novembre 2015

Repousse (2)

A l’œil nu, on ne discerne pas de changement. La douceur et le soleil n'ont pour l'instant pas provoqué une repousse accélérée. Nous avons le temps.

mardi 10 novembre 2015

En attendant

Ce moment de l'entretemps se lasse d'attendre le retour fugace. Répandu, il laisse la place entre les aiguilles. Il file et s'entrelace dans le temps devenu. Il est maintenant figé. Parmi d'autres. Comme un livre qui sera peut-être ouvert. Que faisons nous de nos souvenirs? Ils brillent dans un vide lointain. Ils ont besoin de notre temps, de notre attention, de notre gratitude. Quand le soir je regarde subrepticement le ciel, il parait vide. Je ne distingue que quelques étoiles. Les plus brillantes et celles dont je connais l'emplacement. Et puis si je persévère, si je scrute, si je prolonge l'observation, je finis par en découvrir d'autres. Des points clairs qui auraient tôt fait d'échapper à mon attention. Ce qu'elles font. Elles se fondent dans l'obscurité qui les entourent. L'obscurité est une immensité.

lundi 9 novembre 2015

De beurre

Nous avons tous connu ça. A la réflexion, pas tous. Alors disons certains parmi nous. En tout cas moi, il n'y a pas de doute. Assez souvent même. Le pire étant que la précédente ne me sert jamais de leçon. Je le sais et pourtant je recommence. A chaque fois je me dis "Mais arrête, bordel (parfois je le cède à la grossièreté et je finis par le regretter mais à chaque fois je recommence), tu sais comment ça va se terminer". C'est vrai que je le sais mais il y a quelque chose en moi qui me dit cette fois-ci ce sera différent. Et je fais comme si j'y croyais alors que je ne suis pas dupe de moi-même.
Par exemple, quand j'étais petit, j'allais à l'école. Un petit peu comme l'on va à l'abattoir. Ça me tuait. A chaque fin de journée ou de cours, selon le niveau atteint, il fallait sortir le cahier de textes. Je n'ai jamais su me servir de ce truc. Toujours est-il qu'il fallait noter leçons et devoirs. A peine refermé ce foutu cahier, je ne pouvais pas m'empêcher de me dire que j'avais le temps. Les jours passaient. Je ne faisais rien mais j'avais le temps. Le temps de ne rien faire. Je finissais par me retrouver à la veille de l'échéance sans avoir rien fait. Mais ne rien faire n'était pas une matière. Tout au plus, une matière à réflexion. Et je m'en voulais. Je m'en voulais d'être comme ça. D'en être réduit à rendre un devoir qui n'avait ni queue ni tête, à espérer que le prof m'oublierait au moment de l'interrogation. Et pourtant, je savais pertinemment que ça se terminerait aussi piteusement. Mais rien n'y faisait. A chaque fois, j'avais le temps. C'est ainsi que tout ce qui comportait une échéance était prétexte à procrastination. Je savais que je courrais à la catastrophe mais je ne parvenais pas à prendre conscience des conséquences qui pourtant m'étaient régulièrement répétées par les autorités tant professorale que parentale. Mais tout cela me semblait abstrait et probablement exagéré.
Exagéré. La transition est toute faite même si tout reste à faire. "Vous exagérez" m'a ainsi interpelé une marmotte de mes amis. J'ai fait sa connaissance un jour que je gravissais le col d'Agnel, qui, soit dit en passant, n'est pas des plus connus mais n'en est pas moins pentu. Arrivé au sommet, entre neige et verdure, je me suis offert une pause qui devait notamment me permettre de trancher. Soit je rebroussais chemin soit je me lançais dans la descente côté transalpin tout en sachant qu'il me faudrait inévitablement remonter. Tout à ma réflexion, je fis quelques pas dans les herbages alentour. Et c'est alors que je laissais mon esprit vagabonder, qu'un mouvement aussi furtif que coloré m'a fait lever la tête. Face à moi, à peine à quelques pas, autant dire à portée de souffle, une marmotte. Elle me regarde. Je fais de même. Je lui souris. Elle me fait un signe de la patte. Et nous finissons par sympathiser. Au début, encore un peu sur la réserve, nous parlons de tout et de rien, de la pluie et du beau temps. Des enfants qui sont turbulents. Du temps qui passe. La confiance venant, elle avait besoin de se confier, elle me fait part de ses craintes. Des craintes qui étaient liées au climat. Déjà à l'époque, il lui semblait que les saisons manquaient de caractère, que la neige ne rimait plus avec abondance. Je lui répondis, summum de l'analyse, qu'elle se faisait certainement des idées. Le temps a continué de passer. Le réchauffement climatique était devenu d'une quotidienne actualité mais ses conséquences me semblaient toujours aussi lointaines qu'abstraites. Alors je continuais comme si de rien n'était. Je me disais que j'avais le temps. Mais hier, alors que sur deux roues je traversais la plaine, sur le bord de la route j'aperçois mon amie la marmotte. Surpris, je mets quelques secondes pour me convaincre que c'est bien elle et je fais demi-tour pour la retrouver. Après les embrassades et autres manifestations d'amitié, je lui fais part de mon étonnement de la trouver sous nos latitudes. A part quelques timides collines, notre région n'est pas connue pour sa haute altitude. Elle en convient. Devant ma surprise, elle m'explique que depuis notre dernière rencontre les conditions climatiques se sont dégradées, qu'il faut aller de plus en plus haut pour trouver de la neige et que, surtout, il fait désormais trop chaud pour hiberner, que de fait, la civilisation marmottienne est en voie de disparition, que l'expression dormir comme une marmotte n'a plus de sens. La montagne est devenue une vallée d'altitude. C'est la raison pour laquelle elle avait quitté son habitat qui ne lui était plus naturel. Là, devant moi, j'avais l'incarnation, le symbole de mon inconscience. J'avais exagéré. Il était trop tard pour avoir le temps. Je lui ai proposé de l'héberger dans mon réfrigérateur. 

dimanche 8 novembre 2015

Ouverture

                                                 Je ne me souviens plus sur quoi elle ouvrait.

vendredi 6 novembre 2015

A peine

Hier matin je marchais sur un trottoir. Il faisait encore nuit mais j'avais bon espoir que le jour finisse par se lever. Cela ne me préoccupait pourtant pas. Il est des jours où la nuit pourrait demeurer tout au long. Je marchais vers ma destination. Ce que je préfère dans la marche, c'est le hasard. L'impression. Mais hier matin, il n'était pas question de hasard mais de destination finale. J'emprunte toujours le même itinéraire. Pour terminer, je longe une avenue qui n'en finit pas, du moins je le suppose car je n'en ai jamais vu le bout. Il est vrai que je n'ai jamais eu la curiosité d'y aller voir. Je marchais donc sur le sol encore humide, comme si la lumière des lampadaires se liquéfiait en touchant l'asphalte. Comme souvent à cette heure, j'ai croisé des enfants en marche vers le savoir. Certainement impatients d'apprendre, ils couraient. Des matins, mes yeux ne s'arrêtent sur rien. Léger, je ne porte attention à rien. Mais hier matin, il en alla tout autrement. Quel suspense. Je regardais droit devant. Au début je n'ai discerné qu'une forme sombre surmontée de gris. Compte tenu de la distance qui m'en séparait, je ne pouvais pas évaluer sa vitesse de déplacement. J'ai même douté qu'elle fut animée. Après quelques pas de plus vers elle, j'ai pu constater qu'elle progressait lentement dans ma direction. Associant cette donnée à ce que je voyais, j'en ai conclu que c'était une femme. Une vieille femme. Munie de deux cannes, elle avançait. Elle ne donnait pas l'impression de marcher. Chacun de ses pieds semblait glisser de quelques centimètres à chaque fois. Le reste de son corps suivait prudemment. Elle semblait guidée par cette prudence qui apparaît lorsque les gestes de la vie perdent de leur naturel. La tête inclinée vers le sol, elle était toute accaparée par la nécessité de poser l'extrémité des cannes au bon endroit. Je l'ai croisée. Elle ne m'a pas vu. Sans trop savoir pourquoi, je me suis dit qu'un jour elle avait marché d'un pas assuré, regardant droit devant elle. Qu'elle avait dévalé un escalier quatre à quatre. Qu'elle avait sauté de son lit. Qu'elle avait été impatiente. Qu'elle avait vécu les promesses du désir. Qu'elle avait fait l'amour et joui à en réveiller le voisinage. Qu'elle avait observé des vieux en se disant... Je me suis retourné mais elle avait disparu. 

mercredi 4 novembre 2015

Volonté

Ce matin, dans le silence de l'habitude qui accompagne le réveil, j'ai pris une décision. C'était brutal. Prendre une décision n'est pas dans mes habitudes, de surcroît le matin. Faute d'un réveil cérébral, je n'en ai pas mesuré l'ampleur. J'étais le seul à connaître cette décision. J'aurais pu l'annuler sans que l'on puisse me le reprocher. Elle n'avait pas encore été créatrice de droit. Renoncer n'aurait lésé personne. Pourtant, par rigueur morale, je n'ai pas cédé. Il est vrai qu'entre la porte de la chambre et celle de la salle de bain, j'ai hésité. Face à la glace, je me suis regardé. J'ai vu ce regard qui ne demandait qu'à se dérober. J'y ai vu défiler tous les renoncements, tous les abandons, toutes les lâchetés. Ça n'en finissait pas. A croire que j'avais vécu plusieurs vies. Quoi, n'étais-je pas capable de courage? Avais-je renoncé à toute fierté? Étais-je condamné à être ce que j'avais été? Comme dirait un pétrolier qui fore le sol à la recherche de gaz de schiste, j'ai des ressources cachées. Dans le blanc de l'émail et des yeux, j'ai décidé de maintenir ma décision. C'est ainsi que je suis retourné me coucher.

lundi 2 novembre 2015

Hygiène buccale

Où se trouve ce qui a disparu? Pour qui sommes-nous perdus? Où avons-nous rangé ce qui n'existe plus? C'était un matin. Je m'étais extirpé. Mais pourquoi ne me suis-je pas couché plus tôt me dis-je? Comme à chaque fois, la fatigue s'allégeait et disparaissait, dans un dernier bâillement, avec l'eau de la douche. Demeurait pourtant une impression. Une de ces impressions qui demeurent dans l'ombre. J'avais oublié quelque chose mais je ne savais pas quoi. Avec le temps, s'amassaient les oublis. Il m'était impossible de me souvenir de tout ce qui avait quitté ma mémoire depuis mon premier jour. A n'en pas douter, il aurait fallu de nombreux registres pour tout recenser. J'avais oublié des voix, les visages d'inconnus, des sourires, des rendez-vous, des livres, des films, des corps, des lèvres, des hésitations, des regrets, des promesses, des jours de pluie, des matins, des chagrins, des toujours, des jamais, des peut-être, des désirs... Tout était pêle-mêle, laissé à l'abandon. Pourquoi serais-je allé fouiller? Pour trouver quoi? Pourtant, ce matin là, j'étais prêt à faire un effort. J'avais envie de me souvenir, envie de prendre le risque. Ce qui devait arriver arriva. Je suis entré dans la salle de bain et c'est en prenant la brosse à dents que ça m'est revenu. Il n'y en avait plus qu'une.  

dimanche 1 novembre 2015

Menace sur l'assiette

Cela n'a pas été sans mal, mais j'ai enfin identifié la menace qui me fait peur. Le phare qui, d'une lumière crue a pris dans son rai la menace qui commençait à sourdre et m'a révélé , se trouve à Béziers. Toute société, toute civilisation, pour peu qu'elle veuille prospérer et parfois simplement survivre a besoin de visionnaires, de ces hommes qui ont un sens inné du destin qui attend le monde dans lequel ils vivent. Et bien, Robert Ménard est un de cela. Bien avant tout le monde, avec modestie et opiniâtreté, il a, sans coup férir, identifié la perfide, la fourbe menace. Bien que Béziers soit éloignée des plages de la Méditerranée, de sa mairie Robert a identifié, débusqué les annonciateurs stigmates de la déferlante, de cette vague qui finira, si nous n'y prenons garde, par nous submerger. Il sera alors trop tard. L'irréversible sera là et bien là. Mais Robert, fin et judicieux observateur, a compris que l'invasion avait déjà commencé et ce par la bouche et que nous étions sur le point d'assister au grand remplacement culinaire. Béziers est envahi par le kébab et comme le dit Robert "Ces commerces n'ont rien à voir avec notre culture !" Mais bien sûr qu'il n'ont rien à voir avec le kébab tout comme le couscous, le nem, le hamburger, le tiep bou dien, le colombo, les tacos... Alors je dis merci à Robert qui, infatigable défenseur de nos traditions, depuis que le saucisson et l'andouillette sont accusés de tous les maux, s'apprête à débusquer les envahisseurs qui ont infiltré l'OMS. Allez Robert.


Repousse (1)

Peu de changement depuis la dernière fois pour ne pas dire aucun. L'adjectif imperceptible s'impose. Il est fort probable que nous devions (je vous associe) attendre le printemps. Nous verrons bien.

samedi 31 octobre 2015

De quoi?

C'est encore confus dans mon esprit. J'ai consulté la presse, écouté la radio, mes collègues de boulot ainsi que moi-même. Il m'arrive en effet de m'écouter. Il m'est parfois nécessaire de formuler pour rassembler divers éléments se trouvant dans différents endroits de mon cerveau afin de structurer une pensée, ce qui me permets de connaître mon opinion à propos de tel ou tel sujet. Donc, après avoir lu et écouté, je me suis dit qu'il fallait arrêter. Il faut se rendre à l'évidence, nous sommes menacés, notre monde est menacé. Quelle est la nature de cette menace? De fait il n'existe pas qu'une seule menace mais des menaces. Des menaces qui nous menacent. Qui menacent notre quotidien, qui menacent notre civilisation, qui menacent notre culture, qui menacent notre couleur, qui menacent notre assiette, qui menacent notre langue, pour tout dire qui menacent notre existence. Quand chaque matin, ouvrant les yeux, je constate que je suis vivant, j'en suis presque étonné. Quand je me trouve installé à la table de la cuisine avec à ma gauche le beurre et la confiture, à ma droite mes tartines et au milieu mon café je sens m'envahir un soulagement et remercie Dieu d'être si prévenant. Quand, au petit matin, marchant sur le trottoir où légères virevoltent les feuilles d'un doux automne, je constate que seul le ciel est voilé, je sens se détendre mon corps et s'affermir ma démarche. Alors, confiant et sourire au lèvres, je poursuis mon chemin quand mon regard est attiré par l'étal de la charcuterie bien achalandé et baignant dans une séraphique lumière sous le regard bienveillant du charcutier qui me salue. De ses deux millénaires de gastronomie, la tête de cochon me contemple. Ainsi, toute cette journée sera jalonnée de tous ces signes, de tous ces riens qui font que notre pays est notre pays et le demeurera. Pourtant, car il y a un pourtant, diffuse je sens se répandre la menace. Derrière les sourires l'on devine l'incertitude baignant dans le doute. J'avoue, j'ai peur. Je vais prendre le temps de réfléchir et d'être à mon écoute pour savoir de quoi j'ai peur et je reviens vers vous pour vous dire quoi. 

lundi 26 octobre 2015

Autre chose (passer à)

Il y a des jours, je me demande. Je me demande ce que je fais là. Là précisément. Dans ce bureau mal chauffé. Je tapote sur des touches et je remplis des cases, plus précisément des cellules. Il en suffit d'une pour que je me sente à l'étroit. Je pourrais être ailleurs, même si je ne sais pas où. Il suffit d'en évoquer la possibilité. Je ne sais pas ce que je fais. Je l'ai déjà oublié. Le dérisoire envahit. Une journée dont il ne reste rien. Une journée faite de riens que je remplis de pas grand chose. Une journée aérophagique. Une journée redondante. Sait-elle seulement que je me suis levé pour elle, rien que pour elle? Une journée qui s'est moquée de moi, qui n'a pas respecté mon désir, mon désir de la remplir, d'en faire une journée pleine, une de ces journées dont on est fier. Comme le dit ma collègue, cette journée s'est foutue de ma gueule. Pour demain matin, faut voir.

dimanche 25 octobre 2015

Il était temps

Le jour se lève et le silence s'endort.

Ratiboisage (suite enfin)

Je me précipitais dans la salle de bain et osais me regarder dans le miroir. Ce que je voyais m'affligeait. J'avais l'impression d'être un autre. J'aurais aimé être un autre. J'avais beau me dire que c'était une question de temps, que d'ici quelques jours je n'y penserais plus, on m'avait pris quelque chose, qui n'avait rien à voir avec les cheveux. Je me confrontais à la perte.
Tout cela pour en venir au bucolique ratiboisage. Dans le jardin, s'était épanoui un noisetier qui faisait écran avec les voisins. D'aucuns le trouvaient envahissant, le noisetier. D'une certaine façon, on pouvait considérer qu'il outrepassait ses droits en passant par dessus le mur du voisin, ce mur qui délimite les territoires respectifs. Donc décision fut prise de le tailler, de le rafraîchir, de le raccourcir. Pour ce faire on requerra les service d'un professionnel sachant avec dextérité manier la tronçonneuse. Pendant de longues minutes, de très longues minutes j'entendis le bruit du massacre. A chaque fois que le silence se faisait, je me disais c'est bon c'est fini. Je ressentais malgré tout l'angoisse d'un retour imminent. Quelques secondes passaient et la tronçonneuse vrombissait derechef. Mais qu'allait-il rester du noisetier, ramasserai-je encore des noisettes? Le ratiboiseur n'avait-il pas un compte à régler avec les noisetiers? Puis et enfin le silence. Ce silence qui précède la vérité. Il ne me restait plus qu'à constater. Ce que je fis et immortalisais.

samedi 24 octobre 2015

Ratiboisage

Quand j'étais petit... Je me demande jusqu'à quel âge on demeure petit. J'entends la réponse "Ce n'est pas une question d'âge". Rien n'est une question d'âge. J'aime ces phrases qui commencent par rien. Ce côté définitif qui contient tout. C'est vrai. Combien de fois, tout en étant grand, me suis-je trouvé petit. Devenir grand a peut-être cela de commun avec l'horizon que l'on ne fait que s'en rapprocher. Ceci dit, je n'ai rien dit et j'arrête là.
J'ai peut-être commencé à devenir grand le jour où, pour la première fois, c'est moi, et non ma mère, sur instruction de mon père, qui ait décidé d'aller chez le coiffeur. Mon père ne supportait pas les cheveux longs. Il faut entendre par cheveux longs, le cheveu qui vient taquiner l'oreille. J'ai toujours soupçonné mon père d'établir une relation entre cheveux longs et virilité. Toujours est-il que j'allais chez le merlan accompagné de ma mère. Comme un extrait d'"Un jour sans fin" le coiffeur à chaque fois demandait on le coiffe comment, ce à quoi ma mère répondait bien dégagé derrière les oreilles, raccourcir la mèche devant et les pattes et désépaissir le dessus  et pour la nuque on fait quoi demandait inquiet le coiffeur et pour la deuxième fois ma mère utilisait les deux mots bien dégagé. Et commençait le massacre, la déforestation, le ratiboisage, l'éradication capillaire. Avec sa vibration, se mettait en route la tondeuse. Désespéré, je regardais tomber cheveux et disparaître ma tignasse comme disait mon père. Je pensais au lundi matin où j'allais devoir affronter les "quolibets" des copains et les sourires moqueurs des filles. Une fois la dernière mèche tombée et le dernier coup de brosse, le coiffeur se tournait vers ma mère et lui demandait ça va comme ça comme si c'était elle que l'on venait de coiffer. A chaque fois, elle me disait bah tu vois, tu es beaucoup plus beau comme ça, au moins on voit ton visage. Plus beau alors qu'avec mes oreilles j'avais des airs de Dumbo. Nous rentrions à la maison où mon père me gratifiait d'une nouvelle inspection.
Pourquoi ce passage chez le coiffeur? Réponse demain.

jeudi 22 octobre 2015

Proche

Vide. Un sentiment de vide. Quelque part. Un endroit de rencontre. Où les pas disparaissent dans la transparence de ce jour. La violence voile les yeux. Les rires et les voix s'échappent. Une tristesse décharnée s'écoule. La foi s'est mêlée à la terre. J'ai rêvé ta vie. 

lundi 19 octobre 2015

Qui flanche

L'oubli. Est-ce que tu te souviens? Quelques secondes. Est-ce que je me souviens? Non. Mais si, souviens toi. Quelques détails qui devraient stimuler ma mémoire. Ce n'est pas possible que tu aies oublié. Ça ne s'oublie pas. Encore quelques secondes. Oui, peut-être, c'est possible. Je pense lui faire plaisir en ne le laissant pas tout à fait seul avec son souvenir. Mais je vois bien qu'il est déçu. Peut-être même m'en veut-il. Il est au moins agacé. Il y a une minute, il me souriait. Et maintenant, je lis dans ses yeux le reproche. Cette envie de partager. Je n'ai pas envie de me souvenir. Si je pouvais, j'oublierais tout et le reste. Le passé me fatigue. Il est partout. Dans les têtes, sur les murs, dans les livres, dans les albums de photos, dans les mots. Je doute de l'existence d'un premier jour. Le passé forme parfois une brume entre l'horizon et moi. Franchement, que tu ne te souviennes pas, ça me dépasse. Fais un effort. Quel effort veux-tu que je fasse? Il me fixe, comme si avec son regard intense il pouvait extirper ce foutu souvenir de mon cerveau. Et pourquoi voudrais-tu que je m'en souvienne. Je ne sais pas, cela fait partie de notre vie. Les souvenirs font partie de notre vie commune. Ce sont des briques, des témoins, des caresses du temps passé. Si tu te lances dans la poésie... C'est maintenant que j'ai envie que tu me caresses. 

jeudi 15 octobre 2015

Imperceptible

"Je me sens tellement seule que j'ai envie d'être ensemble". C'est ce qu'aimerait dire une pierre. Cette pierre est dans un désert. Elle ne sait pas lequel. En étudiant l'environnement, il devrait être possible de savoir dans lequel elle se trouve. Aujourd'hui, si elle avait des yeux, du haut de la dune elle pourrait voir l'horizon. Un horizon fait de dunes ondulantes. Le désert est une sorte de mer sans eau ni plage. Les dunes font office de vagues. Elles avancent mais ne s'échouent jamais. Elles progressent emportées par le vent. Rien de lunaire dans ce mouvement. La pierre est entourée de grains de sable qui les jours de tempête la recouvrent. Elle peut ainsi disparaître plusieurs jours d'affilés. Elle n'aime pas les grains de sable. Ils l'agressent, la piquent, l'érodent, la harcèlent, la parsèment. Ils sont usants. Il arrive qu'ils la rendent folle. Combien de ses coreligionnaires, adoratrices du temps, ont fini par être réduites en sable. Même si elle ne les côtoyait que de loin, il est des jours où elle se sent seule. Si elle avait de la mémoire, elle se souviendrait qu'elle a été un rocher. Un de ces rochers respectables qui offraient de l'ombre. Aujourd'hui, elle est obligée d'attendre le soleil couchant pour offrir de l'ombre à un scarabée. L'érosion a été si lente qu'au détour d'une aube elle s'est découverte insignifiante. Elle se répand jour après jour par milliers, traverse, survole et se dépose. Si le dernier grain pouvait parler, peut-être se demanderait-il où il veut en venir.  

mardi 13 octobre 2015

Sans les mains

C'est en lisant une étude (en fait un compte rendu) sur la sexualité des iguanes parue en 1996 dans les Proceedings of the Royal Society B que j'ai découvert deux particularités fort intéressantes chez ces sauriens. Le sujet de fond de l'étude était de savoir comment font les mâles non dominants, et donc ne possédant pas de harem, pour se reproduire sachant qu'il leur faut en moyenne trois minutes entre la pénétration et l'éjaculation. Compte tenu du fait que le mâle dominant est très à cheval sur le respect de la propriété privée, le chapardeur ne dispose que de quelques secondes pour éjecter ses gamètes. Alors? Alors il se masturbe, sans y toucher. Il entrepose sa semence dans une poche idoine, ce vaurien et dès qu'il le peut, il saute sur une femelle et vide sa poche. Ainsi délesté, il repart. Autre élément étonnant, il est affublé de deux pénis. Mais il ne peut en utiliser qu'un seul à la fois.
 Je ne sais pas vous, mais je lui trouve un air libidineux.


vendredi 9 octobre 2015

Nadine France

Au début, je n'avais que le titre. Il se suffisait à lui-même. La sobriété me commandait de m'arrêter là. Tous autant que nous sommes, n'en avions-nous pas déjà trop dit, trop entendu, trop lu? Mais il faut toujours que j'en rajoute. Ce qui confirme que lorsque je parle des autres, je parle avant tout de moi. What the fuck! (j'adore cette expression, qu'un site traduit par "que diable"). J'ai longuement réfléchi, ce qui je vous le concède n'excuse rien, et j'en suis arrivé à la conclusion que j'étais Nadine. Je n'irai pas jusqu'à porter un tshirt à son effigie mais ma réflexion m'a fait cheminer jusqu'à la conclusion suivante : je suis responsable de Nadine et de ce qu'elle dit. Mais à quel titre, allez-vous me demander? Ce qu'a dit Nadine est un aboutissement. Elle est allée au plus près du bord de la falaise mais elle n'est pas allée au bord de cette falaise du jour au lendemain. Si au début, elle avait peut-être le vertige, peut-être dis-je, elle a vu tous ses proches qui d'abord s'en approchaient et finissaient par jouer les équilibristes. Alors pourquoi pas moi, s'est-elle dit. Et voilà. Ce qui m'étonne, c'est que ses amis lui refusent de jouer les équilibristes à son tour. Je suis responsable parce que tout cela se passe dans mon pays et que je n'ai rien fait pour l'empêcher. Je n'ai rien dit. Nadine n'est qu'un reflet et chaque jour qui passe, je me dis (je m'en dis des choses) qu'un jour il finira par être trop tard. 

Dire

Je suis là, parfois fatigué, parfois ailleurs. J'aspire à pleins poumons et à être le vent. Je m'engouffre. Je m'engouffre en toi. C'est une gourmandise. A pleines dents je déchire ton parfum. Parfois je n'ose pas. Je me dis... J'essaye de me dire quelque chose mais je ne veux pas m'écouter. Je sais ce que je vais me dire. Il me suffirait de prononcer les mots. Ce que je suis est un livre déjà écrit. Il est là. Il livre les mots de l'ivresse. Je le vois chaque matin, un peu plus poussiéreux que la veille. Pourquoi est-ce si difficile?

mercredi 7 octobre 2015

Approche

Je me souviens de la veille. Je me souviens du matin. Je me souviens de ce temps qui est encore là, qui est toujours là. Je pourrais presque y revenir. Je me souviens qu'il était à peine. Je me souviens qu'il filait comme s'il n'avait jamais dû s'arrêter. Il s'échappait ne laissant que l'ombre. Je me souviens qu'il a pris ton temps. De sa main fuyante, il l'a froissé et jeté. Comme si l'on pouvait en disposer. Comme si c'était sans importance. Comme s'il n'avait jamais été qu'un souvenir. Un doute. Simplement peut-être.

mardi 6 octobre 2015

Ni plus ni moins

En ce jour de tempête, le photographe était impressionné par le marin qui veillait au grain.

lundi 5 octobre 2015

Et puis c'est tout

Le disque est rayé. Je ne peux jamais entendre la fin de la phrase. Les grains de poussière sont comme des puces qui s'agglutinent autour du diamant. Ils virevoltent au-dessus du vinyle. Certains finissent par se déposer dans le sillon noir. Les derniers mots ne sont pas prononcés. Je peux les lire sur la pochette mais je ne le fais pas. J'aimerais les entendre. Entendre la voix. Le jeu de la lumière accompagne le mouvement mais le bras sursaute comme un hoquet sans fin. Certains jours, je patiente. Peut-être la rayure s'estompera-t-elle ou la vitesse de rotation permettra-t-elle au bras de sauter l'obstacle. D'autres fois, un coup de pied provoque une glissade crissante. Ces jours où il faudrait en finir, se rendre à l'évidence. Simplement se dire tant pis.

mercredi 30 septembre 2015

Peu importe

Proche de l'infime abîme, l'infini de la profondeur se reflète dans ton sourire. Le souffle se perd dans les flots. Je me noie dans la lumière du matin.

mardi 29 septembre 2015

Les revenants

Ce sont des revenants, non parce qu'ils seraient partis, ne serait-ce que quelques secondes, mais parce qu'ils me font peur. Je n'aime pas avoir peur et je n'aime pas que l'on me fasse peur. Pourtant, s'ils parviennent à me faire peur c'est que je demeure attentif, que je suis conscient du danger, que les mots et les phrases qu'ils forment ont un sens. L'effet des mots se propage au-delà de l'instant où ils sont prononcés. Parler de race blanche, des millions d'immigrés qui attendraient l'instant propice pour débarquer sur nos belles plages et nous envahir n'a pas pour objet d'alimenter un quelconque débat ou de nous faire réfléchir ou d'en appeler à notre humanité.  Ces mots qui propagent la haine, qui entretiennent la peur, qui confortent l'ignorance nous insultent et sont une insulte aux valeurs que nous partageons et qui nous permettent de vivre ensemble. La fraternité, la solidarité, l’empathie, le partage, la générosité et bien d'autres encore. Ces propos tenus par des républicains autoproclamés me salissent, me souillent, me rabaissent.
« Mais pourtant les Français se reconnaissent dans ce discours de vérité qui est tenu par le Front national »
La prochaine fois je décortiquerai cette phrase.

lundi 28 septembre 2015

Tracer

Ce matin j'attendais que le thé avec patience infuse. Je profitais encore de l'élan des rêves. C'est un moment vide, qui n'est pas relié. Du temps dont on ne fait pas grand chose. Du moins pour ce qui me concerne. Je regardais le pot de miel dont le contenu est un des éléments essentiels de ce début de journée. Comme chaque matin, je lisais les mots blancs qui indiquent son nom, son origine et le patronyme du producteur ainsi que son adresse. Je ne sais pas si c'est l'instant Alzheimer ou poisson rouge mais chaque fois j'ai l'impression de lire ces indications pour la première fois. Aussitôt lu, j'oublie.
L'infusion ayant eu lieu, je me saisis du dit pot de miel. Et se produit ce que je ne supporte pas, à savoir que mes doigts entrent en contact avec le miel. Sensation désagréable et poisseuse. Si l'on prend le temps d'y réfléchir, nous sommes tous d'accord pour dire que le miel doit rester dans son pot jusqu'au moment où nous en avons besoin. Sinon, sinon si l'on n'y prend garde, il finit par y en avoir partout. Et là, le miel appelant le miel, on en retrouve sur la table, sur l'étagère et c'est l'envahissement. Pour ce qui me concerne, le miel n'a d'autre utilité que de sucrer mon thé. Il en va de même pour la confiture. Si l'on n'est pas vigilant, tout finit par se mélanger et on ne sait plus quoi est quoi.

Tracer

Exil. Comme des îles à dérive sur les rives qui décrivent avec les mots salés. Ils échouent sur l'inlassable sable. Décrire les cris. Et que dit-on sur les estrades érigées, minarets qui répandent l'ignorance et la haine, la peur et le mépris? Ils sont de millions dans l'ombre prêts à fondre, péril informe et hirsute qui ravage les rivages. 

mardi 22 septembre 2015

Tracer

Après avoir été un temps poreuses, les frontières redeviennent peureuses. Elles se hérissent. Elles se murent, se recroquevillent. Elles étaient des bras ouverts, des promesses, un sourire, un trait d'union, des échanges. Elles sont devenues des images. Des images brutes de brutalité, de rejet. Des lieux entre deux d'où aurait été exclue l'humanité, où s'exerce une violence sur des corps fatigués de coups, fatigués de tout, écrasés par le présent. Le désespoir qui lutte pour une place dans un train est photogénique. La misère est envahissante. Elle menace, elle déferle, elle se rue, elle piétine, elle s'entasse, elle se répand, elle est prête à tout.

vendredi 18 septembre 2015

Discours anniversaire

Avant d'entrer dans le vif du sujet, par le truchement de ce propos liminaire, je me dois de préciser,  par respect de celle à qui je vais m'adresser et de ceux que je vais citer tout au long de ce texte que mes propos sont pour 95% d'entre eux sans fondement, issus de mon imagination. 

Claire, si tu me permets de t'appeler Claire, comme le disait un œuf de mes amis, avec qui depuis je me suis brouillé, même parfumée au mimosa, la vie est dure. En cette période de confusion, où l'expression " l'un dans l'autre" le cède à la polymorphie, nous avons besoin de repères, d'un retour aux valeurs, ces valeurs qui ont fondé notre civilisation. Nous avons besoin de ces lumières qui nous tiennent éloignées des ténèbres, de ces phares qui nous préservent des écueils de l'outrance, de la suffisance, du mépris, de l'indifférence et de l'ignorance. Et bien Claire, tu es l'un de ces phares qui jour après jour nous prodiguent sa lumière  pour que nos nuits ne sombrent pas dans l'ombre de nos solitudes. Voilà ce que l'on appelle une introduction en douceur et qui me semblait-il te correspondait bien. Pour le confirmer je l'ai soumise à une de tes amies anglo-saxonnes dont je tairai le nom, qui m'a fait remarquer que tu étais plutôt un phare que l'on aurait oublié d'allumer.

 Pour autant, cela n'a pas été simple. Pour tout te dire, confronté à la feuille blanche, j'ai longtemps hésité. Cette feuille était-elle réellement blanche? Ne t'avais-je pas déjà croquée par le passé, mise noir sur blanc, mise en mots, mise en bouche à l'occasion d'une autre dizaine? Ceci dit c'est aujourd'hui qu'enfin tu parviens non sans mal (vous reviendra à l'esprit, pour ceux qui en ont un, toute l'acuité rétrospective de cette expression "non sans mal"), à fêter ton anniversaire. Cet élément qui pourrait paraître anecdotique est on ne peut plus révélateur de ton moi profond (vous reviendra à l'esprit, pour ceux qui en ont un, toute l'acuité rétrospective de cette expression "ton moi profond"). De façon tout à fait exceptionnelle, j'ai donc été chargé de rédiger un discours en ton honneur. Mais pourquoi moi, car, comme aime à le dire Bertrand, émigré de la quatrième génération, hobereau et potentat local tendance Roundup, vouant un culte à la PAC plutôt qu'à la résurrection du Christ  "C'est incroyable qu'on laisse encore ce gars qui se croit drôle faire le pitre sur une estrade". J'ai fini par comprendre pourquoi j'avais été choisi quand je suis allé voir tes sœurs et frères pour leur demander ce qu'ils souhaitaient que je te dise en leur nom et qu'ils m'ont répondu "Bah euh, rien, je sais pas". Il est certainement des sentiments que les mots ne sauraient traduire.

 Tu es donc la benjamine de quatre sœurs et à ce titre tes proches étaient légitimement en droit d'attendre que tu sois la quintessence de la série, l'archétype d'une perfection au féminin, soit rurale mais au moins débarrassée des scories qui caractérisent les progénitures terriennes. Mais comme me l'a dit Michel ton beau-frère, tu aurais plutôt les caractéristiques d'une fin de série, ce qui en soit est un défi à la génétique. 
Quoi qu'il en soit, chacun sait que tu fêtes tes 50 ans avec quelques années de retard, ceci pouvant expliquer cela. Mais comme me l'a dit Marie, ta sœur ainée, les années sont comme des cadavres jetés dans les eaux boueuses de la honte, elles finissent par revenir à la surface qu'elles rident à souhait.


Quoi qu'il en soit je ne vais pas ici relater par le menu, ce que tu ne fus pas toujours, ta vie, ton œuvre. Non que cela me prendrait beaucoup de temps mais il n'est pas dans mes intentions de m’immiscer trop avant dans ton intimité. D'une part, par respect pour ceux qui eux s'y sont immiscés et, d'autre part, parce que comme le dit Jamal, que l'on surnomme Quota, ce qui, lors de soirées comme celle-ci, nous permet de dire que nous avons notre quota, donc comme le dit Jamal qui fréquente assidument la paysanne cauchoise, l'intimité, quoi qu'on fasse c'est jamais bien net. A propos d'intimité, pour donner un semblant de cohérence à ton existence, il me fallait en trouver le fil rouge. Après avoir longuement cherché, j'ai trouvé en me souvenant de ce que m'avait dit un gynécologue de mes amis lors de l'examen prémenstruel d'une adolescente que son père aimait très tendrement. Tout en farfouillant, l'air très pénétré il m'affirma "La vie est une perte." Autant sur le moment cette assertion ne me sembla pas couler de source autant, après réflexion, j'ai trouvé qu'elle s'appliquait pile poil à ta vie. 

Je me suis donc retourné sur notre vie commune. Non que nous ayons jamais partagé la même couche, ou je ne m'en souviens plus, mais nos vies se sont croisées à de très nombreuses reprises pour finir par s'entremêler inextricablement, car chacun sait, au-delà même des frontières du Vexin pouilleux, que se marier avec une ou un Lamble implique que l'on va se coltiner toute la famille, partout, en toute circonstance, famille au sens large puisque, après avoir fait preuve d'un semblant de retenue, la cousine et le cousin ainsi que leur progéniture, originaires de ce Nord lointain, ont fini par s'agréger au noyau originel. Malgré tout, j'ai cherché à découvrir ce que contenaient ces années au cours desquelles je ne t'ai pas pratiquée. J'ai pour ce faire exhumé quelques photos que par respect je n'exhiberai pas mais qui, comme me le faisait remarquer Agnès, montre que tu ne ressemblais à rien, ou à tout le moins à rien de connu. Tu as longtemps été une hésitation. Mais, comme me l'a confié Alain, ton frère ainé, tes parents ayant en mémoire l'histoire du vilain petit canard, gardèrent plus que de raison espoir. Alors qu'aujourd'hui rien ne semble devoir échapper à la frénésie d'immortalisation photographique, de ton temps la parcimonie était une règle de conduite, je n'ai ainsi retrouvé que peu d'éléments argentiques. Je me suis donc appuyé sur le témoignage de quelques croquants locaux pour reconstituer ta prime jeunesse. C'est ainsi que j'ai eu connaissance de ta première perte. Peut-être n'est-ce qu'une légende campagnarde mais il semble que c'est dans cette grange même, et plus précisément entre deux ballots de paille et une vieille suceuse d'occasion, qu'une fin d'après-midi d'été, ce moment de la journée où les odeurs exacerbent les désirs et libèrent les instincts, que tu perdis ta virginité. C'était une bonne chose de faite, même si le consentement n'a pas été formellement établi. Pour qu'il n'y ait pas d’ambiguïté, ce n'est que quelque temps plus tard que je vais faire ta connaissance. Pour tout dire, je t'ai connue tu étais grosse comme ça. Au moins en cela étais-tu fidèle à la tradition familiale. Mis à part ce détail physique, rien en toi ne retint mon attention.

 Ensuite va s'ouvrir une période pour le moins chaotique de ta vie au cours de laquelle tu vas perdre le sens des valeurs, ces valeurs féminines qui sont le fondement de la famille telles la soumission, l'obéissance, la modestie, la fierté de la belle ouvrage, le respect de l'autorité des aînés et enfin l'infaillibilité de notre saint Père le pape.Tu va ainsi devenir la Dany la rousse du Mesnil, la Louise Michel de Bézu, t'éloignant un peu plus de "la terre qui elle ne ment pas" comme a pu l'écrire le regretté Emmanuel Berl. Tu fréquenteras une cellule révolutionnaire implantée à Bézu Saint Eloi au sein de laquelle évoluait le célèbre et vénéneux Corlosquet, plus connu dans le milieu sous le pseudo de Kerlos Quéquette, je vous laisse deviner pourquoi.  Compte tenu du conservatisme ambiant tu passas aisément pour une rebelle. Je passe sous silence ces soirées fumeuses baignant dans le stupre qui te voyaient échouer au bowling de Cergy où les quilles aux formes arrondies étaient autant d'invitation à une luxure débridée. Rien qu'une classique crise de l'adolescence va-t-on penser, cette période où l'on est contre, rétif, incompris, transi, à fleur de peau, révolté, boutonneux et surtout con. Mais pour ce qui te concerne, cette crise se prolongera bien au-delà de l’adolescence pour finir... Pour tout dire, on ne sait pas trop. Tu es un volcan qui nous gratifie régulièrement d'une éruption. Comme le dit Michel, ton beauf, la mère Claire, elle est bien gentille avec sa veuve et son orphelin mais elle nous emmerde. Sur le principe nous ne sommes pas contre la sollicitude si elle est empreinte d'une certaine retenue et d'une discrétion de bon aloi. Et puis pour reprendre une célèbre phrase, tu n'as pas le monopole du cœur. Voilà comment tu eus à déplorer plusieurs pertes. Perte de temps, perte du sens commun, perte de vue, pertes et fracas.

Il est pourtant un domaine où pendant longtemps tu réussis à compenser pertes et profits. Celui du poids. Tu fis tellement de régimes que ton frère Emmanuel , on reconnaîtra là toute la finesse de l'humour terrien, a fini par t'appeler la banane. Il ne se passait pas une semaine sans que tu nous demandes, le regard plein d'espoir, "Tu trouves pas que j'ai maigri?". Que pouvions-nous répondre. Pour toi un oui te rendait si heureuse et pour nous un petit mensonge était sans conséquence. Non sans mal, tu tentais de donner forme à ton corps, de le faire ressembler à quelque chose qui puisse faire naître le désir, car sans mâle tu l'étais, déplorant que personne ne veuille s'intéresser de plus près à ton moi profond. Car si tu cherchais à être bien dans ton corps tu aurais aussi aimé qu'ils soient également plus nombreux à  s'y sentir bien.

 J'aborde là le délicat sujet de ta vie sexuelle. Si j'en parle si librement c'est que tu n'en fais pas mystère. Il faut dire que, même si ce fut sur le tard, tu commences à posséder un tableau de chasse bien garni sans que je puisse juger de la qualité du gibier. Cette quête effrénée de chair prouve qu'il te reste quelques livres à lire. Quoi qu'il en soit, nous ne saurions dire s'il s'agit des effets d'un épanouissement tardif, mais il semble que tu sois devenue une attractive girl et comme me l'a dit Cathy, une de tes charmantes et attentionnées belles-sœurs, il est bien rare qu'il n'y ait pas au moins une baguette dans le fournil. Je crois me souvenir que c'est à cette occasion, que ton autre charmante et attentionnée belle-sœur, j'ai nommé Christel, répondit, alors que je lui demandais de te caractériser en une phrase, que tu es au sexe ce que la levure est à la pâte. Mais surtout, n'allez pas, comme Bertrand, en conclure un peu hâtivement que Claire est une salope. Car Claire, si tu me permets encore de t'appeler Claire, tu as simplement compris que l'on n'a qu'une vie et qu'il sera trop tard bien assez tôt.

Pour me faire pardonner de t'avoir un tantinet culbutée, c'est avec plaisir que je vais relire ce texte à rimes qu'en son temps je t'ai lu.
  
Claire

Quand je t'ai connu petite et pas peu fière
Vive et piquante dans le profil d'un fil de fer
Peut-être la jolie môme et son pull de Ferré
Courant dans la cour pour dire adieu à l'hiver
Tu n'avais alors dans le regard qu'une prière
Que ta vie soit peuplée d'aujourd'hui et non d'hier
Et tu allais dévaler, arpenter, te confronter à la morale de fer
Jusqu'à plonger dans ta destinée fraîche et claire
Comme nous entraîne vers nos rêves l'eau de la rivière
Bien sûr tu laisses ton temps couler sur les berges pour atténuer la misère
Et pendant ces jours qui se traînent et où tout leur semblent amer
Tu écoutes, tu parles, tu regardes, tu ris pour que le bonheur ne soit pas qu'un éclair
Bien sûr il arrive que fragile se casse le verre
Et pour un peu de chaleur ne reste plus qu'à entourer et se taire
Alors s'il nous arrive de nous agacer sans en avoir l'air
Sache que comme les gouttes de tendresse reviennent à la mer
Chaque instant, chaque geste, chaque pensée de ta vie nous est cher    
Cela fait un certain temps que tu es sur terre
Serait-ce pour cela que tu es terre à terre
Même si tu sais comme une ritournelle t'envoyer dans les airs
Pour retrouver sans cesse l'amour et te sentir légère
Et quand on y est que peut-on faire sur cette Terre
Si ce n'est s'aimer comme des sœurs et des frères
Et encore plus puisque c'est ton anniversaire