vendredi 29 avril 2016

Qui sont-ils?

Quand nous nous apprêtons à partir, nous n'échappons pas au temps. S'ouvrent les armoires, les tiroirs, les placards. Nous retrouvons au hasard. Toutes ces choses, ces objets demeurés cachés dans notre mémoire. Ils ne reprennent pas vie. Ils libèrent des parfums, des visages, des mots, des bruits. Comme si nous entendions le déclic d'une caméra super huit. Des images s'enfuient. Une armoire pleine d'une vie ancienne. Une vie que nous quittons avec peine. De minuscules aiguilles s'enfoncent dans notre cœur. Tout est là jusqu'à nos peurs. Feuilles, cahiers, carnets, devoirs, collages qui se décollent, dessins qui retracent l'évolution du têtard. Il faudra ouvrir cette porte tôt ou tard.   

jeudi 28 avril 2016

Apothéose

Il ne faut souvent pas grand chose. Si peu de chose. Une porte close. Ces jours où l'on ose. Mes lèvres que je pose sur ta métamorphose. Nos cœurs entre deux battements, le temps d'une pause. Se frôlent et glissent dans le sang des roses. Mot à mot s'écoule la prose. Dans la disparition des corps moroses.

mercredi 27 avril 2016

Juste avant que tu ouvres les yeux

Sur les conseils de Carole (qui est l'anagramme d'oracle)  je suis allé voir, dans le cadre de Terre de paroles "Juste avant que tu ouvres les yeux" de la compagnie Ktha. Les conditions matérielles apparaissent sur la photo. Un camion dans lequel sont installés des gradins (peu de place pour les grandes jambes) et les acteurs qui, en marchant, accompagnent les spectateurs. Le camion nous balade à travers Rouen. Une balade qui chemine dans la poésie matutinale. Une ballade qui nous est contée par deux actrices et un acteur à la foulée ample et légère. Avec bienveillance et justesse, ils nous racontent, nous décrivent dans le détail du corps et de l'esprit, un matin avant et après le vrai réveil. Un matin de tous les jours qui semble le même que d'habitude mais que nous pourrions peut-être bouleverser pour en faire autre chose, pour en faire un matin unique, un matin vivant, un matin qui nous appartienne, un matin qui nous ressemble. Mais avant cela, il nous faut passer par la case réveil dans laquelle apparaît, triomphant et péremptoire, le mot ALARME. On en pleurerait. Illusion d'une vaine maîtrise du temps, nous tentons de retarder l'heure de nous lever mais nous savons qu'il nous faudra être à l'heure. A moins que... Le matin, comme chaque instant de notre vie, sera ce que nous en ferons. Si nous n'en sommes pas les maîtres, soyons l'énergie et l'élan vital du temps qui nous donne vie et envie. Mais bien sûr, pour ressentir et s'imprégner des sentiments et sensations, il faut aller voir et écouter.
Par ailleurs, car notre regard se balade aussi, il est amusant d'observer la réaction des piétons et des automobilistes.
PS: Carole a bien oraclé



Etre l'autre, dieu merci (3)

La circoncision. C'est ce qui m'est venu à l'esprit. Je savais que d'aucuns seraient circonspect. J'avais conscience que ce n'était pas une décision à prendre à la légère. Le caractère à priori irréversible m'engagerait sur le long terme. De plus, compte tenu de mon âge, ce ne serait pas une mince affaire. Après avoir remis un peu d'ordre, je suis sorti des toilettes. Après réflexion, j'ai pris la décision et le bus. Livré à moi-même dans cet espace confiné, je n'en prolongeais pas moins mon introspection. L'observation discrète des hommes présents fit naître si ce n'est une objection, du moins une interrogation. Si la circoncision pouvait être considérée comme un acte fort d'empathie, je dû me rendre à l'évidence que la plupart du temps j’apparaissais en public vêtu d'un pantalon. Ainsi, à moins de me lancer dans la pratique du nudisme et/ou de l'échangisme, la portée du geste resterait confidentielle.
Dans mes pensées, le regard scrutant les nuages qui traversaient l'horizon, je sentis une présence à mes côtés. Un homme. Un de ces hommes dont, au premier regard, l'on devine la virilité tout aussi maîtrisée que profonde. Son profil semblait la prolongation d'une intrigante intimité. Je remarquai que son oreille était ornée d'un anneau. Je ne sais par quel cheminement cet anneau me ramena à mon dilemme. L'important n'était pas de voir mais de croire. Comme en informatique, j'allais devoir trouver un raccourci qui serait un indice irréfragable. Je regardai à nouveau l'oreille de mon virile voisin.   

mardi 26 avril 2016

Simone

Rencontres frivoles
Au fond des bagnoles
Comme des folles
Au son du rock'n roll

T'avais tes hormones
En voiture Simone
Une dernière donne
Et ce s'ra la bonne

Je sais t'es pas conne
Tes accords résonnent
Entre tes colonnes
Que cachent les nonnes 

Toute cette faune
Que tu déboulonnes
Au fond aphone
Du bois de Boulogne





dimanche 24 avril 2016

Etre l'autre, dieu merci (2)

Ne voulant pas choisir, j'ai laissé la kippa sous le hijab. Je savais que cela pouvait être mal interprété mais j'ai pris le risque. D'une certaine façon, le hijab prenait la kippa sous son bonnet. Pour autant, à défaut de kippa il me fallait trouver un autre signe distinctif. Compte tenu de ma situation capillaire, j'ai renoncé aux papillotes. J'ai songé à me lamenter au pied d'un mur. Pour garder une certaine cohérence, un relative unité, j'ai choisi un mur dans la rue aux Juifs. Je me suis rendu compte assez rapidement que se lamenter n'était pas inné. Il faut adopter un rythme régulier. Ainsi, le balancement du haut du corps permet d'être en harmonie avec le débit verbal. Il faut aussi prendre la mesure du balancement, ce qui évite de se frapper la tête contre le mur. Mais, malgré toute ma bonne volonté, à force de me lamenter j'ai fini par ronchonner de ne pas savoir mon texte. Je dois confesser que j'ai fait preuve d'amateurisme. Il me fallait trouver une autre manifestation qui me permettrait d'être l'autre.
Alors que je marchais dans la rue, me prit ce que l'on appelle pudiquement une envie pressante. Ayant pris conscience du caractère sacré des murs, je suis entré dans un café dans lequel j'ai commandé un café. Comme je n'aime pas demander où se trouvent les toilettes, j'ai d'abord cherché une indication qui aurait pu me permettre de les localiser. Je préfère prendre possession de cet endroit en toute discrétion. J'ai dû me résoudre à demander. A mon plus grand soulagement, le lieu n'était pas occupé. Debout, les jambes écartées, j'officiais sans réserve. J'aime le son du bouillonnement. Tout à mon affaire, observant la scène les yeux baissés, une idée a jailli qui m'a fait penser que je tenais la solution. 

vendredi 22 avril 2016

Oups

Ce matin, je me suis réveillé. Je ne m'en suis pas rendu compte tout de suite. Je ne suis pas toujours attentif. Je ne saurais dire depuis combien de temps j'avais quitté le sommeil. Je me suis demandé ce que je faisais là. Tout seul dans un lit avec une couette qui envisageait sérieusement d'émigrer sur le tapis. Ce que nous faisons là ou ailleurs est une question qui peut surgir à tout instant sans que pour autant nous ayons une réponse. A chaque fois, la première réponse qui me viens à l'esprit est "Je ne sais pas". Comme ce matin dans mon lit. Pour éviter un débat potentiellement déprimant, je me suis levé. Et là, je ne saurais dire pourquoi, au lieu, comme d'habitude, de passer devant les fenêtres sans leur prêter la moindre attention, j'en ai ouvert une et repoussé les volets. S'est offert à mon regard un ciel uniformément gris. Un gris apaisant, bienveillant irais-je jusqu'à dire. Un gris qui me laissait le temps. Plutôt que de poursuivre mon cheminement jusqu'à la salle de bain, je me suis penché par cette fenêtre ouverte. Ce que je fais rarement. Il faut croire que j'étais curieux. Curieux de voir de haut ce que d'habitude je vois du sol. Tout à ma contemplation, j'entends un bruit. Je lève la tête. J'aperçois la voisine dans son jardin. Voisine avec qui je suis en bon terme mais avec qui je ne partage pas la moindre intimité. Toujours penché, je lève le bras et lui fait un signe de la main. Instantanément, je vois dans son regard qu'il y a quelque chose qui ne va pas. Elle finit par sourire et agite un doigt dans ma direction. Manifestement elle veut attirer mon attention sur quelque chose. Je comprends que ce quelque chose me concerne. Elle s'éclipse et revient quelques secondes plus tard en agitant un slip. Je baisse les yeux. J'ai oublié de mettre le mien.

jeudi 21 avril 2016

Juste avant

Je reviens de ce matin d'été. J'y retourne chaque jour. Dans l'air froid. Les étoiles n'ont pas encore disparu. Je respire ce qui est encore ma vie. Presque comme si je n'étais plus là. Comme si ces instants étaient déjà le passé. Les secondes se déposent comme des baisers. Je ne peux les retenir. Ils s'échappent avec la nuit. Rien ne suffit. Je ne peux me résoudre. Dans les rêves du chemin. Je te devine. Les yeux clos, tu retrouves la paix de l'enfance. Tout semble si loin. Je ne serai jamais plus près de toi, si proche de ton âme.  

Là aussi

Je me souviens de Barcelone. Je n'y connais plus personne. Je me souviens des rires dans les rues étroites. Du noir entre les étoiles froides. Des nuits qui étaient d'autres jours. Je me souviens de la lumière qui inondait la plage. Je me souviens des instruments qui accompagnaient la liberté. De cette musique qui traînait dans le rues. De ces airs qui écartaient l'espace. Cette ville avait voulu s'échapper. Le temps était une imagination. Des couleurs, des formes, des lieux de la curiosité. Un dernier été là-bas.

Etre l'autre, dieu merci (1)

Se mettre à la place de l'autre. Il nous arrive de dire "Bah, mets-toi à ma place." Le plus souvent cette phrase est une bouteille lancée dans la mer du scepticisme et contient une justification pour obtenir la bienveillance de l'autre. Justifier que nous n'avions pas le choix (cette fois ci). Qui est l'autre? C'est, supposons-nous, celui qui juge. Comme nous n'assumons pas ce que nous avons fait ou dit, lâchement et désespérément, nous cherchons quelqu'un qui nous comprendra. Nous comprendre. Comprendre l'autre. Je me suis assigné cette mission. J'allais me mettre à la place de l'autre et il était dit, putain, que j'allais non seulement le comprendre mais en plus devenir l'autre. Il me fallait trouver un sujet porteur. Je dois avouer que je n'ai pas eu à chercher longtemps. La religion s'est rapidement imposée.
Je me suis dit que l'idéal serait d'être le couteau suisse de la religion. J'allais toutes les épouser. Le premier objectif a été de les caractériser. La tenue vestimentaire était une évidence. Au début, je me suis dit que j'allais faire dans l'unisexe. Je me suis donc mis un voile sur la tête, hijab pour employer le mot juste (juste?). Mais je me suis rapidement rendu compte que cela présentait un caractère ridicule et pouvait être assimilé à de la censure . Ridicule car je suis chauve, je n'ai donc rien à cacher et de ce fait ne risque pas de provoquer ce désir bestial qui caractérise l'homme quand il voit une mèche. Censure car en mettant le voile, je cacherais la kippa que je me proposais de placer sur le sommet de mon crâne. (suite demain).

mercredi 20 avril 2016

Au bord de l'autre

Elle n'était pas d'ici
Elle venait de là-bas
Elle est arrivée une nuit
On ne la connaissait pas

Elle ne faisait que passer
Entre les murs de notre vie
Elle marchait courbée
On ne sait ce qu'elle avait fui

Elle restait dans l'ombre
Elle traversait les rues
Elle avait la peau sombre
On ne l'avait jamais vue

Elle devait partir ailleurs
Elle retrouverait les siens
Elle emporterait la peur
On ne lui dirait rien

mardi 19 avril 2016

Décline

Dès lors, la vie fut de plomb. Avant que ne s'échappe le vent. Des jours désordonnés. Il regardait ses doigts Il ne comptait pour rien. Son regard ne se détachait pas. Qu'allait-il faire de ce cœur encombré? De tous ces vides? Dans les hasards de l'ombre. L'onde de son monde se décolorait dans la lumière. A même d'aimer, d'éteindre la clarté. Une seconde. Une seule. Pour elle seule. Comme jamais. Comme jamais plus.

Je l'ai, je ne l'ai pas

Dans la vie quotidienne, dans cette vie de tous les jours ou presque, constituée d'habitudes, d'aventures, de trucs encombrants et de tout ce que l'on oublie, une chose me fatigue. Choisir. Du matin au soir, il faut choisir. Du plus insignifiant au plus lourd de conséquences, le choix est omniprésent. Dès le matin. Je me lève, je ne me lève pas. Je vous le concède, il est des choix qui n'en sont pas. Ensuite se pose la question du choix des chaussettes, de la chemise. Et là, nous touchons du doigt la complexité du choix, vestimentaire en l’occurrence. La couleur de la chaussette doit tenir compte de celle de la chemise qui n'a pas été encore choisie. Je vous passe les détails. Vais-je changer de boxer? Je devine la grimace des nez délicats. Je ne suis pas très slip.  Ensuite, je me lave, je ne me lave pas. Trop d'hygiène nuit à la santé. Et puis tout s'enchaîne. Thé ou café? Assis à table, je baisse la tête et devine la naissance d'un bourrelet. Beurre-confiture ou pain sec? France Inter ou France Culture? Je débarrasse, je ne débarrasse pas? J'ai mauvaise conscience, je m'en fous? Je vais au bureau, je n'y vais pas? Il ne se passe pas une minute sans qu'il faille sans faillir prendre une décision.  J'écoute mon collègue Robert ou je lui dis d'aller se faire foutre avec ses histoires de cul? Je dis oui ou je dis non à toutes les femmes qui me sollicitent (fantasme)? J'ai toujours en tête cette phrase de Gide "Choisir c'est renoncer". Comme si la vie était soit 0 soit 1. Je ne choisis pas d'arrêter. Je n'ai plus rien à dire. Provisoirement.

Aime nous, c'est fou


C'est pas la peine
Répands pas ta haine
La vie en est pleine
Me fais pas d'la peine
Tu sais que je t'aime
Du pareil au même
T'es mon p'tit nem
Mon aiménaime
Smack

lundi 18 avril 2016

Aucune importance (vraiment aucune)

Loin. Au loin. Partie. Elle par-delà les vertiges. Au détour d’un souvenir. Où se cachent les textes. Ils se sont éloignés par les chemins fanés. Fatigués. Dormir à n'en plus finir. Laisser pourrir la tristesse. Lui dans les déments songes qui traversent ses nuits. S'enfonce dans l'absence. Se déverse amer. Remous imprécis. Comme s’il ne connaissait plus de matin. Déclame la folle oraison. Comme une baleine entre les gouttes. Au milieu du gué. Une voix. Ténue. La sienne. Sans écho. La tentation de l’entendre. Floraison de la mer sur des variations blanches et noires. Imminence d'or. Notes d'hésitation pincent son cœur. Espoir de se revoir près du miroir. Qui croire?

jeudi 14 avril 2016

Gare à toi

Une gare parisienne. Une salle des pas perdus d'où partent des quais, formant ainsi des dizaines de T. Des gens. Des milliers de gens. Deux catégories de gens. Ceux qui bougent et ceux qui sont immobiles. Parmi ceux qui bougent, certains courent pour attraper un train, pour rattraper le temps, pour prendre le métro, parce qu'il sera bientôt trop tard, parce que la vie est une course, parce qu'il n'ont pas que ça à faire. Les autres marchent. Parce que l'heure n'est pas encore arrivée ni le train qui va avec. D'autres refusent de courir. D'autres encore hésitent, hésitent encore.
Les immobiles sont de deux catégories qui ont l'attente en commun. Les moins nombreux attendent ceux qui vont descendre d'un train. Ils regardent au loin, tentent de reconnaître une allure, une démarche, un visage. Chez certains on peut discerner l'inquiétude de celui qui se demande si le voyageur qu'il attend n'aurait pas raté son train. Et puis leur visage s'illumine. Mais parmi les immobiles, la plupart regarde un grand panneau sur lequel apparaît la destination du train, son heure de départ théorique. Mais ce ne sont pas ces informations que regardent les immobiles. Ce qui préoccupe les immobiles c'est le numéro du quai à partir duquel partira leur train. Ils sont attentifs, très attentifs. La tête penchée, le regard fixe, l'arrière de leur crâne forme un angle de 45 degrés avec leur cou. Dès que le numéro du quai s'affiche ils réagissent comme si leur train allait partir dans les trente secondes qui suivent. Et s'il n'y avait plus de place. De l'immobilité ils passent à la course, prêts à bousculer, à renverser. Parmi eux, un homme. Son grand corps, surmonté d'un crâne chauve, permet de le remarquer. C'est surtout le seul à être resté immobile après l'annonce du quai. La multitude ayant déserté l'endroit, il se met en marche. Il longe les wagons. Il a tout le loisir de choisir une place. Ce qu'il fait. Dans le sens de la marche. Du temps passe avant que le train ne s'éloigne du quai. L'homme lit le journal. Au début, il feuillette et ne lit que les titres. Ensuite il se consacre aux articles. Le train roule. Les paysages défilent derrière la vitre. Une sensation. De celles que l'on ressent quand on se sent observé. Il baisse lentement le journal et lève les yeux. Une femme, assise dans le sens inverse de la marche, le regarde.C'est du moins ce qu'il lui semble. Il ne réagit pas et replonge dans le journal. Il reprend la lecture d'un article qui relate une étude consacrée à la fracture du pénis. Peu fréquent mais douloureux. Il hésite à lever les yeux. La curiosité l'emporte. Elle lui sourit. Il serait capable de rougir. Il reste malgré tout sans expression. Du moins le souhaite-t-il. En termine avec le pénis. Il replie le journal et machinalement regarde au loin. Il devine son regard. Il ne peut s'empêcher de se sentir traqué. Cloué contre son siège. Il voudrait être indifférent. Reflet dans la vitre, il la devine. Elle sourit toujours. Il hésite. Sans la regarder, il sourit à son tour. Pour voir. Le soleil apparait entre deux nuages et fait disparaître le reflet. Il tourne la tête et la regarde. Jusqu'ici, elle n'était qu'un sourire. Il aurait été incapable de la décrire. Il doit bien l'avouer... Va-t-il à nouveau se réfugier derrière les pages déjà froissées. Inutile de faire comme si son armure était intacte. Il a maintenant envie d'aller au-delà du sourire. Quelle serait la prochaine étape? Se lever et aller s'assoir en face d'elle. Le train ralentit et entre en gare. Il s'est toujours trouvé lent en relations humaines. Il se pourrait qu'elle descende. Elle ne bouge pas de son siège. Il va attendre que les descendants descendent et que les montants montent et prennent place. Agitation, vacarme. En attendant, il reprend le journal. Les bourses européennes sont nerveuses. Il lit sans comprendre. Doucement, le train reprend de la vitesse. Il pose le supplément éco sur ses genoux. Il amorce un mouvement qui va le conduire dans l'allée. Ce qui aurait pu être un élan n'est plus qu'une esquisse de mouvement. C'est à peine si ses fesses ont décollé de quelques centimètres du tissu bleu. Un homme est assis en face d'elle et lui tient la main. A son regard dépité elle répond par un haussement d'épaule désolé. Il descendra à la prochaine gare et repartira dans l'autre sens.

mercredi 13 avril 2016

Shame

Deleuze. Il faut que je creuse. J'ai souvent le temps de creuser. L'autre nuit, alors que pour la énième fois j'errais aux quatre coins du lit tout en refaisant le monde, dans mon oreille gauche (l'écouteur droit ne fonctionne plus), j'entends Pierre Daninos. Outre tombe, bien sûr. Un peu désorienté, je ne parviens pas à le situer. Je creuse. Je ne réussis pas à m'extraire d'une certaine confusion. Vais-je devoir "sauter" du lit et me traîner jusqu'à l'écran? Je ne sais pas si c'est par volonté ou par paresse mais je décide de renoncer à ce que je qualifie de facilité. A l'évidence, je confonds Daninos avec quelqu'un d'autre. Je tape donc ce nom sur le clavier de mon cerveau et j'attends. En l’occurrence, les occurrences ne se bousculent pas. En attendant, je tire sur le drap qui ne tient pas en place, je redonne forme à l'oreiller qui n'en fait qu'à sa tête (quand j'étais petit, je disais où est la tête d'oreiller et ma mère me disait...). Et finissent par remonter de je ne sais où, les trois lettres NRF. Bien que ténu, je tins fermement le fil. Il me mena, je vous passe les détails, jusqu'à Bernanos. Georges Bernanos. Et là, comme vous, je me suis demandé mais comment ai-je pu confondre Daninos et Bernanos? Je ne pouvais me retrancher derrière cette consonance finale et commune. "Les carnets du Major Thomson", "Dialogues des Carmélites". Comme pour cacher ma honte, j'ai repris ma place, remonté la couette jusqu'au menton et fermé les yeux. Je n'avais plus envie de creuser pour cette nuit.  

Il était...

Un pas. Petit pas. Grand pas. Pas à pas. Abracadabra, dans tes bras. Tout en bas. Tout là-bas. Au fond des bois. Il y est, il n'y est pas. Dans le froid de l'effroi. S'en va. B-A BA. Baba Yaga du trépas. Te voilà. Ici-bas. Des voilà. Toi, quoi. Crois. Crois en moi. Pour une fois. Pour toutes les fois. Cette foi. Toute en croix. Sois la voix. Ma voie. 

mardi 12 avril 2016

Solidaire et solitaire

L’expression de la solidarité. C’est une question. Comment exprimer sa solidarité ? Quand j’étais petit, vraiment petit, je me souviens que je participais à des campagnes contre la faim. Pour lutter contre la faim, à la cantine, il nous était demandé de manger moins et de ne pas jeter de nourriture. A croire que nos assiettes communiquaient avec celles des affamés. Toujours est-il que j’étais fier de lutter. Hier soir, pourquoi hier soir, je cherchais un moyen d’être solidaire avec les participants à la nuit debout. Au début, j’avais l’intention de choisir une pièce, le salon, et de m’y maintenir debout. Compte tenu de l'état général de mon corps (mal au dos, aux genoux, à la cheville...) j’ai rapidement abandonné. Après avoir longuement réfléchi, je me suis dit qu'il fallait que je trouve une expression de ma solidarité adaptée à ma condition physique, car souffrir ne contribuerait en rien à la qualité de ma solidarité. C'est ainsi que j'ai décidé d'être un manifestant de la nuit couché. Après de minutieux préparatifs, notamment brossage de dents et déshabillage, je me suis couché, bien décidé à tenir jusqu'au petit matin. N'ayant sur le moment aucun autre manifestant avec qui dialoguer, échanger des idées, envisager des perspectives, j'ai repris la lecture de l'An 01 de Gébé. Au début, tout s'est bien passé, j'étais hyper motivé. J'éprouvais une certaine fierté à faire ainsi partie d'un mouvement quasi révolutionnaire. Et puis... Je ne sais pas ce qu'il s'est passé, excès de confiance, relâchement de la vigilance. Toujours est-il que je me suis endormi. Désillusion, énorme déception. Toute la matinée, j'ai baigné dans la honte. Ce soir, je fais la nuit assis sur mon vélo.        

lundi 11 avril 2016

Un jour

Premiers pas. Des sensations qui font ressurgir. Les brumes de l'enfance matinale. Le souvenir de cette résignation humide. De cette peur solitaire. De ces pensées enfouies dans le silence. L'absence des mots de la libération. Fallait-il vraiment? Sans résistance, le chant des oiseaux traverse l’air. Sa légèreté pourrait lui permettre de faire le tour du monde. Une migration de sonorités. Incapable d’en distinguer l’auteur, ce qui me parvient à l’oreille provient peut-être des antipodes, d’une île qui plongera bientôt dans la nuit. Une mélodie qui voyagerait avec le jour dans un cycle sans fin. Ici, la lumière se perd dans les nuages. Elle semble absorbée par l’humidité, par le froid qui s’élève de la terre. La lueur s’éparpille en différentes teintes.  Elle manque encore de cette force qui plus tard la verra provisoirement triompher. Créatrice d’ombres, elle illuminera, inondera, se répandra et finira par s’éloigner, emportant avec elle les ritournelles.Lalalère.

Eh oui

Ce  matin, au saut du lit, mais qui donc saute de son lit, sentant pointer et mu par une énergie toute primale (quand j'ai découvert que primal était associé à une thérapeutique cathartique des névroses reposant sur la reviviscence corporelle et psychologique d'un traumatisme, j'ai changé mon Musil d'épaule) bestiale, je me suis dit qu'il était temps. J'aime savoir qu'il est encore temps. Qu'à tout instant. Qu'il ne dépend que de moi. Donc ce matin, tout le monde en avait bien conscience, tout le monde était d'accord. Mon corps, mon esprit et tout ce qui gravite autour et moi qui fis la synthèse du tout. La décision était prise. Tous les trois nous irions courir. Mon esprit aime bien quand je cours. Pendant ce temps là, je lui fiche la paix, je ne pense pas. Enfin moins que d'habitude. Il se met en pilotage automatique et se contente d'assurer les fonctions vitales. Mettre un pied devant l'autre. Diffuser la douleur. M'envoyer des messages du type "Qu'est-ce que tu fais là?" "Qu'est-ce que t'as vieilli" "Qu'est-ce que t'as grossi" "Qu'est-ce que tu te traînes". Je suis donc allé courir. Le long de la Seine. Le parcours est plat, ce qui permet de maintenir une certaine illusion sur mes capacités physiques. Mais cette illusion a tôt fait de faire long feu (je ne sais pas si cette phrase a le sens que je veux lui donner). Alors que je devisais avec mon camarade de foulée, sur notre droite, fine, légère, aérienne, élégante, fluide, l'air de  rien, nous double une gisquette. Avec mon camarade,  nous nous regardons, un air de défi dans les yeux. Il n'était ni dit ni écrit, que nous étions condamnés à ne contempler que son dos, bien dessiné au demeurant. D'autant qu'elle ne semblait pas avoir adopté une vitesse excessive. Malgré tous nos efforts, nous dûmes admettre que, malgré ses petites foulées, elle allait bientôt disparaître de notre champ de vision. Nous ne vîmes son visage lorsque, sur le chemin du retour, elle nous croisa. Mon camarade de foulée crut bon de préciser "Je crois qu'elle a accéléré".   

samedi 9 avril 2016

Welcome Back My Friends to the Show That Never Ends

Première moitié des années 70. Bientôt, je finirais officiellement d'être un enfant. J'avais mes idoles. Idoles musicales. De cette époque, il ne me reste plus que Robert. Les autres, j'ai fini par les oublier, par les laisser sur le bord du sillon. Quand il m'arrive de farfouiller dans les vinyles sagement rangés sous la platine, je tombe parfois dessus. Il m'arrive d'hésiter pour finalement renoncer à les écouter. A quoi bon. Il est probable que nombre d'entre elles, les idoles, sont mortes sans que personne ne m'en ait informé. Ce n'est pas toujours le cas. L'autre jour, lisant le journal (expression vieillotte), je tombe sur un article sobrement intitulé "Keith Emerson a refermé ses claviers". Ce nom ne vous dira peut-être pas grand-chose, mais pendant quelques années, les vinyles d'Emerson, Lake and Palmer ont largement usé mon saphir. Je ne me souviens plus comment je les ai découverts. J'écoutais en boucle "Trilogy". C'était ce que l'on appelait du rock progressif. Autrement dit, pompeux et ampoulé. Mais j'aimais.
Quelques années plus tard, étudiant errant, j'étais allé voir "Pictures at an exhibition" au France, cinéma qui se trouvait rue des Carmes. En première partie, nous avions dû nous fader un solo de Ginger Baker, batteur de Cream. C'était en plein mouvement punk. J'ai le souvenir qu'Eric Tandy, vêtu d'un long manteau de fourrure, avait fait une entrée fracassante. Et puis j'ai oublié le moog et autres claviers.   

vendredi 8 avril 2016

Rose

C’est aujourd’hui ma Rose
Volets et portes closes
Qu’en ce lundi morose
Tu pars sans faire de prose

Tu me pardonnes si j’ose
Toi, la couleur des choses
En ce jour tu exploses
De cette joie juste éclose

En début de printemps
Au milieu des pétales
A toi tous les instants
Car enfin tu détales

Non tu n'es pas Cathy 
Non tu n'es pas Minie
Pourtant tu es partie
Discrète avant la nuit

Toutes ces années ici
Indem et trop perçus
Ça non tu n'en veux plus
Tout ça c'est bien fini

Ma rose comme tu le vois
Je ne suis pas Ronsard
Je ne t'offre que ma voix
Pour te dire au revoir

Encore

Le soir des rois, dans une brume de soie, je te revois. Il fait froid. Aux aguets, je te guette. Peut-être qu'un jour. J'ai si souvent cru au détour. Dans les rues d'ombres et de caresses. Tu me frôlais comme une promesse. Ce qui te faisait rire. Ces instants qui nous faisaient frémir. Pour rien au monde, pensais-je en te regardant. Sans crainte, je laissais dans la nuit se dissiper nos baisers. Comme si. Ton odeur semblait si près. Si près des évocations. Si près des tentations. Il n'y aurait jamais assez. Je pleure et je t’aime. 

jeudi 7 avril 2016

Entre deux

Un pur hasard. C'est par un pur hasard que je me suis retrouvé dans ce couloir. Enfin presque pur (ouf). J'étais venu là mais pas pour me retrouver ici, dans ce couloir. D'ailleurs, à quoi sert un couloir, quelle est sa destination. Il est destiné, sacrée destinée, à être traversé. De part en part. Une perte de place pour gagner du temps. Une sorte de no man's land pour aller de l'autre côté. Un trait d'union. Un espace public sans âme où se perdent les pas. Un passage que l'on traverse en passant, l'air de rien, sans y prendre garde. Un passage où l'on ne s'attarde pas, qu'il nous tarde de quitter. Mais vendredi, que nenni. Il allait échapper à sa condition, prendre du volume en se parant d'intimité. Il ne n'allait plus être piétiné mais emprunté. Le passage anonyme est devenu un passage musical. Des musiciens de l'orchestre de l'Opéra, disposés en fer à cheval (quelle chance), répétaient leur prochain concert. Parmi d'autres, j'ai arrêté de mettre un pied devant l'autre. Je me suis posé et j'ai écouté. J'ai écouté la musique, ponctuée de dialogues étranges, de termes qui me sont demeurés inconnus. Les musiciens progressaient vers l'harmonie. Une harmonie faite de tout petits riens, d'ajustements successifs. Tout comme je les écoutais, ils s'écoutaient et finissaient par s'entendre. Ils arrêtaient. Ils reprenaient. Ils prenaient la mesure. La mesure du lieu. La mesure d'une diversité. Et passaient les visiteurs, les malades dans leur lit à roulettes poussé par les femmes en blanc. Voilà. J'ai eu le plaisir d'assister au cheminement de la création. Décidément, j'aime ce qui est avant.

mardi 5 avril 2016

Looking for Lenin


 Un photographe, Niels Ackerman, et un journaliste, Sébastien Gobert, sont partis en Ukraine pour retrouver Lénine. Plus précisément ses bustes et autres statues qui ont disparu.Comme il est précisé "Last year the Ukrainian government banned any symbols, statues, flags, mosaics , imagery, anthems, street or city names  affiliated with the Soviet Union". En trois ans, 900 statues de Vladimir ont été déboulonnées.Celles qui restent ont parfois perdu la tête. Les nouvelles n'auraient pas été reniées par les anciens tenants du monde nouveau. Quoi qu'il en soit, c'est un passé, leur passé qui disparaît. D'autant plus facilement que l'indifférence prédomine.
à découvrir sur le Calvert Journal.

Sauvé

Ce matin, j'étais seul dans le couloir qui mène de la chambre à la salle de bain. J'ai attendu un peu au cas où je croiserais quelqu'un. Je faisais semblant de chercher quelque chose comme cette fois où j'ai dû sauter le repas de la cantine de t'attendre trop longtemps. Je jouais le rôle de l'air de rien et les utilités. J'ai eu beau attendre, j'ai fini par me retrouver seul dans la salle de bain, temple du narcissisme. Ce qui n'est pas sans me déplaire. Je n'aime pas, dans la plupart des cas, partager ce lieu. Après avoir sacrifié à quelques rituels éclaboussants, j'ai, malgré ma récente résolution, cédé à cette irrépressible envie de me regarder dans la glace. La buée a pallié ce manque de volonté. Je n'ai vu qu'un morceau de silhouette. De toute façon, à mon grand désespoir, je me ressemble de moins en moins. Je finirai par ne plus me reconnaître. Pour en arriver là, je prendrai mon temps.

Lettre

Papier déchiré
Mots découpés
Encre passée
Feuilles éparpillées

L'écriture triture
Fouille le cœur
Écartèle l'échancrure
De nos profondeurs

Dès le matin, suivant les lignes, elle s'acharne, s'enfonce, extirpe. Elle ressent l'insatisfaction, pourtant persuadées qu'elle finira par trouver. Trouver les mots enfouis, qui se dérobent, qui s'échappent. Leur donner forme, la forme des sentiments entremêlés.


lundi 4 avril 2016

Un soir au cinéma

Pour terminer un dimanche fait de plein de trucs, du plus dominical au plus qu'il n'en faut pour être heureux, il fut décidé que nous irions au cinéma. Un "Tiens, si on allait au cinéma" qui donne une touche d'imprévu, un début d'aventure. Nous voici donc partis à l'aventure, confortablement installés dans l'automobile. Qu'allions nous voir? Le choix est souvent hésitant. S'en remettre au titre. Pile ou face mais surtout pas aux critiques. J'ai trop souvent l'impression que nous n'avons pas vu le même film, eux et moi. Bon alors, keskia? Énumération. Et la décision est prise. Ce sera "Quand on a 17 ans". J'y suis allé les yeux fermés. Je n'aurais jamais dû les ouvrir. Deux heures. Cent vingt minutes d'un film qui ne sert à rien. Toutes ses secondes interminables, truffées de scènes pénibles et sans intérêt, faites de bric et de broc. Pas une once d'humour.
J'ai regretté de ne pas avoir dormi, comme d'habitude. Un film qui se traîne à travers la platitude d'une montagne filmée comme s'il s'agissait d'un dos d'âne. Et je vous fait grâce des incohérences de toute nature.
Voilà. Ma mauvaise foi s'est exprimée et elle en est satisfaite.

...et de broc

L'amour est un item
Le dernier des totems
Il n'est jamais le même
Parfois post-mortem

Et se propage la rumeur
Que l'amour se meurt
Dans les lueurs du soir
Quand notre peur prend le pouvoir

Quand le jour se pointe
La nuit prend la fuite.
Le silence s'ébruite
Dans l'ombre disjointe.

Je regarde la lumière
A travers le vert
De tes yeux de pierre
Comme un reflet d'hier

Dire que je t'ai cru partie
Vers un autre infini
Mais désir à peine ébauché
Tu es prête à être chevauchée



samedi 2 avril 2016

vendredi 1 avril 2016

Un soir au concert.






Il n'est pas toujours l'heure que l'on pense. Ce qui explique les retards, surtout lorsque l'on oublie ce que l'on a dit (on=je). On en profite pour présenter ses excuses à Sam.
Hier soir nous roulions dans la lenteur d'un soleil couchant. Du flamboyant qui se découpait dans les branches. Nous roulions vers l'Ouest. Nous étions peut-être même un peu trop à l'ouest. Nous roulions dans la limite, parfois même à la limite de la vitesse autorisée. Putain de limites. Comme nous avions préventivement bu de la bière, toujours dans la limite, il s'agissait davantage d'une vitesse de rotation. Toujours est-il que nous avons fini cette fois par trouver du premier coup. Nous voici donc au Tétris pour écouter Bertrand Belin, que certaines aimeraient bien grignoter. Nous, cette fois-ci je la joue collectif tout en respectant les anonymats, nous donc, l'avions vu il y a peu. Cette première fois (se rapporter à la précédente chronique) fut rock et musclée. Hier soir, ce fut différent. En quelque sorte, pas pareil. Autre chose. Comme le fit remarquer judicieusement une anonyme, je cite "Belin c'est une atmosphère, un univers, un climat qui réchauffe, une invitation". Il nous invite à aller ailleurs sans toujours prendre le même chemin. Il traverse. Il nous traverse. Du regard, de la voix, il nous tend la main et nous laisse entrevoir le délire de l'absurde. Comment résister? Et d'ailleurs pourquoi? Alors hier, la flamboyance fut lente, caressante et sensuelle dans des émergences d'humour.
Voilà. S'il fallait résumer, nous avons aimé.
PS: il y avait une première première partie et ce que je préfère avec les premières parties c'est qu'il n'y a pas de rappel (méchanceté gratuite).