mercredi 21 décembre 2011

Oh rage

Si l'on en croit kosciusko-morizet et autres défenseurs de notre bien-être, les aéroports français sont depuis quelques jours sous contrôle de terroristes. Ils sembleraient déterminés et très bien organisés puisqu'ils retiendraient en otages des millions de voyageurs.
Des agents de sécurité exercent leur droit de grève pour obtenir des rémunérations plus élevées. Ils veulent que leur travail, qui est d'assurer la sécurité des voyageurs ce qui est un service public qui fût il y a peu assuré par des agents de l'Etat, soit reconnu à sa juste valeur. Quelle est la réponse du gouvernement et autres promoteurs de l'ordre. Opposer l'intérêt particulier des voyageurs à l'intérêt général défendu par les grévistes. Assortir le droit de grève de conditions qui rendront son exercice de plus en plus difficile. Ignorer les employeurs dont à aucun moment l'attitude n'est évoquée comme si seuls les salariés étaient responsables du blocage.
Que connaissent-ils de la vie de ces salariés, de leurs conditions de travail, des perspectives qui leur sont offertes? Qu'il est facile de les faire passer des irresponsables, des délinquants et pourquoi pas des privilégiés, eux qui ont si peu de moyens de se défendre, de faire valoir leurs droits.

Petite histoire

Cela s’est passé hier soir. Il devait être 17h15. Bien que nous ne l’ayons que très peu vu au cours de la journée, nous pouvions supposer que le soleil était en passe de rejoindre l’autre hémisphère. Comme souvent, j’attendais le bus, pestant en mon for intérieur contre les éternels retards, ce désinvolte non respect des horaires pourtant affichés à la vue de tous, ce qui me fit penser que la transparence était une supercherie. Nous étions quelques dizaines à patienter laissant errer notre regard à la recherche d’une quelconque occupation qui nous donnerait l’illusion d’une accélération du temps. Il est vrai que, si l’on prend le temps de l’observation, nombreux sont les spectacles qui nous sont offerts par la rue et ses abords. Allez savoir pourquoi, mon regard quitta le bitume pour prendre un peu d’altitude peut-être attiré, comme les papillons, par la lumière. Il est vrai que m’approchant du lieu d’attente du véhicule assurant le transport, mon cerveau avait enregistré, à l’occasion d’un balayage visuel du proche horizon, un mouvement plutôt inhabituel qui donna naissance à un sentiment de curiosité provisoirement mis en réserve. Il arrive que des faits ne livrent leur signification qu’à la lumière d’autres faits, comme les pièces d’un même puzzle. Même si dans un premier temps mon interprétation de ce fait isolé s’appuyait sur une connaissance d’un passé récent et à ce titre était tout à fait recevable il me fallait, si l’occasion m’en était donnée, étayer cette première impression par des faits qui la rendrait incontestable. Le retard du bus allait m’en donner l’occasion.

Dos à la Seine, en appui sur la rambarde qui surplombait une voie plus ou moins rapide, je regardais les façades d’immeubles découpant la succession de rues transversales. Cette architecture, tout autant austère que dédaigneuse, semblait vouloir imposer de façon unilatérale la respectabilité des institutions qu’elle abritait. La construction qui retenait mon attention offrait une succession de bureau dont les ouvertures éclairées étaient dénuées d’obstacles qui auraient pu préserver le secret des activités qui s’y déroulaient. Laisser voir ne stimule pas l’imagination mais peut laisser libre cours à l’interprétation si souvent source d’incompréhensions et de ressentiments. Comme si ma curiosité effectuait un zoom, je jetai mon dévolu sur un bureau situé au premier étage et occupant un des angles. En une fraction de seconde, je devins, sans l’avoir prévu, un spectateur ou un voyeur, c’est selon.

En temps normal, ignorant des épisodes précédents, peut-être n’aurais-je pas maintenu mon intérêt qui, il est vrai était de nature artificielle, puisque provoqué par les circonstances. Loin d’estimer, dans le cas présent, que nécessité fait loi, le temps de l’attente légitimait une observation attentive. Ainsi donc, dans le carré de lumière choisi, je distinguais deux silhouettes. Pour être plus précis, deux épaules surmontées d’une tête, ce qui donnait à l’ensemble la forme d’une accolade, qui n’aurait pu n’être qu’un découpage collé sur la vitre tant elle paraissait immobile. La distance excluait la perception des mouvements de faible amplitude. Si ce n’est la position de ces trois éléments, on aurait pu croire que ce tableau d’ombres révélait une solitude traversée de réflexions. Pourtant, comme les astronomes devinent l’existence d’une planète en fonction de la trajectoire des corps célestes évoluant dans le même système, des indices m’incitaient à croire à la réalité d’une deuxième accolade ce qu’un mouvement plus ample que les précédents de l’ombre située au premier plan confirma. Bien qu’aucun détail matériel ne vint étayer mon intuition, il ne faisait aucun doute dans mon esprit que nous avions affaire à un couple, de surcroît hétérosexuel. Je n’étais pas en mesure de lire sur les lèvres ni de décrypter les émotions qui pouvaient parcourir les visages. Bien que concentré, attentif à tout indice, je ne parvenais pas à deviner la teneur des propos qui étaient échangés. Sur le moment, je dois vous avouer que je ressentis une réelle frustration, doublée de la crainte de voir arriver le bus. Je savais que dans ce cas, je serais confronté à une alternative. J’avais pourtant bon espoir d’assister au dénouement. A travers la transparence vitrée, troublée de quelques reflets de la rue, mon imagination pris le relais d’une réalité qui m’était inaccessible. Ne doutant pas d’une fin heureuse, je pris le parti d’un dialogue dont les premières répliques feraient apparaître une tension que le jeu de corps relâchés viendraient atténuer. Tout occupé à rendre vivant et un tant soit peu crédibles les échanges, je fus surpris par un élément de mise en scène. Le protagoniste du premier plan venait de se lever. Allait-il quitter la scène ? N’était-ce qu’un élément de dramatisation ? Ce mouvement avait-il pour objet de relâcher la tension, de donner une respiration qui permettrait de se replonger dans l’histoire ?

Ce corps quittant la position assise était comme un jaillissement. La détente musculaire qu’il impliquait, le plaisir qu’il procurait et l’abandon qui s’en suivait apparaissaient comme une transition nécessaire. Même si cette nouvelle position pouvait apparaître comme une rupture picturale, un déplacement de l’équilibre général redéfinissant la perspective, il me semblait évident que l’unité était préservée. Ces corps ne procédaient qu’à des ajustements comme si ils se conformaient à des conventions et ce d’autant plus volontiers qu’elles n’entravaient en rien leur liberté. Le respect de contraintes renforçait le caractère unique de cet instant qui se prolongeait, se renouvelait, renaissait avant même de mourir. Malgré mon envie de connaître la fin, pris dans un voile de regret, je devinais que bientôt le rideau allait tomber. Ils s’étaient dits ce qu’ils avaient à se dire, du moins en avaient-ils le sentiment. Ils n’étaient dupes des mots, de leur capacité à traduire ce qu’ils ressentaient. Ils avaient pourtant la sensation de s’être livrés, d’être heureux de s’être souri. Pourtant, dans cette antre du chiffre, je devais prendre garde de ne pas sur interpréter des indices auxquels la vie imprimait leur caractère provisoire. Puis, comme si ils étaient poussés par la force de l’habitude, comme si les gestes et les postures devaient s’harmoniser avec la destination première du lieu et du décor, il reprit place de l’autre côté du bureau, la laissant dans la position d’une interlocutrice sans identité particulière. Cette incertitude, peut-être une hésitation, fut engloutie par le désir. Ah, le désir qui n’a pas besoin d’être présent pour être là, comme ses racines qui finissent toujours par soulever le bitume, noueuses, profondes. Comme pour sceller leur désir d’une transgression amusée, ils se penchèrent l’un vers l’autre par-dessus le bureau pour s’embrasser. Oui, la plus élémentaire des pudeurs aurait voulu que je baisse les yeux mais mon côté midinette avait pris le dessus. Je ne sais si ce fut à cause de mon regard insistant, mais tournant leur regard vers la rue, ils prirent conscience du touchant spectacle qu’ils nous avaient offert. Je fis la quête parmi les spectateurs dont certains, la larme à l’œil, me demandèrent l’heure de la prochaine séance.

mercredi 14 décembre 2011

Est-ce grave docteur?

Je dois vous avouer que la perplexité a envahi mon univers politique. Il y a quelques mois, notre personnel politique fustigeait les agences de notation, ne leur reconnaissant aucune légitimité pour porter quelque appréciation que ce soit sur la gestion de nos Etat. Pour remédier à cela, nous allions réglementer leur fonctionnement. Et puis par je ne sais quel retournement, nous nous sommes mis à répondre à leurs injonctions, à nous soumettre à leurs analyses. Il s'en suivit des plans de "rigueurs" modifiant profondément les budgets votés par nos représentants. Aucun sacrifice ne semblait impossible et nécessaire pour sauvegarder notre note, pour prouver que nous étions de bons élèves, obéissants, sérieux, responsables, rigoureux, pragmatiques.
Et qu'apprends-je lundi, de la bouche même de notre Président? Que tout compte fait, si nous perdions nos trois A ce ne serait pas si terrible que ça, que nous ferions avec, alors que jusqu'à samedi, si vous mettiez en doute la solidité de notre note vous étiez accusé de mettre en péril l'intérêt national. Pour tout dire, vous étiez un mauvais français.
Alors, qu'est-ce que quoi?

mardi 13 décembre 2011

On y croit

Nous avons eu le sommet européen de la dernière chance. Quand on y pense, on peut dire que nous avons eu chaud et ça fait froid dans le dos. La dernière chance ! Après c’était fini, il n’y en aurait pas d’autres. Ce n’était pas la peine d’y revenir. J’imaginais nos dirigeants à la fin du sommet qui n’aurait pas débouché sur un accord. « Bon bah dis, c’est pas le tout, je vais me renter. Dis donc, juste pour savoir, qu’est ce que tu comptes faire ? De toute façon, on se tient au courant, hein dis ? »

J’aurais préféré un sommet de la nouvelle chance.