lundi 25 août 2014

Celui d'après

J'entrai dans le jardin. Ce n'était pas ma première traversée. Des parcelles aux angles droits. Des alignements de verts et d'autres couleurs. Une volonté de contenir, de prévenir d'éventuels débordements. Peut-être la peur du hasard. Un ensemble qui me paraissait figé, hermétique à toute évolution, si ce n'est à celle des saisons. L'archétype du jardin scientifique, fruit de théorèmes, planté de racines carrées sur lesquelles régnait la statue de Buffon. Mais ce jour là peu m'importait. Elles pouvaient pousser comme bon leur semblait. J'étais dissocié, un mouvement dans l'air, sans destination si ce n'est celle d'aller quelque part sans volonté particulière d'y parvenir. Je laissai les grilles derrière moi et débouchai place du Puits de l'Hermite. 

samedi 23 août 2014

Tentative



Désespérément à la recherche de doux pieds
Qui éclaire le fond des yeux du faiseur de crime
Jamais plus il ne se contentera de mime 
Quel que soit le vert lapidaire qui seul lui sied

Compter toujours pour retomber sur ses petons
Tout en gardant sur la langue la lenteur d’un rythme
Laisse se dérouler les contretemps du film
Images dont aujourd’hui nous nous souvenons

Parfois froissées nous nous abîmons dans leurs plis 
Alors le temps, souvenirs cassés, ressurgit
Il bondit d'âme en âme comme l'ombre d'un ballon


Nos lèvres s'ouvrent dans le silence de pierre
Nous oublions la musique des voix d'hier 
Il reste les mots du sang sur qui nous comptons 


mercredi 20 août 2014

Celui d'après

Ayant repéré un panneau sortie, j'empruntai un couloir, montai quelques marches et me retrouvai sur le trottoir, rue Monge. Puisque je ne l'avais plus, j'allais prendre mon temps. Probablement un autre temps, celui qu'aucun mécanisme ne peut mesurer, ce temps qui n'existe pas, qui ne marque rien, qui échappe à la mémoire collective, que l'on ne retrouve sur aucune photo, dans aucune bibliothèque, dans aucune chronique, qui échappe à la parole. Ce temps qui ne se partage pas, qui se dilue dans l'air.
Je pris à gauche. J'aime marcher au hasard, surtout à Paris. Passer d'une rue à une autre, d'un arrondissement à un autre, changer de trottoir comme je changeais de pays. Exagération, mais j'avais à chaque fois l'impression d'être ailleurs. Marcher ainsi au hasard me permet de m'affranchir de toute contrainte. Inutile de savoir où je vais, aucune heure fatidique. Une rivière qui coulerait sans jamais se jeter dans la mer. Le courant me déposa à l'entrée du jardin des plantes.

dimanche 17 août 2014

Celui d'après

Alors que je tentais de sortir la main de ma poche sans pour autant d'être soupçonné d'attouchements inappropriés sur personne non consentante, mon esprit et mon corps, probablement lassés de temps de promiscuité, me contraignirent à quitter la rame. Propulsé sur le quai par d'autres corps expulsés, il me fallut quelques secondes pour reprendre mon volume d'origine. Un courant d'air venu d'un couloir chassa la chaleur de mon visage. Aller à droite, aller à gauche. Pas la moindre hésitation. Je ne savais pas. Je pris la décision de m'assoir sur le banc qui me faisait face et de laisser passer un peu de temps. Dans le métro je ne supporte de donner l'impression de ne pas savoir où je vais. C'est le seul endroit où j'aimerais être pris pour un parisien. Je regardais le quai d'en face. Au-dessus d'une affiche qui était censé nous inciter à partir loin d'ici, je découvris que j'étais descendu "Place Monge". Sacré Gaspard. J'étais incapable de situer l'endroit où je me trouvais. Je pris la direction de la sortie.

jeudi 14 août 2014

Pétarquette à la française (revue)



Parfois à portée de main
Je me souviens de ces rêves
Comme les présents d’une trêve
Dans l’attente du matin

L'aube coulait sur mes mains
Rosée dans l’herbe qui lève
Avant que le désir ne s’achève
Jusqu’à en oublier demain

Je n’ai plus aujourd’hui envie
De ces lointains encore en vie
Je laisse s’approcher le repos

Le vide prend sa place
Dans l’ombre d’en face
Où se cache le dernier mot

mercredi 13 août 2014

Celui d'après

Accroché à la barre comme un coquillage qui tente de résister, en vain, au flot, je regardais défiler les stations. Au gré des accélérations, les corps finissaient par s'agréger pour former une masse, sorte d'hydre informe et mouvante. Les haleines se mêlaient et répandaient une humidité qui semblait provenir du fond d'un marécage tapissé par des siècles de dépôts. A chaque arrêt, il n'était pas question de frôlements mais de frottements que les impératifs individuels pouvaient rendre agressifs. C'était comme si chacun de nous était un élément d'un mécanisme dont on n'aurait pas encore trouvé la fonction. Une fois les portières ouvertes, de nouveaux éléments pénétraient dans l’habitacle avant même que les anciens s'en soient tous extirpés. Ceux qui demeuraient se voyaient repoussés, contraints d'entrer en contact avec d'autres corps, de respirer d'autres mélanges. Pour ma part, temporairement résigné, je n'offrais aucune résistance aux mouvements. Je prenais la forme de l'espace qui m'était laissé. Selon l'ampleur du solde entre les entrants et les sortants, il arrivait que je ne puisse bouger. Parfois, trop éloigné de la barre, je n'avais rien à quoi me raccrocher.  

lundi 11 août 2014

Celui d'après



Il faisait chaud. Je m’en souviens. Une chaleur qui clouait au sol. Une chaleur qui vous donnait l’impression d’évoluer dans un bain de mélasse. Je rêvais d'une douche. Un jet d'eau froide qui m'aurait surpris, saisi. Le souffle saccadé, j'aurais senti la fraîcheur précipiter la transpiration devenue colle. Mais rien de tout cela. J'étais au milieu des autres. Je faisais tout pour éviter les contacts. De tous côtés me parvenaient les odeurs d'hier et d'autres jours plus anciens. Je ne pouvais m'empêcher de penser à tous ces recoins où devait s’amonceler en couches successives la sueur que les frottements modelaient en vagues jaunâtres dans lesquelles se figeaient des touffes de poils trop longtemps restées dans l'ombre des solitudes nocturnes. J'avais l'impression d'observer comme pouvait l'avoir fait Zola. Un pseudo réalisme emprunt de mépris. J'avais exclu toute beauté, toute tendresse de mes observations. Cela ne me ressemblait pas. La fatigue certainement. Cela faisait déjà un moment que j'étais dans le métro. Mon séjour sous terre se prolongeait au-delà du prévisible. Je m'étais trompé plusieurs fois de direction. Toutes les conditions étaient remplies pour que je rate mon train. 

vendredi 8 août 2014

Va savoir

A la fin, quand tout est terminé, quand il serait déjà trop tard, à ce moment où tout se fige, où le temps est passé à autre chose, où le présent peine à se faire une place, où la vie est un reflet de nos souvenirs, juste avant que l'ombre ne se referme, à quoi pense-t-on?

mercredi 6 août 2014

Tournicoti



Ce matin je parcourais sur l’écran les titres en une de mon quotidien préféré. J’ai remarqué que la façon dont est rédigé un titre peut avoir une influence sur ma décision de lire ou pas un article. Ceci dit je les faisais défiler l'esprit détaché, baignant dans la quiétude d'un mois d'août qui peine à justifier sa réputation. Depuis quelque temps déjà je flottais sur la douceur des jours sans objectif, jours livrés à mon oisiveté. Je n'esquissais pas la moindre interrogation. Je me laissais aller sans destination. Je lisais donc ces titres quand sans crier gare et alors que je ne lui avais rien demandé, alors que je m'en balançais royalement apparaît le titre "Il assure ne pas avoir pris sa décision concernant la présidence de l'UMP". Mais, me demandais-je, qui lui a demandé quelque chose, qui a envie de savoir ce qu'il n'a pas décidé? J'étais tranquille, naviguant dans ce temps sans aspérité, dédié au plaisir du jour glissant vers l'éternité et le voilà tel un Zébulon ne pouvant s'empêcher de tournicoter qui s'agite devant mes yeux sur lesquels passe le reflet de l'agacement. Que n'est-il un moustique que d'une claque je pourrais écraser. De savoir qu'à chaque instant il peut surgir...

mardi 5 août 2014

Au bord de l'autre

Au bord de toi
J'ai le vertige
Loin des vestiges
D'amours d'autrefois

Quand l'eau ruisselle
Sur les goûts d'hier
J'aspire l'amer
De l'ombreux isocèle

Les gouttes parsèment
La tentation d'un creux
Quand se répand  laiteux
Entre les veines celui-là même

Je tombe ainsi de toi
Emporté par la mort
Comme si alors
Ne restait que le froid

samedi 2 août 2014

Et pourtant

Je sais qu'il n'y aura pas d'autres matins
Je sais que ne se joindront plus tes mains
Je sais que tes doigts ne joueront plus
Je sais que les mots ont disparu
Je sais que tes notes se sont envolées 
Je sais que ton sourire s'en est allé
Je sais que tu ne tourneras plus les pages
Je sais que je ne me souviens plus de ton âge
Je sais que tu ne verras plus le bleu du ciel
Je sais que le temps est resté tel quel
Je sais que les pierres se figent dans la terre
Je sais que tu traverses les reflets de la lumière
Je sais que la vie nous a laissés sans voix
Je sais que s'est rompu le fil de toi
Je sais que je cède à l'abandon
Je sais que peu m'importe l'horizon
Et pourtant