Il m’arrivait l’été, à l’heure où
le chant des oiseaux précède les lueurs du matin, de me lever et, nu, d’aller
faire quelques pas dans le jardin. Je sentais sur ma peau la fraîcheur de la
nuit qui se retirait. Je marchais dans l’herbe. Je sentais la rosée qui
ruisselait sur mes pieds. J’attendais de frissonner et je rentrais. Sans bruit,
je remontais dans la chambre et me glissais dans le lit. Je devinais l’abandon
de son corps, la chaleur du sommeil qui par ondes me réchauffait. Au hasard je
posais ma main. Elle me semblait brûlante. Le froid de mes doigts provoquait un
mouvement qui échappait presque à ma perception. Elle devinait. J’attendais,
comme si j’hésitais.
Je la caressais. Je voyageais le
long de ses formes. Son cou, ses épaules, son dos. Parfois, elle interrompait
ma progression en se retournant. Comme lancée dans une piste de poudreuse, ma
main passait entre ses seins, glissait sur son ventre. J’atteignais et gardais
le sommet dans ma paume comme une gangue qui protège un fruit. Ses cuisses s’éloignaient
l’une de l’autre. Une autre origine. Elle m’offrait sa douceur. Libre à moi.
Comme un acteur dont les milliers représentations n’auraient pas colmaté toutes
les brèches qui fissuraient sa confiance, il m’arrivait de ressentir l’appréhension
de m’égarer en chemin, de ne soulever que de la poussière. Je caressais cette
promesse de rose. Elle respirait de plus en plus fort. Elle gardait les yeux
fermés. Je la regardais. Elle disait oui comme si elle avait peur que s’évanouisse
ce qu’elle espérait. Peut-être inquiète, elle posait sa main sur mon doigt pour
le guider, pour qu’il ne se perde pas en route. Je redécouvrais la fragilité du
plaisir. Même simple accessoiriste, j’aimais sentir ce plaisir qui semblait
remonter des profondeurs avec une violence qui sans cesse m’étonnait et me
comblait.