jeudi 31 mars 2016

Bloody hell

Je suis mort ce jour
Et c'est pour toujours
Sans te dire adieu
Sans revoir tes yeux

Mon cœur ne bat plus
Ne bat plus non plus
Tout ce que j'ai vu
Demain aura disparu

Nous étions deux
Chemin sinueux
Vide et solitude
Seront l'habitude

Il ne reste rien
Dans ce regard éteint
Dans ce terrain vague
Mon esprit divague



mardi 29 mars 2016

A tout

Il nous arrive d'oublier. De ne pas nous souvenir. Ou d'autre chose. Alors nous imaginons, persuadés que l'imagination et la réalité se mêleront. L'origine? Une affiche 4 par 3 (ça fait 12). Une guitare. Un vinyle. Une langue. Un titre comme une tentation (j'exagère un peu). Rock Story. Alors quoi? On se dit "Ça te dirait?". "Faut voir". "Faut voir quoi?". Nous prenons bonne note et nous finissons par nous y (ou nouzi) retrouver. Après avoir obéi à l'injonction "Les femmes à gauche, les hommes à droite", nous sommes dedans. Ensuite, l'échange traditionnel . C'est par où? Par là. Tu crois. Faut bien qu'on aille d'un côté ou de l'autre. Quel bordel. Fais voir le plan. Putain j'y comprends rien. J'vois une flèche. T'en fais une flèche. Nous traversons les halls, les allées, les esplanades, les entre deux et finissons par prendre conscience que nous sommes à la foire. Des tondeuses, des canapés, des camping-cars, des boudins, des tripes, des bons de commandes, des salons de jardin, des bonis et des menteurs et un poireau. Nous sommes entourés de produits. Et le rock alors, où qu'il est? Le rock n'échappe pas à la foire. Le rock est un produit. Un produit d'appel. Mais pas de la fôret (warf). Nous finissons par dégoter l'expo rock. Alors je ne sais pas si c'est l'odeur des tripes ou du commercial qui essaye de refourguer un abri de jardin à un couple de vieux qui habite dans un deux pièces au quatrième sans ascenseur, mais j'ai comme une nausée. Je perds mes repaires et Jorge. J'entame la visite dans le mauvais sens. Au début, j'ai un doute. Tout un mur de Johnny. Et tout d'un coup ça me revient. Intemporel, le gars. Je tente de progresser à rebours, contre le flot des visiteurs qui, eux, ont suivi la flèche. C'est back to the roots. Je retrouve des sons, des images, des fantasmes, des disques, des souvenirs. Jorge me rapporte un dialogue entre deux visiteurs en arrêt devant Lennon. "Tu te rends compte qu'il a été assassiné!" "Il avait qu'à signer l'autographe". "Oui, mais quand même, mourir pour un autographe." "Bah ouais, mais il avait qu'à signer" "Quand même!". Après un arrêt devant les gloires locales qui ont plus ou moins traversé les décennies, qui se souvient de Molaire, nous décidons de rentrer. Alors nous rentrons. J'ai oublié de ramener des tripes.  

lundi 28 mars 2016

Le vieil homme dans le fauteuil

Le vieil homme dans le fauteuil lors du concert de Micah P Hinson. Qui est-il? Que faisait-il là? Je me suis posé la question. Enfin, pour être plus précis, c'était Carole qui m'avait prié de me poser la question. Ensuite je me suis demandé pourquoi se poser cette question. S'est-on déjà posé la même question à mon sujet? Quoi qu'il en soit, il me fallait des réponses. J'ai retrouvé et interrogé quelques personnes qui avaient assisté au concert. Nul ne le connaissait. Certains même ne l'avaient pas remarqué. N'ayant pas de photo à montrer, ma description du vieux dans le fauteuil était pour le moins approximative. Pour aller plus loin dans mes investigations, j'ai visionné les vidéos disponibles. A plusieurs reprises il semblait apparaître mais le manque d'éclairage m'empêchait de distinguer nettement son visage. Après avoir tenté quelques infructueux bidouillages, j'ai du me rendre à l'évidence qu'il me faudrait faire appel à un spécialiste de la reconnaissance faciale. Le hasard veut que j'en ai rencontré un lors de mon dernier passage à Sanaa. Tout comme nos immigrés se concentrent à la périphérie, les occidentaux se concentrent dans les palaces et sur leur intérêt. Toujours est-il que nous avons fait connaissance au bar du Lamar Hotel. Il était accompagné d'une jeune autochtone, dont, prit-il la peine de me préciser, il voulait faire le portrait. Ce qu'il faisait dans chaque pays qu'il traversait. Il me précisa qu'il possédait des milliers de clichés. Une mosaïque qui était le reflet d'une diversité, de nuances dessinées par les rencontres, les conquêtes, les exils. Il ouvrit un dossier dans son portable et me montra des visages. Une succession, une exposition, un flot, une multitude. Je lui fis remarquer que les sujets ne laissaient paraître aucune expression. Il m'expliqua que c'était un parti pris. Rien ne devait altérer ces visages. Ils ne devaient être que le reflet d'une culture, de brassages, de paysages. Aucun ne faisait l'objet d'un commentaire précisant le lieu de la prise de vue. C'est là qu'il m'apprit qu'il était capable d'associer tous ces visages à un pays, à une ville, à un village. Je lui demandai si la photographie était son activité professionnelle. Il me regarda quelques secondes. Comme il devait avoir classé mon visage depuis déjà plusieurs minutes, j'associai ces secondes à de l'hésitation. Il m'expliqua qu'il travaillait comme consultant dans une agence spécialisée dans la recherche d'individus. Il employa ce terme. Pour retrouver de la légèreté, je lui dis que j'aurais peut-être l'occasion de faire appel à ses talents, notamment le matin quand je ne me reconnaissais pas dans le glace de la salle de bain. Il me fit la grâce d'un sourire. Je le revis plusieurs soirs de suite, à chaque fois accompagné d'une nouvelle autochtone. Au cours de ce qui fut le dernier soir, il me donna ses coordonnées au cas où.
Le cas où se présentait avec le vieux. Je pris contact avec lui. J'éprouvai quelques difficultés à lui exposer mes motivations. Quelqu'un que je connaissais, plutôt à peine, se demandait qui était le vieux qui avait assisté au concert de Micah P Hinson et de surcroît dans un fauteuil. Et donc, pour lui faire plaisir, brave garçon, je m'étais engagé à faire des recherches pour découvrir l'identité du vieil homme dans le fauteuil. Je ne pus m'empêcher de lui faire part de mes doutes. Je lui transmis donc les vidéos et lui demandai s'il était d'une part en mesure de reconnaître le vieux et d'autre part de me donner son identité. Il allait voir ce qu'il pourrait faire. Sans prendre aucun engagement quant au résultat, il se donnait une semaine avant de reprendre contact. De mon côté, durant cette semaine je visionnai les vidéos d'autres concerts ayant eu lieu récemment dans le coin. Peut-être était-il un habitué que jamais personne ne remarquait. Je découvris bien ici et là quelques vieux mais aucun aussi vieux que celui du fauteuil. Il me fallut quelques jours pour qu'une évidence s'impose : le fauteuil était accessoire.
Mon ami le portraitiste, comme prévu, me rappela une semaine plus tard. Sa voix était empreinte d'une certaine gêne ou plutôt d'une retenue hésitante. Il me fit comprendre, ou du moins tenta, qu'il était préférable de stopper là toute recherche concernant le vieux dans le fauteuil. Je me permis de lui préciser que le fauteuil n'avait, de mon point de vue, aucune importance. Un blanc. Comme pour me rappeler qui était le professionnel, il utilisa l'expression il ne faut négliger aucun détail. D'accord, mais un fauteuil. Un canapé, à la rigueur. Si ce n'est qu'il était déjà occupé lorsque le vieux pénétra dans la salle. S'il choisit le fauteuil, ce fut faute de mieux. On peut même dire qu'il fut contraint de se rabattre sur le fauteuil. Mon ami en convint. Il finit par m'avouer que la qualité médiocre de la vidéo ne permettait aucune identification... Je n'en tirai rien de plus.
L'idée me vint que le vieux dans le fauteuil avait peut-être confondu avec un autre artiste. Peut-être Mika. Mais je ne réussis pas à me convaincre. Je finis par me dire que je trouverais peut-être la réponse en interrogeant Micah lui-même. Peut-être existait-il un lien entre lui et le vieil homme dans le fauteuil. Comme ce fauteuil finissait par être encombrant, je décidai de pousser plus avant mes investigations. Passant la tête dans l'encadrement situé au-dessus du comptoir cossu, j'interrogeai les tenanciers du Kalif afin qu'ils me précisent si ce fauteuil faisait partie de leur mobilier. Du regard, ils me renvoyèrent leur méfiance comme première réponse. Conscient du caractère incongru de ma requête, un imperceptible dandinement soulignait ma gêne. Manifestement pour se débarrasser de l'hurluberlu qui leur faisait face, ils finirent par répondre qu'ils ne voyaient pas de quoi je voulais parler. D'un vague sourire, je les remerciai sans savoir de quoi. De deux choses l'une, soit ils disaient la vérité, soit j'avais mis le doigt sur un complot. Retrouver Micah entre deux accords, entre deux recherches de médiator, entre deux déshabillages. Pour essayer de le localiser, je consultai son site officiel. Manifestement c'était du do it yourself. Les dernières nouvelles remontaient au 4 avril 2014. Une tournée en Europe. Depuis, plus rien. J'étais dans le flou. Après avoir creusé dans le net, il se confirma que Micah n'avait aucune stratégie, quelle que soit sa nature. Il apparaissait ici et là au gré de je ne sais quoi. Il se laissait porter par le hasard, par l'envie des autres. Entre les concerts, le vide. L'absence. Il disparaissait. Glissant vers le mystique, j'en vins à considérer Micah comme une âme qui se réincarnait péniblement le temps de quelques chansons. Pour en finir avec cette quête, je cherchai et découvris la date et le lieu du prochain de ses concerts.
 Une fois sur place, une chapelle attenante à un asile de vieux, je tentai, en vain, de lui parler. Non sans plaisir, j'assistai à son set mais bien décidé à lui poser mes questions. Je pris soin de scruter le public mais ne discernai rien qui puisse ressembler à un vieil homme dans un fauteuil. La dernière note parvenue à mes oreilles, surtout la gauche, je lui laissai à peine le temps de remettre son bonnet avant de le prendre par le bras et de l'introduire dans la sacristie. Je lui présentai mes excuses d'être si brutal. Le regardant, je ne pus déterminer s'il les avait reçus. Dans un anglais à peine renaissant, je lui fis un résumé de la situation, insistant sur le fait que par cette démarche je tentai de satisfaire la curiosité d'autrui. J'en vins donc au vieil homme dans le fauteuil. Et là, quelque chose. Un soulagement sembla caresser son visage. Comme s'il tentait de trouver sa place dans l'air du lieu, son corps se balançait. Manifestement il allait me dire quelque chose. Je le sentais. J'attendis. Vous aussi, me dit-il. Je lui fis remarquer que ce soir je n'avais pas vu le vieil homme dans un fauteuil. Vous non plus, me répondit-il. Je sentis que le temps ne serait pas de trop. Je lui demandai s'il le connaissait. Je vis dans son regard qu'il ne savait plus de quoi je lui parlais. Le vieil homme dans le fauteuil, vous savez qui c'est? J'avais envie de lui dire que cela m'importait peu mais qu'il me fallait une réponse, quelle qu'elle soit. C'est moi qui l'ai poussé. Qui avez-vous poussé? Jeff. C'est qui Jeff? C'était mon ami. Et...demandai-je. Il n'était plus là. Je vis la lassitude dans ses yeux. A quoi bon, me dis-je. Il finit pourtant par revenir à lui. Il ne me restait qu'à attendre Je l'ai poussé et il est tombé. J'y pensais depuis longtemps. Pas une pensée formulée mais quelque chose que je devinais et qui surgirait. Dans le soleil finissant, je l'ai poussé. Doucement mais il est parti à la renverse. Je crois avoir entendu le bruit de l'eau. Je me suis retourné. Il n'était plus là. J'ai attendu. Je me disais qu'il finirait bien par réapparaître. L'ombre boueuse suivait le courant. J'aurais pu plonger à mon tour mais je ne sais pas nager. A cette époque là non plus. J'ai encore attendu. Nous nous retrouvions souvent sur les bord de la Wolf River. Jeff venait parfois avec sa guitare. Il jouait, chantait. J'avais droit à des chansons qui nous transportaient jusqu'aux lumières de Menphis. J'avais fini par le vénérer. Je l'accompagnais parfois. Ce jour là, comme depuis un certain temps, je remarquai sa fatigue, sa jovialité artificielle qui laissait place à l'abattement. Il me fit part de sa frustration d'écrire et de ne pouvoir trouver des musiciens dignes de ce nom pour enregistrer ses chansons. Il ne voulait plus faire de tournées. Sa vie le laissait insatisfait. Il se sentait vieux. Alors que les nuages s'écoulaient dans la lumière rouge, il me tendit ses dernières compositions. Tu les joueras pour moi. Je n'aurai plus qu'à vieillir en les écoutant. C'est ce qu'il m'a dit. J'ai posé ma main sur son épaule et j'allais lui dire combien j'étais touché mais je n'ai pas eu le temps.
La porte de la sacristie s'est ouverte. Ah, Hallelujah, par la grâce de Dieu tu es là, je te cherche partout.
     

dimanche 27 mars 2016

Mauvais signes

Je ne t'aime plus.
C'est mieux ainsi.
Je ne t'aime plus.
C'est enfin fini.

Nuits sans désir
Jours éloignés
Plus rien à écrire
Amour fatigués

Le temps disparu
Restent les rides
Les regards vides 
Des friches nues

Les yeux clos
Sur notre amour
Plus de mots
Plus de détour

Mains errantes
Dans le matin
La mort lente
De notre destin

Caresses usées
Dans l'abandon
Souffle épuisé
De nos passions




Une pointure

Pas toujours, mais parfois je me demande si ce n'était pas mieux avant.
Quand j'étais petit et même un peu après, j'allais souvent chez le marchand de chaussures. Je n'ai jamais connu de marchande de chaussures. Le patron n'était jamais une patronne. En revanche, les employés étaient toujours des employées. Le plus souvent accortes. A l'époque, j'usais beaucoup. Notamment mes chaussures. Plus précisément la semelle. Avec ma mère nous entrions dans le magasin.
- Bonjour madame. Que puis-je pour vous?
- Bonjour. C'est pour mon fils.
- Je vois. Martine, elle s'appelait Martine, pouvez-vous vous occuper du fils de madame? J'adorais cette phrase.
Ma mère montrait à Martine dans la vitrine le modèle choisi . Et là commençait une séance d'un intense érotisme. Martine partait dans la réserve. Revenait avec la paire choisie. Je prenais place sur une chaise prolongée d'un plan incliné sur lequel je posais mon pied, face auquel Martine s'agenouillait. Ensuite elle ouvrait la boîte, écartait le papier de soie froufroutant et sortait la chaussure. Elle prenait mon pied dans sa main et le faisait glisser dans la chaussure qu'elle posait sur son genou pour pouvoir la lasser. Je ne m'en lassais pas.
- Est-ce que tu touches le bout? Tu te sens bien à l'intérieur? C'est confortable?
D'un doigt elle évaluait la distance entre le pouce et l'extrémité. Pour ce faire, elle se penchait. Et ainsi s'offrait à mon regard la naissance de ce qui nourrissait mes fantasmes de cette première époque du désir. Les jours de chance, j'essayais une deuxième paire.
Cet après midi, j'avais pour projet d'acheter des chaussures. Dans chaque magasin, cela s'est ainsi passé. Je désigne à la vendeuse l'objet de mon désir. Je prends place pendant qu'elle va chercher la paire dans la réserve. Jusqu'ici, il y a ressemblance. Elle revient. Reste debout à distance respectable. Elle sort la chaussure de la boîte sans rien écarter. Pour finir elle me la tend. Et c'est à moi de me la mettre. Parfois je me demande.

vendredi 25 mars 2016

14


En ce bloody thursday, je me permets de reprendre une ancienne chronique écrite à l'occasion de la dernière coupe du monde. "Johan Cruyff est mort". Vous avouerez que ça n'a aucun sens. Cette photo illustre l'instant. L'instant où tout va basculer. L'instant qui le verra chuter dans la surface de réparation. L'instant qui le verra obtenir un pénalty. Mais surtout, l'instant où il perdra tout. L'instant après lequel plus rien ne sera comme avant. Le jour où il a presque gagné la coupe du monde.


Je ne sais pas si mon tonton m'aurait dit "Tu vas voir" mais il aurait eu raison. Hier j'ai regardé une moitié de mi-temps et je suis revenu 44 ans en arrière. Mais quel âge ai-je donc? Les années 70. J'ai découvert Led Zeppelin il y a peu (vous reporter aux chroniques "Robert et moi"). Je n'ai pas de héros du ballon rond. En la matière la France, qui va mollement s'enfoncer dans le pompidolisme, n'a rien à m'offrir. Et débarquent les bataves de l'Ajax. Il y avait eu quelque temps plus tôt l'annonciateur Feyenoord qui avait gagné  ce qui à l'époque s'appelait la coupe d'Europe des clubs champions. C'était autre chose. J'y reviendrai. Et apparaît en 70,  le numéro 14 dans le dos, celui qui allait devenir mon Dieu, mon idole, l'archétype du footballeur, mon modèle (j'avais acheté les mêmes chaussures que lui et pourtant...). Avec les potes de la pension, chaque jour que dieu, l'autre, faisait nous jouions à l'Ajax. Il y avait toujours un moment de tension quand il s'agissait de savoir qui porterait le 14. En ces années de passion, seules les finales étaient retransmises. Et là, nous étions tous à nous dire "Tu vas voir...".

jeudi 24 mars 2016

Débarquement

Elisa ailes de l’asile. Tu marches jusqu’au bout de l’exile quand l’espoir s’enlise dans le sable. Les pensées se courbent dans tes yeux et s’enfuient dans le délire du vide. Le bruit de la mer, le bruit de la colère quand sous la boue disparaît la Terre. Un vent étrange emporte ton rêve à la dérive, écume balayée. Ton royaume est aujourd’hui lointain, perdu dans la brume houleuse. Tu es venue jusqu’ici pour découvrir nulle part, alors que tu as parcouru pour un autre départ. La traversée entre les lignes de la vie, en marge de l'infini. Ballottée entre indifférence et haine rance, tu empruntes le chemin de l'errance. Tu n'as même plus de regret. Ta vie est devenue un secret sans voix. Des mots naissent les plaies. Pour qui est cette déchéance? 

mardi 22 mars 2016

Un soir au concert

Hier soir, ce fut : La musique au Kalif, je kife. Et pourtant, ce n’était pas gagné même si nous n’avions rien à perdre. Je suis allé à ce concert vierge ou presque. Encore un bouche à oreille. Je joue toujours le rôle de l'oreille (gauche). A nouveau un conseil de mon ami Jorge. Il ne nous a pas fallu (nous car j'imagine que tout le monde est de mon avis) dix secondes pour deviner que l'ambiance ne serait pas du style "If you want blood, you've got it". Incertain. Hésitant. Louvoyant. Souvent presque. Juqu'à un presque strip-tease qui le laissa flottant dans un tshit, terminé par des bras tatoués, qui était prolongé par ce qui faisait office de pantalon. Un homme , une guitare. Sur la guitare le slogan "This machine kills the fascists". A
voir Micah, je me permets une certaine proximité, nous avions la certitude qu'il s'agirait d'une mort lente. Pendant quelques longues minutes il fut à la recherche. A la recherche du son. A la recherche de l'accord. A la recherche de l'endroit où poser ses doigts. N'en avait-il pas trop? A la recherche du morceau à jouer. A la recherche de son médiator égaré entre sa chemise et son bonnet éparpillés sur la scène. Il avait le temps. Il finirait par se regrouper. Il finirait par tout retrouver. Par nous retrouver. Et effectivement, nous avons fini par nous retrouver entre nous. Pour tout dire, j'aurais aimé que cela soit encore plus entre nous. Un genre de "So close to me". Non que Micah ait donné un coup de fouet à ma libido, qui il est vrai en aurait parfois besoin, mais je m'imaginais en sa compagnie sur les bords du Mississipi, les pieds baignant dans l'eau boueuse, sous le regard de l'âme bienveillante de Jeff Buckley (une âme a-t-elle des yeux). Je pourrais conclure en écrivant que j'ai beaucoup aimé. Que c'était trop court. J'ai été touché. Par sa voix. Sa façon d'être. Comme si s'échappait de sa présence un peu du sud de sa contrée, un peu de ces nuits hululantes, un peu de ces prolongements humides.

PS: de deux choses l'une, soit le Kalif, le Kakif a tous les pouvoirs, interdit la sortie de la salle pendant le concert, soit il huile les gonds, ce qui m'évitera de sortir des miens qui, pour ce qui les concerne, le sont régulièrement. J’abhorre les couinement intempestifs quand ils sont émis par une porte. Merci pour tout et pour le reste.  

lundi 21 mars 2016

Un soir au cinéma

Être bien. Être heureux. Aimer. S’aimer. Etre aimé. Trouver un sens. Voilà ce qui m'est venu à l'esprit après avoir vu ce film. Rien de transcendant (pourquoi se justifier) mais une sorte d'essentiel. Comme un kit de survie. A l'évidence, la vie n'a rien de définitif, alors s'agit de traîner en route. Regarder les bas côtés.
Il est vrai que si l'on diagnostiquait ce film on y trouverait une sacrée quantité de plomb. Atmosphère lourde. Violence dans les gestes, dans les regards, dans les paroles, jusque dans les cœurs. Ce sentiment d'échec qui vous éloigne des autres, de vous-même. Votre vie s'échappe. Elle vous laisse impuissant, sans énergie si ce n'est celle du désespoir. Pourtant, il reste quelque chose. Quelque chose de soi. Quelque chose qui ne disparaît jamais. Que rien ne saurait détruire complètement. Après être passé par toutes les stations de la souffrance, de la déchéance, du déni, de l'isolement, la résurrection effleure le héros. L'amour, c'est quelque chose. Nous n'en savons rien ou si peu mais il nous sauve. Il nous sauve de quoi?
 

dimanche 20 mars 2016

A toi

Si tu le veux, si c'est un vœu, je veux tout ce que tu veux. A toi ma foi, je fais un aveu. Je le veux mais c'est si peu. Si peu dans tout ce feu de la peur de ne plus être deux. Je compte un, deux. Je compte sur toi. Un deux, en toi je croîs. Ce voile en toi, je suis en soi. Je décompte les histoires de tous ceux qui comptent. Tous ceux qui ont disparu en moins de deux. Tous ceux qui ne faisaient plus qu'un. Tous ceux qui ne sont plus l'un dans l'autre. Tous ceux qui vont de l'un à l'autre. Sans fin. Se découpent avec acharnement. Dérivent en creux, eux qui voguent loin des bras. Il reste moins que rien de leurs tentations et de leurs désirs. Ce rien qui ne compte plus. Ce rien qui n'est plus une histoire. Ils ne se la racontent plus. Ils ont oublié pourquoi. Ils ont perdu la raison. Pour toi. Pour toi, j'aimerai plus de mille et une nuits. Si tu le veux.

Non mais alors!

L'autre jour, comme de nombreux autres jours, je monte dans le bus. C'est toujours avec plaisir que j'y mets un pied puis l'autre. A chaque fois, je trouve en son sein un sujet de réflexion. Un sujet qui m'occupe le temps du voyage. Car c'est un voyage. Tous les jours j'ai la chance de voyager. Je vais ici, là et même plus loin encore. Quand dans l'abri bus je regarde le plan des transports en commun de l'agglomération rouennaise, j'ai le tournis. A voir toutes les destinations qui me restent à découvrir, je suis excité comme une puce. Je vais faire des reportages photos de mes périples.
Toujours est-il que jeudi, après avoir constaté qu'il restait peu de places, m'appuyant sur la barre rembourrée qui court le long de la vitre, je suis resté debout. Cette station est propice à l'observation. Je regardais le regard particulièrement éteint de certains de mes compagnons de route. La fatigue? La transition qui laisse un répit jusqu'au terminus? Seul semblait connecté leur portable. Peut-être reculaient-ils tout simplement le moment de plonger dans le monde. Et moi qui ne trouvais pas mieux que de fouiller leurs pensées. Me rendant à l'évidence, je décidai de me retirer sur la pointe des cils et de les laisser dans leur quiétude.   

samedi 19 mars 2016

Il sont partout

"Faut-il toujours respecter la règle?" Telle est la question qui me fut posée lors d'un oral de concours. C'était l'époque où la vie ressemblait à un chantier. Époque où l'on ne commence pas grand-chose, où l'on ne finit rien, même pas ses phrases. Je ne me souviens pas de la réponse que j'apportai à cette question mais si elle m'est revenue en mémoire c'est en raison d'un agacement. Un de ces agacements du quotidien qui entretiennent notre capacité à ronchonner. Au volant de mon automobile, j'empruntai un rond-point lorsque ma voisine, qui m'est proche de cœur sans pour autant partager ma couche, commença à pester. Je dois avouer qu'elle n'est pas coutumière du fait, mais comme chacun de nous, elle fait des fixations sur des sujets qui pour d'autres n'en sont pas.
"Qu'est-ce que ça peut m'énerver!" lança-t-elle à la cantonade, sans autre précision, certainement persuadée que son proche entourage partageait le même agacement. Après lui avoir fait part du fait que j'ignorais ce qui pouvait ainsi provoquer son irritation, elle me précisa qu'elle en avait après les automobilistes qui n'utilisent pas leur clignotant, ce qui est dangereux. Comme je fais partie de cette catégorie, je restai silencieux.
"Tu ne trouves pas?" me relança-t-elle. Comme je ne voulais pas qu'elle m'identifie comme un de ces chauffards, je tripotai mon clignotant sans trop savoir si je devais le mettre à gauche ou à droite. Pour tout dire, j'identifie le rond-point comme un lieu de non droit où chacun respecte sa propre règle. Au risque de tourner en rond, il faut s'y faire.

jeudi 17 mars 2016

Vain

Dans les territoires en lisière,
Les mots sont des frontières.
Jusqu’au loin ils forment des lignes
Faites d’indéchiffrables signes.

Ils s'écrivent, s'envoient
Dans les airs de la pensée
Survolent l'oubli du froid
Racontent parfois le passé

Proches, ils nous trahissent
Forment les barrières du sang
Nous révèlent leur impuissance
A révéler nos sentiments 

Près des arbres

Si près de tes lèvres
S'ouvre une trêve
Si près de ton cœur
Vivre encore une heure

Comme dans mon rêve
L'onde de tes caresses
Me parvient et s'élève
Où l'amour ne cesse

Et sur mes yeux
Ton souffle se répand
Et ravive les feux
Des regards d'enfants



mercredi 16 mars 2016

Coucou, c'est moi

 A force de volonté, d'abnégation, de renoncement, de modestie, de bienveillance envers moi-même (moi-même, comme j'aime écrire ces deux mots) et de réalisme aussi, j'y suis parvenu. Pour autant, je ne crie pas victoire et je reste vigilant. La rechute (drôle de mot pour un chauve) est toujours possible, redoutée même si elle est parfois tellement agréable. Donc, depuis une semaine, j'ai un peu attendu avant d'en faire part moi-même au monde, je parviens chaque matin à passer devant le miroir de la salle de bain, que cela soit avant ou après la douche, sans me regarder. Il est vrai que le fait de ne pas avoir à me coiffer me facilite les choses. Je me lave les dents mais les yeux baissés vers le lavabo. Pour autant, j'ai bien conscience que nous sommes souvent très proches de nous-même.
Ainsi, hier matin, dans le bus F5, je cherchais à capter mon attention. Je furetais du regard en espérant le fixer sur un sujet d'intérêt. Après avoir erré quelque peu, j'ai trouvé à m'occuper en la personne d'une jeune fille, habituée de la ligne, qui ne se sépare jamais de son portable auquel je n'avais jusqu'ici porté qu'une attention lointaine. Certainement de peur de passer à côté, de peur de ne plus être de ce monde, toutes les trente secondes elle déposait un doigt sur l'écran qui s'illuminait. Constatant qu'il ne s'était rien passé durant cette demi minute, du même doigt elle faisait réapparaître l'écran noir. Et c'est à l'occasion de ce va et vient entre lumière et obscurité que je pus constater qu'elle avait choisi comme fond d'écran une photo d'elle-même, plus précisément de son visage. Toutes les trente secondes elle pouvait se voir. Toutes les trente secondes elle était face à elle-même. Toutes les trente secondes elle constatait qu'elle était bien là, qu'au moins une personne la regardait. Toutes les trente secondes elle s'assurait qu'elle n'était pas seule. Qui regardait l'autre?     

mardi 15 mars 2016

Si je mens

Comme le dit le couple Balkany, la vérité cache toujours quelque chose. En son sein se dissimule l’inavouable que l’on expose au grand jour afin qu’il passe inaperçu. Malgré tout, pour expier, pour faire la lumière, pour plonger dans le flot de la vacuité, je me dois de dire la vérité sur le mensonge.  Ainsi, pour répondre à mes nombreuses lectrices qui s’interrogent à propos de la véracité de mes écrits, je dois avouer que rien n’est vrai et que tout est faux. Ce n’est que mensonges ou, au mieux, fantasmes. Je n’ai jamais pris le métro ni même le bus. Je ne vais pas au cinéma et ne fréquente pas les salles de spectacles. Je ne vais nulle part avec personne. Je ne parle à personne. Je ne regarde personne. Tout au plus ouvre-je les volets quand je n’ai pas oublié de les fermer. Pour ce qui me concerne, tout tourne autour de je. Je suis moi et inversement.  De ce que j’expose sans pudeur aux yeux de tous l’on ne pourrait extraire la moindre once de vérité.  J’ai bien conscience que ce n’est là que l’évidence, le quotidien des réseaux. Je ne fais pas exception même si parfois le mensonge semble se travestir en vérité. Quoi qu’il en soit, peu importe.    

dimanche 13 mars 2016

Au fond, pourquoi pas

Il existe des personnes d'ordre. Tout doit être dans le bon ordre. Chaque chose, chaque idée, chaque personne doit se trouver à la place qui est la sienne. De l'autre côté mais loin de là, évoluent dans l'incertitude les personnes de désordre. La plupart du temps, elles ne sont pas viscéralement contre l'ordre mais elle ne se souviennent plus de la place des choses. Elles éprouvent parfois des difficultés à trouver leur propre place. Alors tout traîne, jusqu'au temps. C'est ainsi que l'autre jour, dans le bus ligne F5, j'ai laissé traîné mon oreille. Ce n'est pas bien. Dans mon dos, devise ce que je suppose être un couple. Je n'ose pas me retourner mais à leur voix, je les devine jeunes.
Lui "Je ne sais pas si tu as remarqué, mais en ce moment je suis en pleine bourre"
Elle "J'ai vu".
Lui "T'imagines pas comme ça me titille".
Elle "Si, si, j'ai vu".
Lui " 'Tain, j'ai une de ces envies de faire l'amour".
Elle "D'habitude tu dis j'ai envie de baiser".
Lui "Oui mais là, je t'aime".
Elle "Et d'habitude?"
Lui "Complique pas. T'aurais pas envie de le faire maintenant?".
Elle "Dans le bus?
Lui "Bah oui. On va au fond. Tu t'assieds sur mes genoux, je referme mon manteau sur nous et le tour est joué. Tu te dandines comme si tu écoutais de la musique et on essaye de dépasser l'intro. Allez!"
Elle "On est bientôt arrivé. On essaye la prochaine fois."
Juste avant de descendre, je leur ai demandé s'ils savaient quand ils reprendraient le bus.

Flânerie sur deux roues aux abords de la Seine












vendredi 11 mars 2016

Langue (prendre)

La vie est une prolongation de la solitude. Debout dans le bus (il s'agit du F5 et non du T5), c’est ainsi que je me souvenais de cette phrase que j’avais certainement entendu quelque part mais sans parvenir à me souvenir où ni par qui elle avait été prononcée. Les écouteurs sur les oreilles ou plus précisément profondément enfoncés dans le conduit auditif, j’écoutais « Love reign o’er me ». En nombre, les passagers étaient penchés sur leur portable, prêts à plonger. Chacun semblait encore chez soi. Une femme finissait de se maquiller. Fixant une vitre, un garçon se recoiffait à grands coups de doigts, dont un, quelques secondes plus tard, se retrouva dans l'une de ses narines. Un peu plus loin, répandu sur deux sièges, un étudiant, que j'identifiais comme tel, dormait. Au gré des arrêts sa tête allait d'avant en arrière. 
Et là, je me suis dit "Mon garçon, ça ne peut plus durer ainsi. Instaurons de la convivialité, du contact, de l'échange". Sans trop savoir dans quoi je m'embarquais, j'ai pris la résolution suivante : chaque jour, je consacrerai au moins une minute à parler à quelqu'un que je ne connais pas. Et j'ai pris place à côté de la femme qui venait de ranger son rouge à lèvre. 

- Bonjour, lui dis-je.
Je la perçois sur la défensive.
- Soyez rassurée, je suis moins dangereux que je n'en ai l'air. Pour tout vous dire, j'ai pris la résolution de parler une minute chaque jour à une personne qui m'est inconnue. 
- Et c'est sur moi que c'est tombé? 
- Comme vous finissiez de vous maquiller dans le bus, je me suis dit...
- Arrêtez de vous dire des trucs et allez vous asseoir ailleurs.
- Oui mais ça ne fait pas encore une minute.
- Excusez-vous de m'avoir dérangée et ça devrait être bon.

mercredi 9 mars 2016

Tant pis

Le soleil à travers la vitre
Dessine la vie à la va vite
J'évite de regarder ton cul
Quand le soir apparaît la lune

Le désir crève l'écran
Dans un froissement blanc
Et disparait dans les frasques
Après avoir jeté le masque

Quelques notes tendres
Jusqu'à mordre et se tendre
Qui se forment dans le vent
Pour caresser l'instant

Le regard s'engouffre
Les yeux s'essoufflent
Coulent les larmes
Et déposent les âmes

Perfusion

Ce matin, de la buée sur le miroir de la salle de bain. Ce qui m'a dispensé de croiser mon regard. Comme une vague forme avant sa disparition. Le temps passait goutte à goutte, laissant des traînées le long du reflet. Prisonnières de l'attraction, elles étaient emportées vers le bas. Après quelques minutes, une dizaine (j'ai compté) d'entre elles se sont retrouvées pour former un plan de taille modeste qui, goutte après goutte, prenait de l'ampleur. J'avais envie de voir combien il en faudrait pour que ça déborde. Dans le miroir, j'apparaissais de plus en plus. Quelques gouttes, sans que je puisse en déterminer la raison, étaient stoppées dans leur course. Elles tremblaient l'espace de plusieurs secondes et certaines d'entre repartaient. Les statiques finissaient par être emportées par celles qui venaient de plus haut. Dans ce cas, devais-je compter une ou deux gouttes? Ce nouvel élan transmettait de la vitesse. J'attendais le débordement. Il se faisait attendre. Il y a peu, il semblait inéluctable et là, alors même qu'il n'existait pas, il faisait naître le doute. Et puis, tout s'est précipité. Je n'avais plus le temps de grand chose. Je n'étais pas encore habillé. Le thé était froid. Le jour était déjà là et le bus le serait bientôt. A regret, je dus abandonner les gouttes à leur destin sans savoir ce qu'il en adviendrait.

mardi 8 mars 2016

Elles

Une esplanade. Des pigeons. Deux petites filles. Un grand-père (supposé tel). Une légère fraîcheur. Le ciel d'un bleu sans horizon. Une lumière encore brumeuse qui ne laisse aucune ombre. Tout autour, dans tous les sens, des gens. Des gens qui vont. Les deux petites filles se penchent vers les pigeons. Avec la retenue de la surprise. Avec la légèreté de l'émerveillement. Les nuances de gris tournicotent. Elles hésitent. Finissent par s'approcher par à-coups comme des secondes qui se bousculent. La baguette entamée sous le bras, le grand-père attend. Comme s'il avait définitivement rangé le temps. Avec parcimonie, les petites filles laissent tomber la mie de leur main. Remarquent-elles la hiérarchie volatile? Elles oublient et courent avant que le temps ne les rattrape.

Imperfection (version augmentée)

Tout près d'ici
Tout s'est fini
Reste l'infini
D'une dernière nuit

Tout près si près
Dans le secret
De ton sommet
Mourir après


Tout près d'elle
Empire cruel
Je bats de l'aile
D'un amour frêle

Tout près du cœur
Déjà fanée meurt
La dernière fleur
Encore m'effleure

Tout près du vide
Le regard livide
Ta bouche avide
Encore m'évide

Tout près ton corps
Qu'un rien déflore
Tu me dévores
Ma petite mort


Il ne reste plus rien
Que les malheurs d'un chien
Il ne reste plus rien
Plus rien qui me retient

lundi 7 mars 2016

Imperfection

Tout près d'ici
Tout s'est fini
Reste l'infini
D'une dernière nuit

Tout près d'elle
Empire cruel
Je bats de l'aile
D'un amour frêle

Tout près du cœur
Déjà fanée meurt
La dernière fleur
Encore m'effleure

Tout près du vide
Le regard livide
Ta bouche avide
Encore m'évide

Tout près ton corps
Qu'un rien déflore
Tu me dévores
Ma petite mort


Il ne reste plus rien
Que les malheurs d'un chien
Il ne reste plus rien
Plus rien qui me retient

Accessoirement

Accessoirement

Le temps. Le temps vide. Le temps de transition. Le temps trait d’union entre deux autres temps. Le temps contraint mais disponible. Le temps de transport en fait partie. Chaque matin, sans raison particulière, davantage que le soir, ce temps pour aller d’un point à un autre, comme une virgule, est à ma disposition. En règle générale, je n'en fais pas grand-chose. Je regarde ailleurs. Mes chaussures pour vérifier qu'elles sont bien cirées. Qu'elles renvoient les reflets de la lumière intérieure. J'aime regarder les autres paires (de chaussures, ceci pour Phil, ce qui nous dispensera d'un commentaire douteux). Toutes ces paires qui ne m'appartiennent pas. C'est une  façon d'épier. C'est ainsi que j'ai découvert une tendance. Une tendance en vogue chez l'adolescente citadine mais pas nécessairement urbaine. En matière de mode, d'élégance, il suffit parfois d'un rien qui peut même échapper à l'observation. Dans le cas présent, ce presque rien est visible. Depuis quelque temps, après une période plutôt flashie, j'ai constaté un retour de la sobriété vestimentaire.
Donc un matin, mon regard s'était focalisé sur les chaussures d'une lycéenne (quel symbole). Pour être plus précis, il s'agissait de tennis (le dit-on encore) modèle Stan Smith (une des idoles de ma jeunesse) d'un élégant blanc. Remontant lentement je découvre des soquettes tout aussi immaculées. Je fais une pose. Après quelques secondes, je reprends mon ascension. Et que découvre-je? Deux chevilles ainsi laissées à la vue de tous. Feignant l'indifférence, je passe au-dessus. S'offre alors à ma vue un bas de jean d'un bleu passé retroussé et formant ainsi un ourlet provisoire. Comme pour un tableau qui nécessite de la distance pour être apprécié, j'ouvre la focale pour englober l'ensemble. Ma foi... Et depuis, j'ai découvert que nombreuses sont celles qui ont adopté ce rien.       

dimanche 6 mars 2016

TOP OF THE POP

TOP¨OF THE POP

Il est des moments où l'on ne sait pas trop, où l'on hésite. On vogue dans le vague. On sent bien qu'il va falloir y aller mais... Mais l'envie d'attendre un peu s’immisce. On dérive dans le rêve. On accueillerait bien un plaisir. Quelle que soit sa taille. Un plaisir charnel, histoire de se souvenir. Manger. On va dans la cuisine. On farfouille dans les tiroirs. Des fois que l'on découvrirait une surprise. Un truc vachement bon (expression old fashion) dont on aurait oublié l’existence et qui provoque un sourire de ravissement. On ouvre le frigo qui souvent est un endroit décevant par le peu de perspectives qu'il offre. On finit toujours par trouver quelque chose qui mérite de finir dans sa bouche. Boire. Rarement dans la cuisine. Plutôt ailleurs. Du verre qui tinte et laisse passer la couleur. Seul, on est prêt à tout. A tous les mélanges ou à toutes les simplicités. Le choix finira par couler dans la gorge. Lire. On se tord le cou pour lire les titres sur la tranche. Au hasard, on extrait un livre dont on regarde avec attention la couverture des fois qu'elle nous rappellerait quelque chose. On feuillette. L'odeur. Le défilement des pages s'arrête et l'on plonge. Une découverte. On pose le verre.   Baiser. J'ai essayé, puis j'ai renoncé.
L'autre jour, j'étais donc dans cet état d'esprit. Non du renoncement mais de cet envie de quelque chose. Quelque chose qui me laisserait un souvenir de cette journée. Après quelques pas dans le salon, je me suis retrouvé devant cet endroit où les disques sont censés être rangés. Je ne sais pas vous, mais autant avec les vinyles je prends quelques précautions, autant avec les cd c'est le bazar. On en retrouve partout, hors des boîtes, dans la mauvaise boîte. Autant le dire, je n'ai aucun respect pour les cd. Je sais, c'est pas bien. Je farfouillais dans les boîtes en plastique (des boîtes en plastique! A-t-on idée) et je tombe sur le cd quatre titres dans sa pochette cartonnée de SFO "SHE" featuring Gene Clarksville. Je le glisse dans le lecteur. Je monte le son. Je procède aux derniers réglage et j'envoie. Putain, qu'est-ce que c'est bien.  

vendredi 4 mars 2016

Ton amour file


Ton amour file
De l'un à l'autre
Nouvelle apôtre
Ton amour se défile

Refrain
Oh dis moi Camille
Bois d'la camomille
Oh dis moi Camille
Faut plus qu'tu frétilles

Ton amour file
Et c'est coton
Ton amour file
Et c'est bonbon

Tu les aimes à la file
Comme ça tranquille
Comme des quilles
Ils tombent à la file

De fil en aiguille
 T'aimes les filles
Tu t'fais pas d'bile
Tu les entortilles

Je r'couds débile
J'mets plus dans l'mille
Depuis l'an mil
Ton amour file


 

Un soir au concert (suite)

J'allais oublier. Lorsque l'on décide d'aller à un concert, c'est de plein gré. On sait qu'il durera environ 90 minutes. Si l'on ne connaît pas le groupe, on a toujours la possibilité de l'écouter avant, histoire de se faire une idée. Et il nous reste la curiosité, la surprise.
Alors je pose la question : qui sont tous ces irrespectueux, tous ces casse-couilles, tous ces boit-sans-soif qui sont sortis en plein concert, passant devant la scène, troupeau assoiffé qui ne peut manifestement pas rester sans boire plus de 30 minutes. Tindersticks établit une ambiance avec le public. On se laisse emporter, bercer. On voyage avec eux. Il n'y a qu'un seul arrêt, quand les lumières se rallument. Alors, bordel, attendez l'arrêt complet.

Un soir au concert


Alors comment dire. Ce doit être du genre on aime ou on n'aime pas. Pour une fois, ma présence ne devait rien au hasard. Pratiquement pas. Cela date d'un vieux bouche à oreille qui m'avait vu les écouter (c'est fait exprès) il y a quelque temps au Théâtre des Arts. A vrai dire, je n'en ai gardé aucun souvenir si ce n'est que j'avais aimé. Me voici donc au 106, dans la grande salle en configuration assise. On pourrait se dire, vu la moyenne d'âge du public, ça se comprend. De fait, il n'en est rien. Tindersticks s'écoute assis. Règle intangible. Au plus fort de l'intensité sonore, sa musique fait naître une imperceptible houle du public qui vous met à l'abri du tour de rein. Pour ce qui est du concert, je ne vais pas tourner autour de la scène, j'ai aimé. Beaucoup. Je sais, Jorge va encore dire que j'aime tout et n'importe quoi. J'ai trouvé ce que j'étais venu chercher. Heureux le garçon. Bien sûr, Jorge va encore dire autant écouter le disque chez soi, comme ça au moment où tu vas t'endormir ton lit n'est pas loin. Bien sûr, Jorge va encore dire que le chanteur est aussi ouvert qu'une huître qui entend couler le vin blanc. Il est vrai que Staples n'est pas un joyeux luron mais peu importe. Tindersticks est un univers (on ne rit pas). Un équilibre que rien ne vient perturber. Pas de solo (à peine). Pas de moi je. Chaque musicien apporte sa note à la partition. J'en profite pour louer la discrétion du batteur. Je me suis laissé porter jusqu'à destination. Même si l'on peut sentir que chaque seconde, chaque geste, chaque mouvement est maîtrisé, Tindersticks nous laisse entrer si l'on veut quitter "The waiting room" et s'inviter. On ne fera jamais que s'approcher mais je ne regrette pas mon pas. Sur la scène, l'émergence d'ombres qui se révèlent dans des halos esquissés. Ah oui, la voix, me susurre-t-on à l'oreille (peut-on (petit) susurrer ailleurs?). Mais oui la voix, puisque c'est elle qui vient jusqu'à vous. Je ne vais pas adjectiver à outrance même si ce n'est pas l'envie qui me manque, contrairement aux Inrocks qui, toujours poètes, nous précisent que "le chanteur possède une voix qui palpite comme l’aile d’un papillon blessé". Les ailes m'en tombent. D'ailleurs, je ne peux rien dire de plus que "la voix" et je vous épargne les majuscules.
Si vous avez l'occasion, n'écoutez pas Jorge, et allez-y!


Tentative



Parfois à portée de main
Il se souvient de ces rêves
Comme le présent d’une trêve
Dans l’attente du matin

Il faisait couler l’eau de l’aube
Rosée dans l’herbe qui lève
Avant que le désir ne s’achève
Jusqu’à en oublier demain

Il n’a plus aujourd’hui envie
De ces lointains encore en vie
Il laisse s’approcher le repos 
Qui se dépose sur sa peau

Le vide prend sa place
Dans l’ombre d’en face
L'épine dans la peine 
Se cache de la haine

Ce sont des allées et venues
Des caresses ténues
De tout ce temps
Qui finit dans l'instant  

jeudi 3 mars 2016

Nous ne sommes pas à l'abri

Il arrive que des choses arrivent sans que nous les voyons venir. Ce qui, indépendamment de la nature de ces choses, est réjouissant. Chaque matin l'aventure commence. Open your mind. Donc, ce matin, je sors. Quelque peu plus tard que d'habitude. Pour tout dire, j'ai traîné. Surtout au lit. Du style "Oh aller, encore un quart d'heure". "Bon, encore 10 minutes et j'y vais". D'accord, c'est de la traînasserie frelatée mais ça donne l'illusion d'être maître de son temps. J'ai donc fini par me retrouver dehors dans le vent et la pluie. Dans ces circonstances météorologiques me vient toujours une chanson. Toujours est-il que je me retrouve dans l'abri bus. Plutôt seul. Du moins le pensais-je. Comme souvent je procède aux dernières vérifications d'usage. Ai-je ma carte de bus? Ai-je pris mes clés? Me suis-je muni de mon téléphone? Ai-je pris soin  de fermer ma braguette? Ai-je mon couteau? Toutes les cases de la check-list étant cochées, j'éprouve un légitime soulagement. Pour passer le temps, je regarde un peu partout et notamment sur la droite. Et qui vois-je qui comme moi attend le bus? Julia Roberts. Comme vous, l'étonnement me saisit. Julia Roberts qui attend le bus à Mesnil Esnard! Elle est là. Elle vante un parfum. Quelque peu intimidé, je m'approche. Pour tout vous dire, Julia Roberts ne m'a jamais inspiré, même pendant les pires périodes de disette et dieu sait... Bien, sûr elle est dotée d'une plastique qui lui permet de représenter une certaine image du luxe. Toujours est-il qu'en m'approchant je me rends compte. Je me rends compte qu'il est parfois préférable de regarder de loin. Dans le cas présent, de loin Julia Roberts ressemble à Julia Roberts. Mais de près, force est de constater qu'elle ne se ressemble plus. Elle devient quelqu'un d'autre, produit d'une savante pixellisation. Lissée, retravaillée, recadrée, délestée de ce que d'aucuns considèrent comme des défauts. Pour résumer, elle est au désir ce que le kiri est au fromage (obscur?). Le bus est arrivé. Je suis monté, laissant Julia derrière la vitre, à l'abri du monde.

mardi 1 mars 2016

Pure bonté

Pas plus tard que ce midi, j'étais dans Rouen. Entre deux trucs, je traînassais, je me baguenaudais sans trop savoir. Malgré le ciel plombé, je me sentais léger, l'esprit dégagé comme un ciel d'été. Je vivais un de ces moments de grâce pendant lesquels rien ne peut vous altérer alors que vous vous désaltérez avec une bière. Je regardais les passants présents passer. Je n'étais qu’empathie, sollicitude, altruisme. Sans toucher le sol, je me suis dirigé vers le métro, station Palais de justice. Alors que je descendais la première volée de marches, que vis-je sur la plateforme intermédiaire? Une femme. Une vieille femme. Plutôt une très vieille femme. Elle tenait deux cannes dont l'une dans la main droite. Deux cannes qui lui permettaient d'éviter la position horizontale. A petits pas mesurés, elle se dirigeait vers la deuxième partie de la descente. A l'évidence il y avait péril. Pour qu'elle n'ait pas la sensation d'être plus vieille qu'elle n'était, je ne lui ai pas proposé de l'aider. Après l'avoir à peine croisée, je suis descendu jusqu'au quai. Et là, plutôt que monter dans la rame dont la porte s'ouvrait devant moi, j'ai attendu. J'étais curieux de savoir si cette vieille femme parviendrait sans encombres jusqu'au quai. C'est alors qu'elle apparaît en haut des dernières marches qu'elle descend une à une. Au milieu des adolescents qui dévalent, elle paraît vivre dans un autre espace temps. Comme un Matrix inversé. Elle peine mais je me retiens une nouvelle fois de lui offrir mon bras. Je la trouve pourtant si attendrissante. A quelques mètres, elle attend. J'en profite pour l'observer. Malgré la fierté qui transparaît, elle est un peu voûtée. Comme si elle avait renoncé à quelque chose. Je m'approche. Elle tourne la tête. Dans ces yeux, je discerne la détresse, cette détresse que l'on voudrait être un point final. Elle me regarde et découvre que je l'ai comprise. Le grondement du métro nous parvient. Alors qu'il aborde le quai, je me place derrière la vieille et je la pousse sur les rails.
Je crois que personne ne m'a vu.