mercredi 16 mars 2016

Coucou, c'est moi

 A force de volonté, d'abnégation, de renoncement, de modestie, de bienveillance envers moi-même (moi-même, comme j'aime écrire ces deux mots) et de réalisme aussi, j'y suis parvenu. Pour autant, je ne crie pas victoire et je reste vigilant. La rechute (drôle de mot pour un chauve) est toujours possible, redoutée même si elle est parfois tellement agréable. Donc, depuis une semaine, j'ai un peu attendu avant d'en faire part moi-même au monde, je parviens chaque matin à passer devant le miroir de la salle de bain, que cela soit avant ou après la douche, sans me regarder. Il est vrai que le fait de ne pas avoir à me coiffer me facilite les choses. Je me lave les dents mais les yeux baissés vers le lavabo. Pour autant, j'ai bien conscience que nous sommes souvent très proches de nous-même.
Ainsi, hier matin, dans le bus F5, je cherchais à capter mon attention. Je furetais du regard en espérant le fixer sur un sujet d'intérêt. Après avoir erré quelque peu, j'ai trouvé à m'occuper en la personne d'une jeune fille, habituée de la ligne, qui ne se sépare jamais de son portable auquel je n'avais jusqu'ici porté qu'une attention lointaine. Certainement de peur de passer à côté, de peur de ne plus être de ce monde, toutes les trente secondes elle déposait un doigt sur l'écran qui s'illuminait. Constatant qu'il ne s'était rien passé durant cette demi minute, du même doigt elle faisait réapparaître l'écran noir. Et c'est à l'occasion de ce va et vient entre lumière et obscurité que je pus constater qu'elle avait choisi comme fond d'écran une photo d'elle-même, plus précisément de son visage. Toutes les trente secondes elle pouvait se voir. Toutes les trente secondes elle était face à elle-même. Toutes les trente secondes elle constatait qu'elle était bien là, qu'au moins une personne la regardait. Toutes les trente secondes elle s'assurait qu'elle n'était pas seule. Qui regardait l'autre?     

Aucun commentaire: