dimanche 29 novembre 2015

Un soir au concert

Donc hier soir je suis allé écouter du jazz manouche. Pour tout dire la soirée ne s'annonçait pas sous les meilleurs auspices. Je n'aime pas le jazz manouche (ni le jazz d'ailleurs). J'ai conscience que la formule "je n"aime pas le" n'a pas de sens mais, sans ménagement, elle permet d'aller à l'essentiel. Le concert avait lieu un samedi soir. De toute éternité, j'ai toujours eu mieux à faire le samedi soir que d'écouter du jazz manouche. Le concert avait lieu dans une de ces nombreuses bourgades qui hésitent entre l'authenticité campagnarde et les commodités citadines et que d'habitude l'on traverse sans y prêter garde. Je traverse donc à la recherche de la zone commerciale, qui rassemble tous les stigmates du surnuméraire, au sein de laquelle se trouve un restaurant qui accueillait le dit concert. Alors, compte tenu de ce qui précède, pourquoi me trouve-je là entre la nuit et nulle part? Pour faire plaisir. J'aime bien faire plaisir. La plupart du temps ce n'est pas compliqué. Faire plaisir fait sourire et réciproquement. Donc, me voilà installé avec mes copines. La caractéristique d'une telle soirée est que d'un côté le public mange et de l'autre côté les musiciens jouent. Dans ce cas, la rencontre a peu de chance d'avoir lieu. Pour ce qui nous concernait, mes copines et moi avions décidé de ne pas manger mais de boire. Après avoir bu deux bières de Noël j'ai ressenti comme un coup de bûche derrière les oreilles. Étant assis, je sauvais les apparences. Et, avec retard comme il se doit, le groupe jouent le premier morceau. Pour ce qui me concerne et pour ce qui est du jazz manouche, j'en étais resté à Django Reinhardt et Spéphane Grappelli. Et là... Et là, même sans l'aide de la bière, j'en serais tombé de mon fauteuil. Les mangeurs ont laissé tomber les fourchettes et les couteaux, ont stoppé la mastication et n'ont plus quitté la scène des yeux et des oreilles. Aisance, dextérité, plaisir de jouer, inventivité, humour, partage, détournement sont les mots qui me viennent pour essayer de traduire la prestation à laquelle j'ai eu le plaisir d'assister. Je les encourage à prendre encore plus de liberté, à oser davantage car il est évident qu'ils en ont l'envie et le talent. Je ne l'aurais jamais cru mais en ce samedi soir j'ai aimé le jazz manouche.    

vendredi 27 novembre 2015

Un soir au concert


Donc hier soir je suis allé voir et écouter le ci-dessus Bertrand Belin. En première partie se produisait H-Burns. Pour tout dire, je ne connaissais ni les uns ni les autres. Pour une fois que je partais à l'aventure. En attendant que s'ouvrent les portes (je me demande toujours ce que font ceux qui ouvrent les portes avant de les ouvrir), papotant de droite et de gauche, il semblait que les présents étaient plutôt là pour la première partie. Une fois partis, je ne serais pas surpris qu'ils aient rééquilibré leur préférence. Pour ce qui me "concert" (j'ai mis des " au cas où) je n'avais pas d’a priori, ce qui n'était pas le cas de mon ami Jorge qui se demandait pourquoi les parties n'avaient pas été inversées. Quoi qu'il en soit, H-Burns n'a pas mis le feu (oui je sais). Pour le dire autrement, je ne me suis pas enflammé. Tout comme le disait Titi, le virtuose de la douze cordes, nous n'étions pas rentré dedans. Mais comme me l'a fait remarquer un de mes voisins qui m'est proche (il tient à garder son anonymat), le son n'était pas bon, le chanteur avait pour partie perdu sa voix et je ne sais plus quoi d'autre. Il me fit remarquer que sur disque c'était autre chose. Comme toujours, je lui fais entièrement confiance. Puis vint le gars Belin. Je vous épargnerai tous les jeux de mots foireux qui encombrent mon esprit, mais vais-je résister. Et là... Et là, le gars Belin, il me l'a fourré entre les deux oreilles son... Son touché de cordes, son talent, sa voix, son mouvement, son charme et son déhanché (c'est mon côté midinette), son humour, son timbre vers d'autres destinations, sa discrète omniprésence, ses textes et autres interludes aussi absurdement poétiques que drôles. Pour tout dire, je n'ai pratiquement pensé à rien d'autre pendant le concert. Moi qui suis pourtant du genre ronchon insatisfait, mais moins que Jorge, j'en aurais bien pris une deuxième part. Le gars Belin m'a rendu gourmand. Il m'a allumé la mèche. Il est accompagné de quatre musiciens qui, mise à part la batteuse qui bastonne à bon escient, sont éclipsés par le gars Belin, mais ce qui ne remet pas en cause leur talent. Voilà, j'ai pour le moins été conquis et j'irais bien au Trianon le 15. Et comme le dit la dulcinée de l'anonyme qui m'est proche "Le gars Belin, il est à croquer" (c'est pas moi qui l'ai dit). 

Prélude

Dans le froid d'un préambule
Avant une dernière habitude
Se termine la décrépitude
Alors se vide la plénitude
Et j'attends ta solitude



jeudi 26 novembre 2015

Est-ce?

Avant que la quiétude ne cesse
Encore engourdi, rien ne presse
Encore endormi , disparaissent
Et s'évanouissent les faiblesses
De cette autre nuit de détresse
Bientôt je sentirai tes caresses 

Beurk





J'ai testé le jogging après des rognons de veau frites (maison) beaujolais. Je déconseille (le jogging). Voilà le résultat!
Photo de Thierry Joubin.


lundi 23 novembre 2015

En votre absence

Ce matin, j'étais seul. Seul au bureau. Et je rêvais. Je rêvais que je n'étais pas au bureau. Je rêvais que j'étais ailleurs. Un ailleurs indéterminé. Un ailleurs qui m'était inconnu mais où j'aurais aimé être. Pour faire illusion, j'ai laissé mon corps surplace. Je n'étais plus là. Dans le silence apaisé, je suis parti. Sans destination. Au gré. Au gré des errances. Porté par le courant indolent, je me suis éloigné du bord qui a fini par disparaître. Peut-être sans retour après les détours du rêve. J'ai abordé l'autre côté. C'est ce qui m'a semblé. Je n'en discernais que peu de chose mais j'étais bien. Je vagabondais comme un esprit détaché. J'allais m'insinuer dans les caresses de l'absence.
"Dis, t'as bientôt fini de remplir le tableau?"
Je réintégrai mon corps.  

Pousse

Dans le bureau dans lequel j'officie, se trouve sur ma droite ce que l'on pourrait appeler une baie vitrée si elle ne se trouvait pas à un cinquante du sol et découpée en quatre fenêtres. Quoi qu'il en soit elle permet un bon ensoleillement l'après-midi, ce qui me fait penser que son orientation ne doit pas se situer loin de l'ouest. Il est des jours, peut-être tous les jours, où mon regard se perd dans ce rectangle de lumière. Au premier plan, des murs et des appartements qui le matin brièvement prennent vie. Au deuxième plan, une perspective arborée dans laquelle je prends la fuite. Elle est composée de trois arbres. Pendant l'été et le printemps, on ne peut les distinguer. Ils composent une forme verte qui ondule dans le vent. D'où je suis, quand j'y suis, je ne peux distinguer leur tronc. L'autre jour, alors que je m'abîmais dans mes rêveries de fin d'automne, une constatation me sort de ma torpeur. Je découvre pour, me semble-t-il, la première fois que ce qui à la belle saison ne semblait faire qu'un est en réalité composé de trois arbres. Une sorte de trinité végétale. Cette découverte ayant aiguisé ma curiosité, je m'attarde dans leur contemplation. A ma grande surprise, je constate dans un premier temps, que ces arbres sont de tailles différentes. Et ensuite que celui du milieu paraît chétif par rapport aux deux autres. De plus, il est penché. Ceci montre qu'il est obligé de se battre pour avoir accès à la lumière et qu'il ne peut compter sur la solidarité de ses voisins. A terme, plus faible il ne pourra se défendre contre les parasites et il sera étouffé par les deux autres. Je ne suis pas insensible à la souffrance des arbres, je suis pour que chaque arbre puisse vivre en harmonie avec son milieu. Alors, que dois-je faire? Créer un comité de soutien? Abattre les deux autres? Ou dois-je dire comme Victor Hugo "Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent ; ce sont ceux dont un dessein ferme emplit l'âme et le front, ceux qui d'un haut destin gravissent l'âpre cime." J'hésite.

vendredi 20 novembre 2015

Au bord

Je t'attends. Je t'attends toujours. Je t'attends à chaque fois. Toutes ces fois où le temps est du désir. Tu n'imagines pas comme j'aime t'attendre. Qu'aurais-je d'autre à faire? Quand nous avons rendez-vous, je n'ai qu'une envie. Que tu sois en retard. Je sais que ça ne te demande aucun effort. Tu vas arriver. Tu me regarderas en souriant et je te dirai "Déjà?".

jeudi 19 novembre 2015

Un soir au concert

Hier soir je suis allé écouter ce groupe. Une configuration sobre. Guitare, basse, batterie. Pas d’esbroufe. Pas d'effet. Personne ne tirant la partition à soi. Du rock dans toute sa splendeur. J'aime la simplicité. Un chanteur guitariste qui transmet son plaisir de jouer, avec une énergie qui n'empiète pas sur son talent de musicien. Une bassiste dont la voix mériterait d'être mise un peu plus en avant et qui sobrement assure avec ses quatre cordes. Un batteur puissant qui cimente le tout. Un groupe comme du temps du vinyle. Un tout petit regret dont j'ai fait part à mon voisin Jorge. Un des titres aurait mérité l'apport d'un clavier. Je n'ai pas su ce qu'en pensait Jorge. Il est dommage que nous n'ayons été qu'une vingtaine à profiter de ce qui nous a été offert. Un très bon concert.

Sortie du 11 (fin)

Ah oui. D'aucuns m'ont fait remarqué que je n'avais pas donné le nom de la bourgade. Des perspicaces m'ont proposé des noms. Il existe de bonnes réponses. Pour tout dire c'est surtout son nom qui a retenu mon attention. Quand je suis sur mon vélo, pour passer le temps je joue avec le nom des communes traversées. Certains ne m'inspirent pas. En revanche, celui dont il est question  m'a assez rapidement inspiré. J'ai d'abord cherché quelles anagrammes était possibles. J'ai notamment trouvé Le Rhône (j'écris notamment mais je n'en ai pas trouvé d'autres). Et non moins rapidement, je suis retombé en enfance. Ou alors j'y suis retourné. A moins que...
En lisant son nom, je me suis dit que cela me rappelait quelque chose. Quelque chose de mon enfance. J'ai fini par mettre le doigt dessus. L'association des sons qui éveillent un air. Petit Patapon. Le Héron petit Patapon. Lors de mon dernier passage au Héron, j'ai découvert sur le bord de la route un musée dédié au héron. Bien que mon enthousiasme pour ce genre d'endroit soit très mesuré, la prochaine fois je le visiterai.

mardi 17 novembre 2015

Monument

Sur deux roues j'avais encore le cœur léger. Quelques minutes dans un Charleval désert en ce début d'après-midi. Peut-être comme d'autres en 1915, deux jours plus tard je me demandais comment avions-nous pu en arriver là. J'ai commencé à réfléchir et la lassitude a pris le dessus. 

Tel quel (le chien)

Une minute de silence
Des minutes de souffrance
Quand s'envole notre enfance
Et que nos rêves se balancent
Dis moi quelque chose
Même en prose
Qui me donne confiance
Dans le cœur de la France 
Il serait pire de ne plus rire
Même si ton rire a disparu
Il traverse mes souvenirs
Et dire. Et dire. Et dire.
Et dire que nous pourrions.
Et dire que nous pourrions être heureux.
Je me réveille et je respire
Dans l'air du matin j'aspire
J'aspire à ne pas être poussière
Consumé par les prières
J'aspire les effluves du fleuve
Bleu blanc rouge de plaisir
Dans un flot de désirs
Et tu soupires
Deviner tes lèvres frémir 
Dans ce Paris pour ne pas mourir
Dans ce Paris pour ne pas partir
Dans ce Paris devenu la Mecque des plaisirs

dimanche 15 novembre 2015

Si loin de nous

Un soir. Une soirée. Une soirée illuminée, traversée de paroles et de regards. Des gens se croisent sur des trottoirs qui ondulent. Ils se retrouvent. Ils se sourient. Ils se prennent dans les bras, échangent la tendresse des caresses. Ils s'attablent. Ils ont tant à se raconter. Ils partagent dans la chaleur des cœurs et des rires comme les lumières estompent la fin d'un jour. Ils goûtent l'envie, les sensations, l'existence du moment. Ils se touchent des yeux. Ils offrent leur visage. Ils désirent. Ils se désirent. Ils vivent. Ils sont si près. Si près de l'oubli du reste. Si loin du fracas. Si loin de la peine et du chagrin. Si loin de cette nuit peuplée de peur, de douleur. Si loin de la torpeur et des pleurs. Étrangers à la terreur. Les fleurs brillent dans les premières lueurs. Le jour est là, tout proche.

samedi 14 novembre 2015

Sortie du 11

Hier, j'ai effectué un tour. Un tour de vélo. Pour être plus précis, j'ai parcouru une boucle. Je suis revenu au point de départ. Pas mécontent d'ailleurs. C'est une boucle qui m'est familière. Celle que je parcours quand je suis en forme. Il m'arrive parfois de me croire en forme et de terminer sur les jantes. Tel ne fut pas le cas en ce 11 novembre. C'est ainsi que les bourgades et autres villages ont défilé. L'un d'eux, depuis quelques temps, retient plus particulièrement mon attention (j'ai l'impression d'écrire une lettre de motivation). C'est une commune singulière qui se situe entre Buchy et Vascœuil par la D46, voie peu fréquentée et roulante. A l'écart mais pas à l'écart de tout. Il suffit de s'écarter de la route principale. Elle peut paraître oubliée. Peut-être même oubliée de ses habitants. Quand je traverse ce village, il est fréquent que je ne vois âme qui vive. Rassuré, l'autre jour j'ai vu des enfants qui jouaient dans la cour de l'école qui se trouve à la sortie. Mais mercredi, je n'ai aperçu personne. A la réflexion, j'ai l'impression de ne jamais avoir aperçu ou croisé que des enfants. Il doit pourtant y avoir des adultes. La preuve en est qu'au cours d'un de mes passages, il y a de cela de nombreux mois, j'avais remarqué une bâtisse de taille respectable dans un état qui laissait supposer qu'elle était restée inhabitée durant de longues années. Peu de temps après, effectuant un nouveau tour, j'aperçus devant la maison du matériel et des matériaux qui laissaient présager d’imminents travaux. Ce qui s'avéra. J'ai ainsi pu constater mercredi que les travaux étaient terminés. Mais d'adultes point. La prochaine fois j'irai frapper à la porte.     

mercredi 11 novembre 2015

Repousse (2)

A l’œil nu, on ne discerne pas de changement. La douceur et le soleil n'ont pour l'instant pas provoqué une repousse accélérée. Nous avons le temps.

mardi 10 novembre 2015

En attendant

Ce moment de l'entretemps se lasse d'attendre le retour fugace. Répandu, il laisse la place entre les aiguilles. Il file et s'entrelace dans le temps devenu. Il est maintenant figé. Parmi d'autres. Comme un livre qui sera peut-être ouvert. Que faisons nous de nos souvenirs? Ils brillent dans un vide lointain. Ils ont besoin de notre temps, de notre attention, de notre gratitude. Quand le soir je regarde subrepticement le ciel, il parait vide. Je ne distingue que quelques étoiles. Les plus brillantes et celles dont je connais l'emplacement. Et puis si je persévère, si je scrute, si je prolonge l'observation, je finis par en découvrir d'autres. Des points clairs qui auraient tôt fait d'échapper à mon attention. Ce qu'elles font. Elles se fondent dans l'obscurité qui les entourent. L'obscurité est une immensité.

lundi 9 novembre 2015

De beurre

Nous avons tous connu ça. A la réflexion, pas tous. Alors disons certains parmi nous. En tout cas moi, il n'y a pas de doute. Assez souvent même. Le pire étant que la précédente ne me sert jamais de leçon. Je le sais et pourtant je recommence. A chaque fois je me dis "Mais arrête, bordel (parfois je le cède à la grossièreté et je finis par le regretter mais à chaque fois je recommence), tu sais comment ça va se terminer". C'est vrai que je le sais mais il y a quelque chose en moi qui me dit cette fois-ci ce sera différent. Et je fais comme si j'y croyais alors que je ne suis pas dupe de moi-même.
Par exemple, quand j'étais petit, j'allais à l'école. Un petit peu comme l'on va à l'abattoir. Ça me tuait. A chaque fin de journée ou de cours, selon le niveau atteint, il fallait sortir le cahier de textes. Je n'ai jamais su me servir de ce truc. Toujours est-il qu'il fallait noter leçons et devoirs. A peine refermé ce foutu cahier, je ne pouvais pas m'empêcher de me dire que j'avais le temps. Les jours passaient. Je ne faisais rien mais j'avais le temps. Le temps de ne rien faire. Je finissais par me retrouver à la veille de l'échéance sans avoir rien fait. Mais ne rien faire n'était pas une matière. Tout au plus, une matière à réflexion. Et je m'en voulais. Je m'en voulais d'être comme ça. D'en être réduit à rendre un devoir qui n'avait ni queue ni tête, à espérer que le prof m'oublierait au moment de l'interrogation. Et pourtant, je savais pertinemment que ça se terminerait aussi piteusement. Mais rien n'y faisait. A chaque fois, j'avais le temps. C'est ainsi que tout ce qui comportait une échéance était prétexte à procrastination. Je savais que je courrais à la catastrophe mais je ne parvenais pas à prendre conscience des conséquences qui pourtant m'étaient régulièrement répétées par les autorités tant professorale que parentale. Mais tout cela me semblait abstrait et probablement exagéré.
Exagéré. La transition est toute faite même si tout reste à faire. "Vous exagérez" m'a ainsi interpelé une marmotte de mes amis. J'ai fait sa connaissance un jour que je gravissais le col d'Agnel, qui, soit dit en passant, n'est pas des plus connus mais n'en est pas moins pentu. Arrivé au sommet, entre neige et verdure, je me suis offert une pause qui devait notamment me permettre de trancher. Soit je rebroussais chemin soit je me lançais dans la descente côté transalpin tout en sachant qu'il me faudrait inévitablement remonter. Tout à ma réflexion, je fis quelques pas dans les herbages alentour. Et c'est alors que je laissais mon esprit vagabonder, qu'un mouvement aussi furtif que coloré m'a fait lever la tête. Face à moi, à peine à quelques pas, autant dire à portée de souffle, une marmotte. Elle me regarde. Je fais de même. Je lui souris. Elle me fait un signe de la patte. Et nous finissons par sympathiser. Au début, encore un peu sur la réserve, nous parlons de tout et de rien, de la pluie et du beau temps. Des enfants qui sont turbulents. Du temps qui passe. La confiance venant, elle avait besoin de se confier, elle me fait part de ses craintes. Des craintes qui étaient liées au climat. Déjà à l'époque, il lui semblait que les saisons manquaient de caractère, que la neige ne rimait plus avec abondance. Je lui répondis, summum de l'analyse, qu'elle se faisait certainement des idées. Le temps a continué de passer. Le réchauffement climatique était devenu d'une quotidienne actualité mais ses conséquences me semblaient toujours aussi lointaines qu'abstraites. Alors je continuais comme si de rien n'était. Je me disais que j'avais le temps. Mais hier, alors que sur deux roues je traversais la plaine, sur le bord de la route j'aperçois mon amie la marmotte. Surpris, je mets quelques secondes pour me convaincre que c'est bien elle et je fais demi-tour pour la retrouver. Après les embrassades et autres manifestations d'amitié, je lui fais part de mon étonnement de la trouver sous nos latitudes. A part quelques timides collines, notre région n'est pas connue pour sa haute altitude. Elle en convient. Devant ma surprise, elle m'explique que depuis notre dernière rencontre les conditions climatiques se sont dégradées, qu'il faut aller de plus en plus haut pour trouver de la neige et que, surtout, il fait désormais trop chaud pour hiberner, que de fait, la civilisation marmottienne est en voie de disparition, que l'expression dormir comme une marmotte n'a plus de sens. La montagne est devenue une vallée d'altitude. C'est la raison pour laquelle elle avait quitté son habitat qui ne lui était plus naturel. Là, devant moi, j'avais l'incarnation, le symbole de mon inconscience. J'avais exagéré. Il était trop tard pour avoir le temps. Je lui ai proposé de l'héberger dans mon réfrigérateur. 

dimanche 8 novembre 2015

Ouverture

                                                 Je ne me souviens plus sur quoi elle ouvrait.

vendredi 6 novembre 2015

A peine

Hier matin je marchais sur un trottoir. Il faisait encore nuit mais j'avais bon espoir que le jour finisse par se lever. Cela ne me préoccupait pourtant pas. Il est des jours où la nuit pourrait demeurer tout au long. Je marchais vers ma destination. Ce que je préfère dans la marche, c'est le hasard. L'impression. Mais hier matin, il n'était pas question de hasard mais de destination finale. J'emprunte toujours le même itinéraire. Pour terminer, je longe une avenue qui n'en finit pas, du moins je le suppose car je n'en ai jamais vu le bout. Il est vrai que je n'ai jamais eu la curiosité d'y aller voir. Je marchais donc sur le sol encore humide, comme si la lumière des lampadaires se liquéfiait en touchant l'asphalte. Comme souvent à cette heure, j'ai croisé des enfants en marche vers le savoir. Certainement impatients d'apprendre, ils couraient. Des matins, mes yeux ne s'arrêtent sur rien. Léger, je ne porte attention à rien. Mais hier matin, il en alla tout autrement. Quel suspense. Je regardais droit devant. Au début je n'ai discerné qu'une forme sombre surmontée de gris. Compte tenu de la distance qui m'en séparait, je ne pouvais pas évaluer sa vitesse de déplacement. J'ai même douté qu'elle fut animée. Après quelques pas de plus vers elle, j'ai pu constater qu'elle progressait lentement dans ma direction. Associant cette donnée à ce que je voyais, j'en ai conclu que c'était une femme. Une vieille femme. Munie de deux cannes, elle avançait. Elle ne donnait pas l'impression de marcher. Chacun de ses pieds semblait glisser de quelques centimètres à chaque fois. Le reste de son corps suivait prudemment. Elle semblait guidée par cette prudence qui apparaît lorsque les gestes de la vie perdent de leur naturel. La tête inclinée vers le sol, elle était toute accaparée par la nécessité de poser l'extrémité des cannes au bon endroit. Je l'ai croisée. Elle ne m'a pas vu. Sans trop savoir pourquoi, je me suis dit qu'un jour elle avait marché d'un pas assuré, regardant droit devant elle. Qu'elle avait dévalé un escalier quatre à quatre. Qu'elle avait sauté de son lit. Qu'elle avait été impatiente. Qu'elle avait vécu les promesses du désir. Qu'elle avait fait l'amour et joui à en réveiller le voisinage. Qu'elle avait observé des vieux en se disant... Je me suis retourné mais elle avait disparu. 

mercredi 4 novembre 2015

Volonté

Ce matin, dans le silence de l'habitude qui accompagne le réveil, j'ai pris une décision. C'était brutal. Prendre une décision n'est pas dans mes habitudes, de surcroît le matin. Faute d'un réveil cérébral, je n'en ai pas mesuré l'ampleur. J'étais le seul à connaître cette décision. J'aurais pu l'annuler sans que l'on puisse me le reprocher. Elle n'avait pas encore été créatrice de droit. Renoncer n'aurait lésé personne. Pourtant, par rigueur morale, je n'ai pas cédé. Il est vrai qu'entre la porte de la chambre et celle de la salle de bain, j'ai hésité. Face à la glace, je me suis regardé. J'ai vu ce regard qui ne demandait qu'à se dérober. J'y ai vu défiler tous les renoncements, tous les abandons, toutes les lâchetés. Ça n'en finissait pas. A croire que j'avais vécu plusieurs vies. Quoi, n'étais-je pas capable de courage? Avais-je renoncé à toute fierté? Étais-je condamné à être ce que j'avais été? Comme dirait un pétrolier qui fore le sol à la recherche de gaz de schiste, j'ai des ressources cachées. Dans le blanc de l'émail et des yeux, j'ai décidé de maintenir ma décision. C'est ainsi que je suis retourné me coucher.

lundi 2 novembre 2015

Hygiène buccale

Où se trouve ce qui a disparu? Pour qui sommes-nous perdus? Où avons-nous rangé ce qui n'existe plus? C'était un matin. Je m'étais extirpé. Mais pourquoi ne me suis-je pas couché plus tôt me dis-je? Comme à chaque fois, la fatigue s'allégeait et disparaissait, dans un dernier bâillement, avec l'eau de la douche. Demeurait pourtant une impression. Une de ces impressions qui demeurent dans l'ombre. J'avais oublié quelque chose mais je ne savais pas quoi. Avec le temps, s'amassaient les oublis. Il m'était impossible de me souvenir de tout ce qui avait quitté ma mémoire depuis mon premier jour. A n'en pas douter, il aurait fallu de nombreux registres pour tout recenser. J'avais oublié des voix, les visages d'inconnus, des sourires, des rendez-vous, des livres, des films, des corps, des lèvres, des hésitations, des regrets, des promesses, des jours de pluie, des matins, des chagrins, des toujours, des jamais, des peut-être, des désirs... Tout était pêle-mêle, laissé à l'abandon. Pourquoi serais-je allé fouiller? Pour trouver quoi? Pourtant, ce matin là, j'étais prêt à faire un effort. J'avais envie de me souvenir, envie de prendre le risque. Ce qui devait arriver arriva. Je suis entré dans la salle de bain et c'est en prenant la brosse à dents que ça m'est revenu. Il n'y en avait plus qu'une.  

dimanche 1 novembre 2015

Menace sur l'assiette

Cela n'a pas été sans mal, mais j'ai enfin identifié la menace qui me fait peur. Le phare qui, d'une lumière crue a pris dans son rai la menace qui commençait à sourdre et m'a révélé , se trouve à Béziers. Toute société, toute civilisation, pour peu qu'elle veuille prospérer et parfois simplement survivre a besoin de visionnaires, de ces hommes qui ont un sens inné du destin qui attend le monde dans lequel ils vivent. Et bien, Robert Ménard est un de cela. Bien avant tout le monde, avec modestie et opiniâtreté, il a, sans coup férir, identifié la perfide, la fourbe menace. Bien que Béziers soit éloignée des plages de la Méditerranée, de sa mairie Robert a identifié, débusqué les annonciateurs stigmates de la déferlante, de cette vague qui finira, si nous n'y prenons garde, par nous submerger. Il sera alors trop tard. L'irréversible sera là et bien là. Mais Robert, fin et judicieux observateur, a compris que l'invasion avait déjà commencé et ce par la bouche et que nous étions sur le point d'assister au grand remplacement culinaire. Béziers est envahi par le kébab et comme le dit Robert "Ces commerces n'ont rien à voir avec notre culture !" Mais bien sûr qu'il n'ont rien à voir avec le kébab tout comme le couscous, le nem, le hamburger, le tiep bou dien, le colombo, les tacos... Alors je dis merci à Robert qui, infatigable défenseur de nos traditions, depuis que le saucisson et l'andouillette sont accusés de tous les maux, s'apprête à débusquer les envahisseurs qui ont infiltré l'OMS. Allez Robert.


Repousse (1)

Peu de changement depuis la dernière fois pour ne pas dire aucun. L'adjectif imperceptible s'impose. Il est fort probable que nous devions (je vous associe) attendre le printemps. Nous verrons bien.