vendredi 26 octobre 2012

Tentative

Une étendue blanche, toute blanche. Je la traverse. C’est une sorte de désert qui a la forme d’un rectangle et qui pourrait faire croire à l’absence de pensée. Peut-être pourrait-il servir de drap aux fantômes de mes idées. Comme l’eau disparaît dans le sable, mes idées se sont perdues entre des lignes imaginaires. Pourtant, les pensées ne sont pas un flot. Elles sont intimes et vagabondent. Elles naissent d’images, de presque rien. Ce sont des créations que je stocke ou que j’expose. Je dois trouver les mots pour les faire apparaître, pour les partager.
Je noircis de mes pensées l’écran blanc. Ce n’est après tout qu’une tentative. A petit pas mon esprit s’est éloigné de ma plume. Livrée à elle-même, elle s’est laissée aller et, plat sur le bord du bureau, s’est fait oublier sans laisser de trace.

jeudi 25 octobre 2012

Mais c'est bien sûr

Une chronique de France culture m'a donné envie d'écrire ce qui suit.
Notre vie serait comme les mathématiques, la physique, de la chimie ou toute autre matière scientifique. La solution à nos problèmes serait une formule. Pas une formule par problème mais une seule et même formule qui serait à l'homme politique ce que la pierre philosophale est à l'alchimiste. Si cette formule change en fonction des circonstances, elle garde toujours son caractère universelle. Chacune d'elles s'impose comme une évidence, marquée au coin du bon sens. Une de ses particularités est qu'elle s'affranchit de tout débat, de toute remise en cause. C'est une vérité révélée.
"Le choc de compétitivité" est la dernière formule en date. Répétée à l'envie, en toute circonstance, dans tous les débats et par tout un chacun, elle est devenue un gimmick, une incantation que l'on annone sans plus s'interroger sur son sens, sur son contenu. Ah mais oui, où avais la tête, mais c'est bien sûr le choc de compétitivité qu'il nous faut. La formule se suffit à elle-même. Sa particularité est qu'elle concentre en son sein toute la violence d'un modèle de société qui s'impose à nous. "Le choc" c'est quoi? Une claque dans la gueule, un coup de pied dans le cul, une décharge électrique à destination de notre cerveau? A bien y réfléchir, cette formule est un pléonasme. La compétitivité est un choc, une sanction, un couperet. Elle a l'avantage d'éviter de s'interroger car elle est présentée comme étant une urgence. C'est un concept conservateur qui fait fi des remises en cause, qui n'aborde pas le fond mais tente de rafistoler. La compétitivité n'a que faire de la démocratie. Elle est à l'économie ce que l'horizon est à la ligne d'arrivée.  
Je reviendrai un autre jour sur la formule du pain au chocolat dérobé. 

mercredi 24 octobre 2012

A autre chose (18)

« Je vois ma vie comme un terrain vague. De l’herbe, des pierres, des résidus, le vent, l’usure et l’abandon. Aucune envie d’y faire pousser quoi que ce soit, d’y ériger une quelconque construction. J’ai une pelle et je creuse, persuadé de trouver quelque chose que je pourrais brandir en criant « Voilà, c’est moi ». La sensation d’être autre chose, de vivre à côté de moi. »

Dès son plus jeune âge, il a eu la certitude d’avoir une vie intérieure intense. Comme si il ne pouvait pas se contenter de vivreMême si il sait que cela est vain, il recherche toujours les mots. Des mots qui s’imprègneraient, des mots dont il serait proche, des mots qui seraient comme des larmes d’une troublante transparence et qui ne sécheraient jamais. Il ne renonce pas à trouver des mots qui seraient elle, qui seraient lui. Des mots dans lesquels ils pourraient se glisser et se blottir dans leur ombre. Pourtant, ce qui est en lui se méfie des mots, la sensation de s’y trouver à l’étroit. Il ressent parfois une frustration de ne pouvoir exprimer la force, la violence, la douceur, le calme qui le traversent, claquent et le transpercent. Ce n’est peut-être que son âme qui lui échappe. Elle est l’eau que l’on devine retenue par un barrage

« Et j’ai eu huit ans. C’est l’âge auquel je crois me souvenir avoir fait le lien entre mon cerveau et mon pénis dont à l’époque j’ignorais le nom. Je ne l’appelais pas alors que ma mère l’affublait de surnoms ridicules et niais dont j’ai encore honte aujourd’hui. Ce devait être une sorte de castration morale. Si j’étais son fils, je ne devais pas être un homme. C’est du moins ainsi que je l’analysais. »   

Bureau

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Ce matin, je ne sais pas pourquoi, en arrivant au bureau je me suis souvenu de Podgorny, Nikolaï Viktorovitch Podgorny. Il est probable que peu de personnes s'en souviennent. Il était copain avec Alexis Nikolaïevitch Kossyguine et Andreï Gromyko dont le nom me faisait rire quand j'étais petit.

mardi 23 octobre 2012

A autre chose (17)

Il a toujours eu, et ce dès son plus jeune âge, ce fantasme de l’amour courtois se nourrissant de poèmes, de regards qui frôlent l’être aimé, de pensées secrètes. Sorte de lévitation qui mène à cette frustration faite de douleur et de renoncement.  C’est en ce sens que ce premier amour fut peut-être le plus parfait, du moins de son point de vue. Il ne sait pas comment a pris fin ce premier amour. Un déménagement, une lassitude, un désintérêt unilatéral, l’usure du quotidien…Si l’on exclut les ruptures brutales qui sont liées à un évènement conjoncturel, la fin d’un amour est aussi mystérieuse que le début. Nous nous levons le matin et c’est en croisant l’autre, terme un peu brutal, dans le couloir qui relie la chambre à la salle de bain que nous aurions la révélation. Nous ne l’aimerions plus.  C’est pourtant un matin comme beaucoup d’autres. Nous l’aimions hier soir en éteignant la lumière et ce matin, c’est fini. Notre amour aurait profité de la nuit pour s’enfuir, pour aller ailleurs. Avec le soleil qui se lève, nous n’aimerions plus personne. Nous ne le désirerions plus. Nous ne lui trouverions plus aucun charme. Nous irions jusqu’à nous demander comment nous avons pu l’autoriser à nous toucher. Mais nous sommes allés jusqu’à la salle de bain l’air de rien. Nous avons refermé la porte. Nous nous sommes assis sur le tabouret près du lavabo. Tout en regardant goutter le robinet nous n’avons pensé à rien, sidérés que nous sommes. L’amour serait un tas de sable. Nous irions je ne sais où, au loin, là-bas, hors de vue, chercher grain par grain de quoi le faire grandir. Et puis, peut-être fatigué, inattentif nous laisserions le vent éroder notre construction. Bien sûr que non, ce n'est pas ça. Les mots ne sont jamais que des synonymes. Nous nous obstinons à choisir des mots. Nous parvenons parfois presque à le décrire.  Je ne parviens pas à concevoir que d'un amour il ne puisse rien rester si ce n'est des souvenirs. L'amour se fige dans les souvenirs.

« Et puis, je ne sais pas. Marlène a disparu. Peut-être ai-je tenté de la garder en moi malgré son absence. Le temps a joué son rôle de pierre ponce. Son visage s’est estompé pour finir par disparaître. Je ne lui ai jamais parlé. Je ne l’ai jamais touchée. Je n’ai pas le souvenir de l’avoir approchée. Elle n’a pourtant jamais été un simple souvenir. Je ne pense pas tous les jours à Marlène mais son prénom est une boîte qui est toujours presque vide. Je crois que c’est avec elle qu’est née mon ambition d’être poète. A défaut de savoir écrire, mon esprit l’était. Sans être capable de l’identifier, je savais qu’il y avait quelque chose au fond de moi qu’un jour il faudrait que j’aille chercher. »

Sexéco

Une élue étiquetée écologiste a été mise en examen pour blanchiment d'argent et fraude fiscale. Sans que j'en discerne l'intérêt, plusieurs journaux en ont profité pour nous informer que cette élue sur internet vendait des sextoys bio. Il n'empêche que ce fait a alimenté ma réflexion. Je me suis demandé si il y avait une façon "développement durable" de faire l'amour. J'ai passé en revue chaque étape du processus. Il ressort de cette étude attentive que l'amour, que nous le fassions, que nous l'éprouvions, n'est qu'énergie renouvelable, exploitation de ressources inépuisables, création de sensations, d'innovations. L'amour nait à partir de rien et devient tout.
Pour tout dire, je n'avais à l'origine pas l'intention de traiter ce sujet de cette façon. L'ambiance de cette chronique devait être proche de celle de l'illustration. Et puis je me suis dit que j'allais sombrer. Ce qui attire mon regard ne dicte pas toujours ma pensée.   

lundi 22 octobre 2012

A autre chose (16)

« Même si je sais que personne ne lira ces lignes, je devine qu’il me sera difficile de me livrer, d’écrire ce que je suis. Mes doigts hésitent déjà. De quoi ai-je peur puisque je ne lirai pas ce que j’écris ? Mes faiblesses, mes trahisons, mes lâchetés, mes renoncements. Ils sont pourtant une part de ce que je suis. Comme de la broussaille que le vent agite dans un terrain vague, ils occupent le terrain de mes pensées. Ma connaissance de chaque méandre de mon cerveau me permet de les éviter mais je sors parfois épuisé de mes pérégrinations. C’est comme si une partie de mon cerveau était une cinémathèque où s’entasseraient des piles de boîtes dans lesquelles j’aurais pris soin de ranger des films en super 8. Une prise de vue incertaine, des images tremblantes, floues, des travellings nerveux. Écrit au feutre noir sur une étiquette, le titre de chaque bobine. Leur rangement ne répond à aucun ordre qui me soit connu. De nombreux titres commencent par « Premier » ou « Première fois ». « Premier amour ».
« Mon premier amour s’appelait Marlène. C’est ainsi que les autres l’appelaient. Nous ne nous sommes jamais adressé le moindre mot. J’avais l’âge où les filles ne sont presque plus une autre forme de garçon mais pas encore ces êtres incompréhensibles dont il faut se méfier. Je ne savais pas ce qu’était l’amour mais elle fut la première à retenir mon attention. J’osais à peine la regarder. Sa seule présence me suffisait. Elle était la douceur de mes jours, mon secret. Je n’imaginais rien. Je me contentais de la garder en moi. Je ne savais pas ce qu’était l’amour mais il était là. Je le vivais. C’était le mien. Cette forme d’amour que l’on ne partage pas, même pas avec l’être aimé. L’amour est un sentiment spontané, né de rien. Je ne sais pas si Marlène avait remarqué quelque chose mais c’est la première à m’avoir transmis ces frissons qui vous rendent heureux. Je n’ai pas le souvenir de m’être inquiété de savoir si elle éprouvait quelque chose pour moi ou si le simple fait de me regarder la faisait vibrer. L’amour était un plaisir solitaire. Solitaire mais pure, poétique, romantique, détaché de toute contingence corporelle, absolu. Blottie dans le reflet de mes yeux, elle restait à l’abri de mes paupières pour la nuit. »

dimanche 21 octobre 2012

A autre chose (15)

Il aurait presque envie de sourire en relisant cette dernière phrase. Il se lève et fait les quelques pas qui le séparent de la chaise. Il la regarde. Un objet fait de tissu et de métal qu’ils avaient détourné, fait dévier de sa fonction. Cette manie de vouloir donner un sens, une signification à ce qui n’en a pas. Cette chaise devient une bouée sentimentale. Elle entretient son goût du fétichisme. Il parvient à s’en amuser. Il laisse défiler les images. Il se concentre sur son visage. Il était fasciné par ce qu’il pouvait y lire. Une fois qu’elle avait ferré ce frisson qui allait la faire vibrer, elle ne le lâchait plus. Elle devenait un concentré d’énergie qui n’avait de cesse que d’extirper ces quelques secondes de jouissance. Il ressentait parfois cette impression d'être un objet entre ses mains, ce qui ne lui déplaisait pas. Sans aller jusqu'à se l'avouer, il en était plutôt fier.
 
Dehors le jour s’avance. Il regarde par la fenêtre. Il s’accorde un peu de présent. Dans le ciel, quelques nuages blancs finissent de s’étirer. Ils perdent leur forme, semblent s’étioler, prêt à disparaître. Et puis, avec lenteur, comme les cellules d’un corps dont il ne verrait qu’une partie, ils se divisent. Leurs contours s’affirment et projettent d’autres ombres dans la rue où défile la vie de tous les jours. Il va bien falloir qu’il y retourne, qu’il redevienne une partie d’un tout. Il mêlera à nouveau son histoire aux autres. Que pourrait-il raconter sans eux ?

mercredi 17 octobre 2012

A autre chose (14)

Il a toujours cette tendance à plonger son romantisme dans le désespoir. Il espère que cela le rendra plus beau, encore plus définitif. Il navigue dans les vapeurs de l’adolescence, ce qui peut le rendre plus touchant, du moins pendant un certain temps. Il ne faut pas s’y tromper. Il a déjà été heureux. Il a déjà aimé. Il a déjà été aimé. Ce qu’il n’a pas encore écrit, mais il lui reste plusieurs heures pour le faire, c’est qu’il garde en lui cette sensation de ne jamais s’être laissé aller à l’amour, de ne jamais s’être offert sans réserve. Avec elle, il savait qu’il allait y parvenir. Au début, c’était en pointillé. Il s’offrait des voyages, des séjours dans la marge. Il était en quelque sorte un intermittent du laisser-aller sentimental.

« Je ne sais pas comment d’un presque rien est né ce furieux besoin d’aimer. La passion m’a toujours été étrangère, ce qui en soi n’est pas une tare. Mais j’éprouvais, peut-être à nouveau, ce besoin d’être heureux, de ressentir. Certainement détecté par des capteurs d’une extrême sensibilité, je découvrais que cette réciproque histoire de cul n’en était plus tout à fait une. Je l’ai découvert le jour où la tenir simplement dans mes bras me suffisait. Je vivais ce moment. Tout ce qui me constituait, tout ce qui faisait que j’étais moi était là en train de la serrer, de la respirer. C’était comme si nos cellules, nos atomes cherchaient à se mêler. Je n’ai pas eu peur. »

« Je ne sais pas pourquoi, mais cela me rappelle la plage. Je n’ai jamais aimé me prélasser sur le sable. Je ne peux rien y faire, même pas penser. C’est le lieu de l’inconfort, de la vacuité, du néant, de la négation. Tous ces grains ne m’inspirent rien. Pourquoi en vouloir à cette plage par ailleurs tant prisée, tant espérée ? Ce sont les vagues qui m’attirent. Les vagues qui grondent, qui m’imposent leur énergie. Je m’avance vers elles à la recherche de celle qui m’emportera, me submergera, à laquelle je n’opposerai aucune résistance. Je deviens un ingrédient de cette soupe agitée. Je n’ai plus de point de repère. Et puis, comme un chat qui en aurait assez de jouer avec sa proie, la vague me rejette sur le sable. Etourdi, heureux d’être sain et sauf, je passe la langue sur mes lèvres mouillées pour contenter tous mes sens. »

A fond

Toshio Saeki

"La nuit, me promenant dans Paris, d’imaginer ces milliers de fentes sous les jupes, ces clitoris, ces seins gonflés, ces ventres féconds, ces bourses ballantes, ces queues en mouvement, ces fessiers roulant, ces délires rodant, tout le sang grondant dans les veines, en tout lieu, à toute heure, d’évoquer cette agitation internationale m’épuise ; puis me métamorphose dans l’enfant d’hier qui regardait le ciel constellé à perdre l’équilibre, pris de vertige devant l’immensité de l’intrigue."

Certainement, je suis par hasard tombé sur ces lignes qui sont extraites d'un texte de Frédéric Joignot dans lequel il se demande pourquoi la reproduction est-elle sexuée. Si je les ai copiées-collées c'est qu'elles expriment à la perfection les pensées qui souvent me traversent la tête quand je me promène en ville. Comme si j'avais besoin d'être rassuré, j'aime savoir que d'autres aussi s'égarent. En revanche, cela ne m'épuise pas mais me fait sourire. J'aime cette idée de frénésie sexuelle qui reste circonscrite à mon esprit et reste sans effet sur le reste de mon corps. C'est à peine si mon cerveau se trouve à l'étroit. Ces pensées ne sont que très rarement accompagnées d'illustrations. C'est un érotisme dématérialisé.Un souffle sur la peau.

C'est tout

Il entre. Elle est là. Il l'espérait. Parmi les autres livres. Derrière elle, des rayons qui semblent lui prodiguer une chaleur. Celle des mots dans tous les sens, celle des premières pages qui ont assez de souffle pour entretenir les braises. Il n'a lu aucun de ces livres. Il regarde les couvertures qui forment une mosaïque. Il lit les titres. Certain lui donnent envie de tourner les pages. Elle lui a dit que parfois toute l'énergie, toute l'âme de l'auteur se trouvait dans le titre. On ne le découvrait qu'après avoir lu le livre. Il s'approche. De son regard, elle froisse son angoisse qui roule comme une boule vers la foule. Elle disparaît entre les pieds qui se précipitent sur le trottoir. Il sera toujours temps.

lundi 15 octobre 2012

A autre chose (13)

« Avec elle, les choses ont pris leur temps. Au début, ce fut purement sexuel. Ce ne fut que purement sexuel. Pour tout dire, j’ai commencé par curiosité, sans arrière pensée. Une aventure qui était à peine le reflet du présent et qui allait se terminer dans un bruit de porte. Et sans que je sache pourquoi, même aujourd’hui, j’ai continué. Comme si la première fois fut déjà une habitude. Même si elle n’était pas contre, je n’ai pas le souvenir qu’elle ait fait quoi que ce soit pour que cet épisode pilote devienne un feuilleton fleuve. Sans en avoir conscience, j’étais dès le premier jour sous perfusion. Elle entrait en moi goutte après goutte. Elle se mêlait à mon sang, gonflait mes veines. Pendant de longs mois, je n’ai rien ressenti de particulier. Pas de sensation de chaleur. J’étais comme ces fumeurs qui se targuent de pouvoir arrêter quand ils veulent ».

Il regarde ces quelques lignes sur fond blanc sans oser les relire. Il sait qu’il ne parviendra pas à raconter cette histoire. Dans une histoire d’amour, les mots sont de trop.
« Dans ma vie, j’ai souvent été presque. Presque heureux, presque amoureux, presque intelligent, presque beau, presque élégant. Presque est un mot curieux. C’est un cocktail composé d’absurde, de désespoir, de lassitude et de dérision. Il donne pourtant l’impression d’être vide de sens, d’être inutile. Une sorte de miroir mesquin qui ferait ressortir les rides et les boutons. Alors il n’y avait pas de raison qu’avec elle il en aille différemment. Cette relation était presque quelque chose. »

Comme souvent, il exagère. Probablement. Il a depuis longtemps ce mot en réserve. Il lui trouve une certaine beauté. "Presque" pourrait effectivement être le résumé d'une vie mais pas de la sienne. Il en a extrait l'incertitude, l'imperfection. Presque lui donne envie de vivre demain. Presque est une frustration qui le fait vibrer, qui le maintient dans la création.

dimanche 14 octobre 2012

Concert




Le 18 octobre prochain à Franqueville St Pierre, salle Bourvil, à 20h aura lieu un concert pop-rock, au profit de l'association EMA. L'association EMA, créée en 2005, a pour objet de favoriser l’accès des enfants à la musique, notamment en finançant la location d’instruments.L'association, en partenariat avec l'école de musique de Rouen, aide aujourd'hui une dizaine d'enfants en louant principalement des pianos. Son action s'inscrit dans la durée. C'est pourquoi EMA organise régulièrement des manifestations afin de financer son action.

La salle de spectacle Bourvil, mise gracieusement à disposition par la commune de Franqueville St Pierre, accueillera trois groupes qui ont accepté de jouer au profit de l'association.Il s'agit de 


SECOND FLOOR ORCHESTRA
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http://www.youtube.com/watch?v=44YvzHcrJOY&feature=share

Le Second Floor Orchestra s'estformé autour de Jorge, Phil (respectivement compositeurs chanteur et guitaristede Victoria) et Manu aux claviers. Son nom vient du fait que le groupe a composéet répété dans un appartement de Rouen situé au deuxième étage !!! Rejointspar Nicolas (ex Marteen) à la batterie, Christophe (ex Familia)à la basse etaux choeurs et Julien à la guitare, ils enregistrent un premier CD 6 titres pendant l’été 2010 . "Ils ont fait traverser l'Atlantique à leursinfluences britanniques. Dans la droite ligned’une musique pop-rock ponctuée d’accents jazz que l’on peut retrouver du côtédes ambiances musicales des Doors, leurs influences vont de Lennon à Dylan enpassant par les Who, Paul Weller, Elvis Costello ou encore Herbie Hancock.
La sortie de leur nouvel album, intituléLullabies sera disponible en octobre

MY SILLY DOGFISH
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A l'origine My SillyDogfish est un duo formé en septembre 2010 à Rouen .
C'est aujourd'hui un groupe composé de 4 musiciens ( Loic a la basse Christophe al guitare Yannick à la batterie et Claudio au chant )venusd'horizons divers et variés jouant une pop folk influencée par lesmaitres que sont Dylan, Lennon, Presley , Costello leurs répertoire electroacoustique entièrement composé de morceaux originaux ne laissera pas indifférentles amateurs de mélodies et de guitares claires


GRAPES


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Après une longue phase dematuration scénique entreprise tout au long de la promotion de la compilation ILove LH vol II, ou en tant que groupe support de très nombreux concerts (dbBAND – ex SUPERGRASS, RADIOSOFA, THE PARISIANS, CRAIG WALKER – ex ARCHIVE), GRAPES a su trouver le chemin del’efficacité rock, sans jamais tomber dans la citation de leurs références (THEKINKS, WINGS) et tout en gardant l’œil rivé sur le présent (ARCADE FIRE, ARCTICMONKEYS).

Du côté de « l’actualitédiscographique », GRAPESa sorti le 15 mars dernier son tout premier album« SomeKinds of Happiness » auTahiti Labde Rouen (studio du groupe TAHITI 80).

Cet album a été arrangé parLudwig Bosch (RADIOSOFA)et bénéficie de la participation de nombreux invitésdont Mathieu Pigné pour les batteries (RADIOSOFA, DA SILVA, ARMAN MELIES,JULIEN DORE), Julien Noël pour des claviers (JULIEN DORE, DA SILVA) et MickeyQuinn pour des chœurs et percussions (SUPERGRASS, db BAND).Le mixagede cepremier album a été confié au belge RudyCoclet (ARNO, MUD FLOW, AN PIERLE, GIRLS IN HAWAI).

La sortie de ce disque a étéorchestrée par l’association Porc-épic (SHERAF, RADIOSOFA, ZIK O DOCKS,MEETZIC) qui coordonne le groupeGRAPES depuis ses débuts.

Duo devenu quartet, GRAPESdéfendsur scène ce premier album grâce au renfort d’un nouveau line-up composéde Stan (guitare – claviers – chant), Cyril (guitare – chœurs), Thomas (basse –clavier - chœurs) et Séb actuel membre du groupe WILLO(batterie – chœurs).




DISCOGRAPHIE :

- Octobre2009 : Compilation “I Love LH Vol 2” (titre Velvet Glove)
- Mars2012 : « Some kinds of Happiness » Lp.
- Avril2012 :« Tony’s Picture » Ep
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jeudi 11 octobre 2012

Premier regard

Sur les hauteurs d'une lueur, battent encore les ailes de la nuit. Leurs ombres se fondent dans mes souvenirs et font disparaître mes envies de fuir. La terre des jours se réveille, libère les odeurs que le vent répand. Je vais me glisser dans les heures qui m'attendent. Je serai du temps qui passe et qui me conduit jusqu'au prochain commencement.

A autre chose (prologue)

Comme souvent, j'écris plus vite que je ne pense. C'est ainsi que la nécessité d'un prologue n'est parvenue à mon cerveau qu'hier alors que je courrais dans la campagne. Le voici donc. Ce prologue a pour objet de faire la part entre les deux rédacteurs de cette histoire. Celui qui observe et celui qui raconte ce qui lui est arrivé. Tout en écrivant, je me rends compte que j'ai créée une situation qui me complique la vie puisque j'apparais en tant que troisième personnage alors que je n'ai aucun rôle dans cette histoire. Pour simplifier, partons du principe que je n'existe pas, que je n'ai pas écrit les phrases qui précèdent et qu'après le point mis à la fin de celle-ci, le prologue commence.

Il m'a envoyé un début d'histoire me précisant qu'il souhaitait avoir mon avis. Pourquoi moi? Probablement parce que je le connais depuis longtemps, que je suis régulièrement le destinataire de ses confidences, de ses états d'âme.  Il faut que vous sachiez qu'à l'abri d'une modestie qui ne trompe personne, il a des ambitions littéraires. J'ai donc lu. Que pouvais-je en dire? Je n'avais pas envie de le décourager. Je lui ai donc répondu que j'aimais. Cela ne lui a pas suffit. Il m'a demandé d'être plus précis, de parsemer son texte de mes commentaires. Comme je n'ai pas de prédisposition à la critique littéraire, je n'ai pas souhaité répondre à sa demande. En revanche, afin d'éclairer d'éventuels lecteurs, j'ai ponctué son récit de mes propres remarques. Je pourrai ainsi combler les vides, rétablir certaines vérités et parsemer ce texte dépressif d'un peu d'humour. Il a tendance à se complaire dans la plainte, le malheur, la souffrance. Voilà.   

mercredi 10 octobre 2012

A autre chose (12)

Il se relit et se demande s’il va conserver cette dernière phrase. Il sait que personne ne va la lire mais sa pudeur l’empêche de parler de façon réaliste de ce que sa mère appelait « les choses du sexe ». C’est d’ailleurs à ça que s’est résumée son éducation en la matière. Il savait qu’il y avait des choses et que ces choses étaient en relation avec le sexe. Pendant de nombreuses années, seul avec son sexe, il ignora ce que pouvait être ces choses. Il n’établissait aucune relation entre ce sexe et son environnement. En revanche, c’est à l’âge de huit ans, en allant voir un film au LEM, qu’il put établir de façon irréfutable que ce qui se trouvait entre ses jambes bénéficiait d’une grande autonomie. 
Pour la première fois, il allait au cinéma. Il ne se souvient pas du titre du film ni de l'histoire. Il conserve le souvenir des images du hall d'entrée, des affiches de couleur,  traversées par la mention "Prochainement", des photos sur les murs sensées vous renseigner sur l'intrigue du film, de la guérite dans laquelle une femme vous demandait "Balcon ou orchestre?", "Plutôt au milieu ou sur le côté?" Probablement accompagné par l'ouvreuse, il s'est assis dans le fauteuil qui devait être rouge. C'est en regardant une scène entre une femme et un homme qu'il a senti son sexe se dresser. Il s'est interrogé. Regarder cette intimité sur l'écran lui avait plu. Il allait pendant longtemps se la repasser et constater qu'elle provoquait toujours la même réaction. Avec le temps, il allait compléter sa cinémathèque, l'enrichissant à l'occasion de productions personnelles. 

mardi 9 octobre 2012

A autre chose (11)


 "J'attends. Les écouteurs du lecteur sur les oreilles, les sons de l'extérieur me parviennent avec moins d'intensité. Certains se perdent en route. D'habitude je suis le seul à attendre à cette heure là. Ma vie de tous les jours est faite d'habitudes. Je ne sais pas combien de temps il faut pour qu'une façon de faire devienne une habitude. Chacune d'elles me fait peur, comme si elle me faisaient vieillir plus vite, comme si elles décidaient à ma place. J'ai l'impression de vivre plus quand je modifie des éléments de ma vie quotidienne. Changer d'itinéraire pour aller travailler, ne pas toujours prendre le même bus, rompre avec le cérémonial du matin. Des riens qui me rendent plus léger. Je ne l'entends pas arriver. Elle me regarde. Aucun étonnement sur son visage. Elle me sourit. Je lis sur ses lèvres qu'elle me dit bonjour. Comme s'il était curieux qu'une femme m'adresse la parole, les oreilles envahies par une mélodie de SFO, je bredouille un truc du genre "Merjour". J'espère qu'elle n'a rien entendu. Elle prend place sur le banc de métal qui se trouve dans le coin de l'abri et consulte son portable. Elle ne me regarde plus. J'ai quitté son esprit. Je ne sais pas pourquoi cela semble avoir de l'importance."

" Ce dont je suis sûr, c’est que ce ne fut pas un coup de foudre. Même au loin, je n’aurais pas pu distinguer le moindre nuage noir annonciateur d’un orage. J’étais à l’abri, le cœur surmonté d’un paratonnerre. Mais l’on ne peut se prémunir de tout si ce n’est en arrêtant de vivre. Je ne sais pas à quel moment je suis passé de l’indifférence à un commencement d’intérêt. De nombreuses femmes avaient éveillé mon intérêt, l’espace d’une seconde, le temps de les croiser, de les apercevoir, d’imaginer je ne sais quoi. Si, je sais ce que j’imaginais. C’était de l’instantané, du furtif, comme un fantasme précoce que je ne prenais pas la peine de formuler. C’était un peu comme dans les restaurants chinois, dans mon cerveau reptilien à un numéro correspondait un fantasme. Je n’avais pas le temps d’en voir les premières images que déjà il disparaissait. Des chiffres me faisaient bander mais le reflux était rapide "


lundi 8 octobre 2012

A autre chose (10)

« Le jour où nous nous sommes rencontrés pour la première fois, je crois que nous ne nous sommes pas vu. Je n’ai plus qu’un vague souvenir de cette rencontre. Nous étions trop nombreux. Les visages défilaient. Les regards allaient dans tous les sens, sans rien retenir. Comme un tableau dont l’auteur aurait omis les détails, les caractères pour ne rendre qu’une sorte de désordre, d’agitation qui n’aurait pas permis à la curiosité de se satisfaire. Une bande-annonce qui n’aurait pas donné envie d’aller voir le film. Et puis le calme est revenu. J’ai beau creuser, feuilleter l’album de cette journée, elle n’y figure pas. Ensuite, c’est plutôt vague. Nous avons bien fini par nous retrouver l’un en face de l’autre, au moins pour nous permettre de se faire une idée.  » 

Ses doigts quittent le clavier. Ce n'est pas ce qu'il voulait écrire. Il efface. Les mots quittent l'écran. Place nette. Il se souvient avoir vu des manuscrits d'écrivains. Chaque page contenait des ratures. Des traits horizontaux pour les mots ou les lignes, des traits diagonaux pour les paragraphes. Parfois des phrases qui n'allaient pas jusqu'au point. Mais quelque soit le sort qui leur était réservé, rayés, raturés, les mots demeuraient et pouvaient être lus. Ainsi pouvaient-ils garder l'espoir d'être choisis un peu plus tard, plus loin et pourquoi pas dans un autre livre. Même abandonnés, les mots restaient ceux de l'écrivain.
Il reprit.     

"Comme souvent, ce matin là j'attendais le bus. J'étais seul dans l'abri. J'ai à de nombreuses reprises constaté qu'en ce lieu je ne suis à l'abri de rien, ni des intempéries ni des autres. Aux premières heures du jour, je n'aime pas les autres, tous ces inconnus qui pour quelques secondes ou quelques minutes traversent ma vie, entrent dans mon champ de vision, viennent perturber mon odorat, parlent de tout et de rien. Par tous les moyens, je m'isole. J'entre dans mes pensées, j'abandonne mon corps qui devient autonome, libre de réagir comme bon lui semble dès l'instant où il me laisse en paix. C'est du moins ce à quoi j'aimerais parvenir. Il y a toujours des trous dans la défense."  


Proche

J'entrai bientôt dans la brume

Née d'un autre matin d'écume

Le temps patientait sur le seuil

La sève avait quitté les feuilles

La lumière leur offrait l'illusion

De la chaleur d'une autre passion

Fragments de rayons balayés par le vent

A l'abri, je laissai fondre mes tourments

samedi 6 octobre 2012

Second Floor Orchestra


Vous êtes chez vous, dans la pièce où vous vous sentez le plus chez vous. Il n'existe pas d'autre endroit où vous préféreriez être à cet instant précis. Dans la main droite vous tenez le nouveau disque de Second Floor Orchestra. Probablement jalouse, votre main gauche attend son tour. Encore protégées par la cellophane, les trois lettres SFO. Vous les regardez. Vous vous souvenez de leur précédente galette argentée. Une six titres comme autant de balles qui sifflent encore à vos oreilles. C'est pour ça que vous hésitez. Et si la nouvelle était moins bonne. Vous savez que c'est ridicule mais vous sentez en vous le doute s'immiscer. Vous aviez écouté les six plages et imperceptiblement vous vous vous étiez éloigné du rivage en partance vers un autre continent. Comme la dernière goutte d'une substance inconnue, le dernier riff de "Lemon tree" a transpercé votre cortex et s'est répandu, transformant votre cerveau en une zone d'infinis plaisirs. Et puis plus rien. Vous étiez là, seul, abandonné au milieu de l'océan, avec déjà cette sensation de manque. Bercé par des vagues de désespoir, vous étiez prêt à balancer un SFO à la mer. 
Et puis un nouvel opus s'est, comme une fleur, déposé dans les bac (expression un peu vieillotte). Vous êtes comme Ulysse découvrant le sixième continent. Avec un peu d'appréhension, comme une première fois, vous glissez l'objet dans la fente. Et là vous découvrez que les gaziers sont sur le toit de l'immeuble. Vous savez que cette galette couleur diamant vous allez vous la mettre et vous la remettre jusqu'à assèchement des muqueuses.  Comme si les désormais six garçons de Second Floor avaient conscience de votre attente, le premier titre, une bouée à laquelle on s'accroche, s'appelle "I need to believe". Un peu qu'on a besoin d'y croire! Et puis? Et puis dès les premières notes vous avez la sensation que SFO à croisé le chemin de Phil Spector. A coups de riffs, de caresses blanches et noires, de baffes rythmiques et de suavité vocale s'édifie entre vos oreilles le mur du son. C'est la tour Eiffel qui s'érige, c'est l'obélisque qui surgit. Vous avez envie de toucher ces "Little creatures", un titre qui commence avec la voix de Jorge, un sucre d'orge qui va et vient entre les lèvres, une mélodie qui vous fait sautiller, une rythmique qui se retient, un clavier qui frôle. Et d'un seul coup, alors que vous pensiez finir le morceau en souplesse, Phil et Julien font déferler une vague de riffs qui vous découpent, vous décapitent,  vous vrillent, vous dévastent pendant que la voix vous intime l'ordre "Go away!" mais quand bien même vous le voudriez, de ses baguettes magiques Nicolas vous renvoient dans les cordes de Chris. Manu est le seul qui vous offre ses touches  de compassion. Épuisé mais heureux, une dernière salve de toms et cymbales vous achève et termine le boulot. Une seule envie flotte dans votre esprit encore chaviré "Again, bloody SFO!" 
Vous avez l'irrépressible envie de leur crier "Hey guys, I'm still crazy about you!"  

CONCERT LE 18 OCTOBRE 20H FRANQUEVILLE SAINT PIERRE

vendredi 5 octobre 2012

A autre chose (9)

Toujours le dos au mur, il reste dans le vague. Il sait qu’il devra partir, quitter cet endroit. Il le fera demain matin. Il a à la fois envie d’oublier et de se souvenir. L’idée lui vient d’écrire, de raconter. Ce serait bien sûr sa version. Ce sera peut-être un moyen de mettre un point au bout de la ligne, de consigner ce passage de sa vie et de le ranger ou de le détruire. Il se donne jusqu’aux premières lueurs du prochain jour pour trouver les mots. Ce qu’il aimerait, c’est que chaque souvenir une fois écrit quitte sa mémoire. Une sorte de couper/coller, un transfert d’un disque dur à un autre.
Il pose le portable sur ses genoux. Il regarde l’écran s’illuminer. Les lettres blanches se détachent sur les touches. Le sablier s’agite. Ce sont des secondes qui ne servent à rien. C’est à peine si elles existent. Il ne fait rien pour les retenir. Elles disparaîtront. Peut-être qu’un jour, comme des petites bulles, viendront-elles se mêler à l’air de la surface. Comment savoir ce qui restera. Il est possible que chaque seconde passée soit stockée quelque part à la disposition de son propriétaire. Il suffirait de demander pour qu’elle nous revienne en mémoire. Il pourrait faire le tri dans toutes ces secondes et offrir les plus belles à celle qu’il aime. Il se souvient de cette phrase prononcée par un jésuite qui avait donné son temps « Tout ce qui n’est pas donné est perdu ».
Il pose ses doigts sur les touches. « Je… ». Il regarde les deux lettres. Il est peu de chose. Il n’a jamais rien écrit. Du moins rien qui de près ou de loin pourrait être lui. Sans se l’avouer, il aimerait donner un certain style à ce qu’il va tenter d’écrire. Il sourit comme si il voulait se persuader qu’il n’est pas dupe de cette dérisoire ambition. Doit-il débuter par ce « je ». Il est vrai que c’est sa version d’une histoire. Pourtant, commencer ainsi ne lui ressemble pas. L’expression poser le décor s’applique bien à lui, à sa vie. Avant de commencer, comme un oiseau construit son nid,  il a besoin de s’entourer de mots quitte parfois à oublier ce qu’il doit déposer dans le nid. Il préfère les caresses, des lèvres qui se posent sur une épaule, une main qui parcourt un corps.
Il fait disparaître le j et le e. Patient, le curseur clignote. Il connait l’histoire mais cherche les mots. Il lui faut écrire ce qu’il n’a jamais dit. Comme toujours, il hésite. Les histoires d’amour n’ont besoin de rien si ce n’est d’être vécu. Les mots sont comme des bijoux de pacotille, des morceaux de rubans roses qui flottent dans la niaiserie ambiante, des écorchures, des miroirs dans lesquels on ne reconnait rien. Même si il sait qu’il lui suffira d’appuyer sur « suppr » pour que tout disparaisse. « Le jour où nous nous sommes rencontrés pour la première fois… »

jeudi 4 octobre 2012

A autre chose (8)


Il se souvient avoir lu que les étoiles en fin de vie se contractaient jusqu’à devenir un point minuscule dans l’espace, concentraient leur énergie avant d’exploser et de disparaître. Il se sentait ainsi, comme si toutes ses terminaisons nerveuses,  comme si les milliards de cellules dont il était composé, comme si sa mémoire, comme si son passé, comme si tous ses désirs rejoignaient seconde après seconde le creux de cette main. Sa chair et son sang étaient attirés, comme aspirés en cet endroit. Il n’était plus que ces quelques grammes à la merci de ces doigts qu’il sentait. Ses veines lui donnaient l’impression de vibrer comme des cordes. Il devinait son regard. Elle déposait ses lèvres sur sa peau. Leurs chaleurs se mêlaient.
Il ressentait parfois une peur. Cette peur de sombrer, de ne plus avoir prise. C’était comme si, attiré, il pénétrait dans une pièce plongée dans le noir avec la peur que la porte ne se referme dans son dos. Peut-être le devinait-elle. Elle le guidait pas à pas, lui laissant jusqu’au dernier moment la possibilité de repasser le seuil. Ces relents de morale, de conscience, quelque soit leur origine, n’étaient jamais assez puissants pour qu’il renonce. Il vivait la puissance de l'instant. Il était un instant qui se prolongeait, se dilatait. Il n'existait pas d'instrument qui aurait pu mesurer l'intensité. Il disparaissait de la surface de la terre. Ce qui l'entravait semblait avoir désserré  l'étau, ou avait peut-être  même quitté son esprit. Il lui était arrivé de pleurer.
Il relève la tête. Une tourterelle s’est posée sur le rebord de la fenêtre. D’un œil qui semble sans expression, elle le fixe. Ses plumes varient du blanc au gris. Un geste de la main, un mouvement et elle prendrait son envol. Il s’est souvent demandé pourquoi les oiseaux décident de voler, de déployer leurs ailes pour aller se poser ailleurs et recommencer ainsi à longueur de journée. Et puis un jour, sans force, malades, incapables de prendre les airs, ils renoncent à tout et se laissant mourir dans l’apparente indifférence de leurs congénères. 

mercredi 3 octobre 2012

A autre chose (7)

Elle posait ses mains sur le haut de ses cuisses. Il s’imaginait en statue grecque dans le musée de sa muse, offert aux caresses et aux promesses. Il fermait les yeux et rejetait la tête en arrière. Au plus profond de son corps il sentait monter comme l’appréhension de succomber sur le chemin qu’elle allait lui faire découvrir. Il sentait la première caresse de cette main qui le parcourait, qui furetait, se glissait, se faufilait, le découvrait, le fouillait, le frôlait, lui révélait ce qu’il n’avait jamais soupçonné. De cette main, sur sa peau elle écrivait un poème que lui seul pouvait lire.
C’est avec elle qu’il eut la sensation d’être un homme. Comme une révélation de la puissance, une glorification de la virilité. Une attente qu’il faisait tout pour satisfaire sans me sentir obligé. L’orgasme n’est pas un long fleuve tranquille. On en sent parfois les premières ondes et, sans que l’on sache pourquoi, il s’évanouit sans passer par la case souvenir. Il est tout près, à portée de peau. On croit en sentir l'odeur Il repart là-bas, s'échappe au loin. On se retrouve perdu en pleine mer sans savoir dans quelle direction se trouve le rivage. Il cherchait le souvenir d’un orgasme particulier, celui qui l’aurait fait mourir, ou presque. Celui qui fait trembler, celui que l’on a senti venir, qui s’est formé comme une vague au large, qui à la dernière seconde nous aurait presque fait peur, emportant et remplissant les espaces, se précipitant par-dessus la digue. Cet orgasme qui se perd au loin, que l’on entend gronder encore longtemps. Il en avait le souvenir et du lieu où elle lui avait offert. Ce n’est pas le seul présent qu’elle lui ait fait mais il avait eu l’impression de frôler quelque chose, d’avoir été transporté le plus loin que l’on puisse l’être. Ralentissant, le battement de mon cœur le ramenait là où tout avait commencé, à cet endroit d’où elle l’avait propulsé. Comme si elle avait possédé le droit de vie ou de mort. Il était revenu à la vie, cette vie paisible qui n’est qu’un répit que l’on voudrait abréger pour retourner là-bas, au-delà du plus loin que l’on puisse concevoir. 
C'est avec hésitation que j'ai utilisé ce mot orgasme. Il a ce côté technique,  performance, magazine féminin qui éloigne la poésie, le sentiment. J'aurais pu utiliser jouissance mais c'est un mot qui déborde et dégouline, qui expose son impudeur. 

lundi 1 octobre 2012

A autre chose (6)

Ils se parlaient peu. Peut-être la peur de perdre leur temps, de faire croire que c'était presque. Ils n'avaient que l'envie de suggérer. L'appréhension de se laisser emporter par les mots, d'en dire trop, de brusquer, d'égratigner leur pudeur figeaient leurs lèvres. La fragilité des sentiments. Il aimait la regarder, s'imprégner de son visage quand elle dormait. Souvent lorsqu'ils voyageaient en voiture pour de longs trajets vers les vacances, elle finissait par s'endormir. Quand il s'en apercevait, il ralentissait pour pouvoir la regarder. Parfois il s'arrêtait sur le bas côté. Elle était à l'abandon. Il avait envie de la caresser, de s'immiscer entre ses lèvres entrouvertes. Il la prenait en photo sous tous les angles. Il n'en gardait jamais aucune, les effaçait après les avoir regardées. C'était comme si il avait volé ce qui ne lui appartenait pas, ce qui ne serait jamais à lui.   Elle rêvait. Il se demande ce que deviennent les rêves que l'on a oubliés au réveil.
  Avec le temps, c'était comme si il avait oublié que chaque fois pouvait être la dernière. 

Le matin avance. Il finira par disparaître. Il ne parvient pas à se lever. Comme pour quitter cet endroit, s'offrir un répit, il fixe les nuages pour y découvrir des formes, d'autres paysages. Il discerne souvent les contours d'animaux fantastiques, surgissant d'une mythologie inconnue. Ils finissent par se déformer, puis disparaissent. Pris par la peur de ne plus rien voir, d'être contraint de reprendre le cours de ses pensées, il cherche une nouvelle forme, l'esquisse d'une création brumeuse qu'il laissera son imagination compléter.
Ses yeux changent d’angle et se retrouvent dans cette pièce. Au fond, dans un coin, une chaise. Il sourit. Ce n’est pas une chaise, mais la chaise, qu'il préférait au lit. Ou plutôt, leur chaise, qui se balançait au gré de leur passion. Cette envie avait germé alors qu’il regardait « L’ange bleu ». Lola-Lola qui enfourchait une chaise, qui fascinait le professeur. Il prenait souvent place le premier. Elle le regardait. Son regard, qu’il absorbait, plongeait comme le premier signe d’une possession. Elle s’avançait et décidait. Il en était toujours ainsi. Il se laissait aller, se livrait, s’offrait. Il avait déjà remarqué qu’en faisant l’amour avec d’autres femmes, il lui arrivait de penser à autre chose, de s‘évader. Parfois, lorsque son esprit réintégrait son corps c’était pour constater que tout était fini. Mais avec elle il ne quittait jamais les lieux. Le simple fait qu’elle puisse le voir tel qu’il était, était pour lui une source de plaisir. Par petites touches elle lui avait appris à se laisser aller, à abandonner en sa présence toute pudeur. Il était devenu fier d’exposer sans retenue son corps, de laisser s’exprimer sa virilité. Quand elle le regardait il se sentait beau, désirable. Elle était la seule à lui avoir procuré cette sensation de légèreté, de liberté.