mardi 23 octobre 2012

A autre chose (17)

Il a toujours eu, et ce dès son plus jeune âge, ce fantasme de l’amour courtois se nourrissant de poèmes, de regards qui frôlent l’être aimé, de pensées secrètes. Sorte de lévitation qui mène à cette frustration faite de douleur et de renoncement.  C’est en ce sens que ce premier amour fut peut-être le plus parfait, du moins de son point de vue. Il ne sait pas comment a pris fin ce premier amour. Un déménagement, une lassitude, un désintérêt unilatéral, l’usure du quotidien…Si l’on exclut les ruptures brutales qui sont liées à un évènement conjoncturel, la fin d’un amour est aussi mystérieuse que le début. Nous nous levons le matin et c’est en croisant l’autre, terme un peu brutal, dans le couloir qui relie la chambre à la salle de bain que nous aurions la révélation. Nous ne l’aimerions plus.  C’est pourtant un matin comme beaucoup d’autres. Nous l’aimions hier soir en éteignant la lumière et ce matin, c’est fini. Notre amour aurait profité de la nuit pour s’enfuir, pour aller ailleurs. Avec le soleil qui se lève, nous n’aimerions plus personne. Nous ne le désirerions plus. Nous ne lui trouverions plus aucun charme. Nous irions jusqu’à nous demander comment nous avons pu l’autoriser à nous toucher. Mais nous sommes allés jusqu’à la salle de bain l’air de rien. Nous avons refermé la porte. Nous nous sommes assis sur le tabouret près du lavabo. Tout en regardant goutter le robinet nous n’avons pensé à rien, sidérés que nous sommes. L’amour serait un tas de sable. Nous irions je ne sais où, au loin, là-bas, hors de vue, chercher grain par grain de quoi le faire grandir. Et puis, peut-être fatigué, inattentif nous laisserions le vent éroder notre construction. Bien sûr que non, ce n'est pas ça. Les mots ne sont jamais que des synonymes. Nous nous obstinons à choisir des mots. Nous parvenons parfois presque à le décrire.  Je ne parviens pas à concevoir que d'un amour il ne puisse rien rester si ce n'est des souvenirs. L'amour se fige dans les souvenirs.

« Et puis, je ne sais pas. Marlène a disparu. Peut-être ai-je tenté de la garder en moi malgré son absence. Le temps a joué son rôle de pierre ponce. Son visage s’est estompé pour finir par disparaître. Je ne lui ai jamais parlé. Je ne l’ai jamais touchée. Je n’ai pas le souvenir de l’avoir approchée. Elle n’a pourtant jamais été un simple souvenir. Je ne pense pas tous les jours à Marlène mais son prénom est une boîte qui est toujours presque vide. Je crois que c’est avec elle qu’est née mon ambition d’être poète. A défaut de savoir écrire, mon esprit l’était. Sans être capable de l’identifier, je savais qu’il y avait quelque chose au fond de moi qu’un jour il faudrait que j’aille chercher. »

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