vendredi 28 janvier 2011

Encore elle

Le matin était de sortie. J’étais encore dans mon sommeil. Une mouche passait et repassait devant mes yeux. Une mouche de bonne taille qui volait sans bruit. Elle semblait hésiter à se poser. Je ne bougeais pas, dissimulant l’intérêt que je lui portais. Sur la table étaient disposées les denrées du petit déjeuner. Pots confiture, échantillons de ces mêmes confitures qui, faute d’avoir pu atteindre la tartine, s’étaient écrasés sur la nappe. Un pot de miel que j’hésitais à ouvrir. Je me fondais dans cet ensemble comme un élément d’une nature morte dont, je l’espérais, ferait bientôt partie l’insecte. Pendant ce temps mon thé refroidissait. Comme vous le savez, autant nous ne sommes jamais pressés le soir, autant le matin, chaque activité est minutée. Je n’avais plus beaucoup de temps à consacrer à la mouche sauf à grignoter le temps consacré à plonger le sec dans le mouillé. Et, allez savoir pourquoi, ma vigilance de prédateur fut détournée de son objet par une information émanant de la radio.
Pendant que la mouche cherchait encore un point de chute, notre ministre des affaires qui lui sont étrangères déclarait que la situation en Egypte réclamait un peu plus de démocratie. Si sa connaissance de la situation en Egypte était de la même qualité que celle concernant la société tunisienne, je mettais en doute sa capacité à émettre le moindre jugement pertinent. Mais surtout "un peu plus de démocratie". Quel peut être le sens de cette phrase si jamais elle en possède un. Un peu plus de démocratie comme elle dirait un peu plus de sucre comme si il suffisait d'un peu plus de démocratie pour que la dictature de Moubarak soit moins amère. Un peu plus de démocratie. Les égyptiens seraient certainement contents de se savoir qu'il bénéficiaient déjà d'un peu de démocratie. Comme nous avons les pays en voie de développement, nous avons maintenant les pays un peu démocratiques. Mme Alliot-Marie venait sûrement de découvrir la dictature démocratique.

mardi 18 janvier 2011

Barreau

Nous n’avons pas bien mesuré le degré d’exaspération du peuple tunisien. Ainsi s'est justifiée Mme Alliot Marie. Voici un peuple qui vivait sous une dictature depuis des décennies, qui subissait la rapacité, la violence, le mépris de la belle-famille du dictateur, la répression, l'arbitraire du pouvoir, qui vivait dans la peur, la frustration et peut-être la haine des gouvernants étrangers qui se déplaçaient pour louer la fibre sociale du dictateur, pour le féliciter de ses efforts de démocratisation qui allaient dans le bon sens, qui distribuaient les éloges à ce chantre de l'émancipation de la femme. C'est ce peuple là qui a continué à manifester malgré la répression, malgré les morts et Mme Alliot n'a pas été en capacité de mesurer quoi déjà? Ah oui, le degré d'exaspération. Mme Alliot-Marie a-t-elle un thermomètre qui permet de mesurer le degré d'exaspération des peuples? Et pour effectuer la mesure où place-t-elle ce thermomètre?
Mme Alliot-Marie ne semble pas comprendre qu'un peuple n'est pas une entité abstraite ou un concept juridique à l'encontre de qui la violence d'un Etat serait justifiée, acceptable dès l'instant où elle serait jugée proportionnée et pourquoi pas raisonnable. Mme Alliot-Marie ignore-t-elle que la répression n'a pas besoin de tuer pour faire souffrir? Mme Alliot-Marie est-elle capable de faire preuve de compassion, pense-t-elle qu'elle ferait preuve d'ingérence si elle s'associait à la douleur d'un peuple, de femmes et d'hommes qui ont relevé la tête pour reconquérir leur liberté, leur dignité?

lundi 17 janvier 2011

d'anévrisme



En ce qui concerne la ministre des affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie (1), qui avait proposé à la Tunisie le savoir-faire de la France pour "régler les situations sécuritaires", M. Guaino a déclaré : "Je crois qu'elle l'a fait sans mauvaise intention du tout, à partir d'une analyse qui était la sienne." Quant à savoir si elle doit présenter des excuses, "vous lui poserez la question", a-t-il dit.

Je n'ai rien à ajouter si ce n'est que dans cet entretien du jour M. Guaino a admis qu'"il y ait pu avoir des maladresses ou des incompréhensions", de la part de la France face à la crise en Tunisie.

(1) "Il y avait des tirs à balles réelles, des morts. Pour que de telles situations ne se reproduisent pas dans l'avenir, j'ai donc dit que nous étions prêts à aider à former les forces de l'ordre tunisiennes, comme nous le faisons pour d'autres pays, au maintien de l'ordre en veillant à la préservation des vies"

Rupture



En 1991, François Mitterrand en visite à Tunis, déclare : "La Tunisie est un pays accueillant et les Français qui aiment venir en Tunisie pour leurs vacances auraient bien tort de s'écarter de ce chemin. C'est un pays où l'on peut vivre dans des conditions de confort et d'agrément très grandes."

En 1995, c'est le président Chirac qui rend hommage à Ben Ali, affirmant qu'il a engagé son pays "sur la voie de la modernisation, de la démocratie et de la paix sociale en ouvrant le Parlement aux représentants de divers courants d'opinion" et loue son "audace économique et sociale".

En 2008, Nicolas Sarkozy confie "Certains sont bien sévères avec la Tunisie, qui développe sur bien des points l'ouverture et la tolérance, l'espace des libertés progresse".

On remarquera que sur la photo, Ben Ali tient fermement les doigts de notre président.

mardi 11 janvier 2011

La femme de trente ans

Voici le dernier discours en date qui m'a été demandé par une mère pour l'anniversaire de sa fille. Peu d'humour mais de l'amour. A hu et amour. Comme un fleuve charriant les sentiments de toute une vie. Ouverture du barrage et attention aux larmes de fond.


Tendre Aurélie, si tu me permets de t’appeler Aurélie, nous sommes là aujourd’hui pour fêter ton anniversaire. C’est un rappel pour ceux qui se demandent pourquoi on les a amenés ici. Tu es née il y a de ça plusieurs années, un 4 janvier. Si il fallait être plus précis, je pourrais l’être puisque j’étais présente. Toi aussi Aurélie tu étais là mais je crois savoir que tes souvenirs sont plus flous mais pour une fois, tu n’étais pas en retard. Te laisser rejoindre le monde en ce 4 janvier fut mon premier cri de mère. Un cri de peur de te voir ainsi déjà t’éloigner un peu mais surtout un cri d’amour pour toi, pour ce monde avec qui j’acceptais de te partager. Oui, je sais, je n’avais pas le choix. Je donnais vie à cet amour que j’avais si longtemps gardé en moi. Comme pour fêter la féminité de cette naissance, quelques mois plus tard de cette même année, une vague de couleur rose submergea la France. Ceci pour donner un indice.
C’est comme si je te connaissais depuis toujours. Je n’ai pourtant appris à te connaître qu’au long des jours. Chaque jour est un nouveau livre qui me parle de toi. Je laisse le temps sécher l’encre de chaque lettre, de chaque mot, de chaque phrase, de chaque page. J’en relis certaines, d’autres sont à jamais imprimées dans ma mémoire mais, même si j’en avais le pouvoir, je n’ai pas envie de changer ne serait-ce qu’un mot même si je dois t’avouer que j’ai parfois eu la tentation d’utiliser une gomme. En feuilletant ces livres je rencontre des pages froissées, d’autres qui ont été arrachées et puis remises, certaines sont traversées par des ratures. Ce sont les pages de ta vie, traversées par d’autres vies. Des pages couvertes de mots écrits à l’encre des sentiments, des épreuves, des doutes, des espoirs.
Ne sachant pas trop comment faire, je me suis dans un premier temps dit que j’allais tout simplement raconter ta vie. Le début, le milieu et la fin...provisoire. Mais j’ai dû me rendre à l’évidence que trois minutes seraient pour moi trop courtes et qu’une heure serait pour vous trop...long. C’est pourquoi j’ai décidé d’ouvrir les livres et de lire les pages choisies par le hasard de ma mémoire.

Chapitre 1 capillaire
Mamie, Barbie, mise en plis

Marquant une page de ton enfance, souple et soyeux, un cheveu de ton arrière grand-mère brille. Il représente cette chevelure que tu aimais coiffer. C’était la rencontre de deux extrémités du temps qui se terminait par un amas de cheveux que tu appelais un chignon. Avec ta mamie, vous ignoriez le temps, vous le laissiez s’écouler pour qu’il vous rapproche. Comme si elle en avait enfin terminé avec sa vie d’adulte, elle jouait avec toi à la poupée Barbie.
J’ai toujours eu cette impression que tu jouais avec le temps, que tu en jouais, que tu te jouais de lui.

Chapitre 2 Amour

Architecture, lecture, murs
A force d’être chez toi, tu as souhaité être chez vous, mais le chemin est long. Un jour, comme sur l’écran de ta vie, dans le studio est arrivé Serge mais ce n’était pas du cinéma. Il est pourtant devenu ton héros, comme si à la loterie de la vie tu avais coché le nombre d’or. Comme un héros romantique à la Balzac, Serge en te découvrant a cueilli le lys dans la vallée. A l’étroit à trois, après un passage à St Cyr l’Ecole occasionné par l’apparition de Stan, vous avez fait l’acquisition de votre nid où peut s’épanouir votre amour.

Chapitre 3

Cheminée, adoré, bébé
Vous étiez deux. Mais allez savoir pourquoi, une fois deux, très rapidement on ne pense plus qu’à être trois. Pour vous multiplier, vous n’avez plus fait qu’un. Et c’est ainsi, qu’entouré d’un ruban bleu et d’affection, est arrivé ce chérubin Stanislas, présent du 25 décembre. Contrairement à ces jouets que l’on casse, de Stanislas jamais on ne se lasse. Depuis que Stanislas fait partie de notre famille, le mercredi est pour moi, sa jeune mamie, devenu un jour que j’attends toujours avec impatience. Le jour du petit fils et de la mamie, un jour d’amour, de bonheur, de joie, de sourire, de bras qui serrent fort, de regards complices, un de ces jours que l’on voudrait sans fin. Aurélie et Serge, je vous remercie pour ces mercredis. Vivement la semaine des quatre mercredis

Chapitre 4 Aurélie, ma fille,

Pour ce chapitre, je n’ai pas choisi de mot. Quand je prononce ton prénom, je suis heureuse. J’ai le souvenir des histoires que le soir je te lisais. Je t’offrais ces mots qui allaient t’accompagner vers le sommeil. Mes baisers sur ta joue étaient l’épilogue des contes et légendes. J’allais sortir de ta chambre quand, une fois, deux fois, trois fois tu me demandais de relire cet épilogue. Nous le connaissions par cœur mais nous le révisions sans cesse avec ce plaisir dont nous ne pouvions ni ne voulions nous passer. Même si les mots ne sont qu’une pâle traduction de mes sentiments, je veux que tu saches que ma vie ne serait rien sans toi, que tu éclaires chacun de mes jours qui se lèvent. Je suis heureuse et fière d’être ta maman, heureuse d’avoir la chance d’avoir une fille telle que toi.

Ta vie est aujourd’hui un pas de trois. Tu ne marches plus sur la pointe mais d’un pas assuré. Tu as dessiné les perspectives de ta vie. Le bonheur n’est plus à l’horizon, il est dans tes mains, dans ton cœur, dans ton regard. Il me rapproche de toi.

Même si je te préfère proche, tu vas partir en voyage au soleil et pour que tu puisses choisir l’endroit où ce soleil t’accueillera, chacun pourra déposer sa rayonnante enveloppe dans le coffret prévu à cet effet.

samedi 8 janvier 2011

Que veux-je?

C'est la question qu'un soir je me suis posé. J'étais affalé dans le canapé et je regardais la télé, un état et une action qui sont indissociables. Pourquoi me suis-je demandé ce que je voulais?
Sur l'écran est apparu le directeur du FMI. Il pénétrait dans un couloir qui le menait vers une réunion. Son aspect général donnait l'impression que, trente secondes auparavant, il sautait sa collaboratrice avant que sa secrétaire ne l'interrompe pour le rappeler à ses obligations professionnelles. Les pants d'un manteau lui battaient les flancs. Tout en lui semblait dire "Regardez comme je suis cool. On ne dirait pas que je suis directeur du FMI, hein?" Un sourire de proximité accompagnait une démarche guimauve sensée dans son esprit symboliser l'assurance décontractée au service de l'économie mondiale. Je m'attendais à ce qu'il balance aux journalistes "Salut les mecs, ça baigne?".
Allez savoir pourquoi, mais si l'occasion se présentait, plutôt que lui, je ne voterais pas pour lui.

jeudi 6 janvier 2011

Ce dont j'ai envie

Allez savoir pourquoi, j'aime ne pas satisfaire mes envies. En écrivant cette phrase, j'ai tout de suite identifié la confusion qu'elle pourrait engendrer. Mes envies regroupent tout ce dont je n'ai pas besoin. Cela peut se traduire par la traversée d'un centre commercial dont je ressors sans avoir rien acheté. Reste à déterminer ce dont je n'ai pas besoin.

mercredi 5 janvier 2011

La mémoire qui...

J’ai des souvenirs qui n’existent pas. A l'occasion des fêtes, j'ai voulu me souvenir des Noël de mon enfance. Le sapin, les jouets, le père Noël, le papier cadeaux, les chocolats, les déceptions. Au début, je me suis dit qu'ils étaient certainement rangés quelque part. J'ai cherché mais j'ai dû me résigner. Je n'ai rien retrouvé. Tout avait disparu comme si ma mémoire n'avait pas jugé utile de garder ces souvenirs. C'est peut-être un moment de bruits et de fureur, une sorte de gloubi-boulga de sentiments, d'images, de lumières et de sons. Face à cette confusion, la mémoire renonce.