mardi 11 janvier 2011

La femme de trente ans

Voici le dernier discours en date qui m'a été demandé par une mère pour l'anniversaire de sa fille. Peu d'humour mais de l'amour. A hu et amour. Comme un fleuve charriant les sentiments de toute une vie. Ouverture du barrage et attention aux larmes de fond.


Tendre Aurélie, si tu me permets de t’appeler Aurélie, nous sommes là aujourd’hui pour fêter ton anniversaire. C’est un rappel pour ceux qui se demandent pourquoi on les a amenés ici. Tu es née il y a de ça plusieurs années, un 4 janvier. Si il fallait être plus précis, je pourrais l’être puisque j’étais présente. Toi aussi Aurélie tu étais là mais je crois savoir que tes souvenirs sont plus flous mais pour une fois, tu n’étais pas en retard. Te laisser rejoindre le monde en ce 4 janvier fut mon premier cri de mère. Un cri de peur de te voir ainsi déjà t’éloigner un peu mais surtout un cri d’amour pour toi, pour ce monde avec qui j’acceptais de te partager. Oui, je sais, je n’avais pas le choix. Je donnais vie à cet amour que j’avais si longtemps gardé en moi. Comme pour fêter la féminité de cette naissance, quelques mois plus tard de cette même année, une vague de couleur rose submergea la France. Ceci pour donner un indice.
C’est comme si je te connaissais depuis toujours. Je n’ai pourtant appris à te connaître qu’au long des jours. Chaque jour est un nouveau livre qui me parle de toi. Je laisse le temps sécher l’encre de chaque lettre, de chaque mot, de chaque phrase, de chaque page. J’en relis certaines, d’autres sont à jamais imprimées dans ma mémoire mais, même si j’en avais le pouvoir, je n’ai pas envie de changer ne serait-ce qu’un mot même si je dois t’avouer que j’ai parfois eu la tentation d’utiliser une gomme. En feuilletant ces livres je rencontre des pages froissées, d’autres qui ont été arrachées et puis remises, certaines sont traversées par des ratures. Ce sont les pages de ta vie, traversées par d’autres vies. Des pages couvertes de mots écrits à l’encre des sentiments, des épreuves, des doutes, des espoirs.
Ne sachant pas trop comment faire, je me suis dans un premier temps dit que j’allais tout simplement raconter ta vie. Le début, le milieu et la fin...provisoire. Mais j’ai dû me rendre à l’évidence que trois minutes seraient pour moi trop courtes et qu’une heure serait pour vous trop...long. C’est pourquoi j’ai décidé d’ouvrir les livres et de lire les pages choisies par le hasard de ma mémoire.

Chapitre 1 capillaire
Mamie, Barbie, mise en plis

Marquant une page de ton enfance, souple et soyeux, un cheveu de ton arrière grand-mère brille. Il représente cette chevelure que tu aimais coiffer. C’était la rencontre de deux extrémités du temps qui se terminait par un amas de cheveux que tu appelais un chignon. Avec ta mamie, vous ignoriez le temps, vous le laissiez s’écouler pour qu’il vous rapproche. Comme si elle en avait enfin terminé avec sa vie d’adulte, elle jouait avec toi à la poupée Barbie.
J’ai toujours eu cette impression que tu jouais avec le temps, que tu en jouais, que tu te jouais de lui.

Chapitre 2 Amour

Architecture, lecture, murs
A force d’être chez toi, tu as souhaité être chez vous, mais le chemin est long. Un jour, comme sur l’écran de ta vie, dans le studio est arrivé Serge mais ce n’était pas du cinéma. Il est pourtant devenu ton héros, comme si à la loterie de la vie tu avais coché le nombre d’or. Comme un héros romantique à la Balzac, Serge en te découvrant a cueilli le lys dans la vallée. A l’étroit à trois, après un passage à St Cyr l’Ecole occasionné par l’apparition de Stan, vous avez fait l’acquisition de votre nid où peut s’épanouir votre amour.

Chapitre 3

Cheminée, adoré, bébé
Vous étiez deux. Mais allez savoir pourquoi, une fois deux, très rapidement on ne pense plus qu’à être trois. Pour vous multiplier, vous n’avez plus fait qu’un. Et c’est ainsi, qu’entouré d’un ruban bleu et d’affection, est arrivé ce chérubin Stanislas, présent du 25 décembre. Contrairement à ces jouets que l’on casse, de Stanislas jamais on ne se lasse. Depuis que Stanislas fait partie de notre famille, le mercredi est pour moi, sa jeune mamie, devenu un jour que j’attends toujours avec impatience. Le jour du petit fils et de la mamie, un jour d’amour, de bonheur, de joie, de sourire, de bras qui serrent fort, de regards complices, un de ces jours que l’on voudrait sans fin. Aurélie et Serge, je vous remercie pour ces mercredis. Vivement la semaine des quatre mercredis

Chapitre 4 Aurélie, ma fille,

Pour ce chapitre, je n’ai pas choisi de mot. Quand je prononce ton prénom, je suis heureuse. J’ai le souvenir des histoires que le soir je te lisais. Je t’offrais ces mots qui allaient t’accompagner vers le sommeil. Mes baisers sur ta joue étaient l’épilogue des contes et légendes. J’allais sortir de ta chambre quand, une fois, deux fois, trois fois tu me demandais de relire cet épilogue. Nous le connaissions par cœur mais nous le révisions sans cesse avec ce plaisir dont nous ne pouvions ni ne voulions nous passer. Même si les mots ne sont qu’une pâle traduction de mes sentiments, je veux que tu saches que ma vie ne serait rien sans toi, que tu éclaires chacun de mes jours qui se lèvent. Je suis heureuse et fière d’être ta maman, heureuse d’avoir la chance d’avoir une fille telle que toi.

Ta vie est aujourd’hui un pas de trois. Tu ne marches plus sur la pointe mais d’un pas assuré. Tu as dessiné les perspectives de ta vie. Le bonheur n’est plus à l’horizon, il est dans tes mains, dans ton cœur, dans ton regard. Il me rapproche de toi.

Même si je te préfère proche, tu vas partir en voyage au soleil et pour que tu puisses choisir l’endroit où ce soleil t’accueillera, chacun pourra déposer sa rayonnante enveloppe dans le coffret prévu à cet effet.

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