jeudi 28 février 2013

Pas de fumée (2)

Un ami de Magritte relate cette anecdote dans un livre de souvenirs.
"Comme tous les hommes, Magritte aimait sa femme. Elle s'appelait Georgette. Comme tous les hommes, Magritte aimait sa femme mais... Comme certains hommes, il lui arrivait de ne pas résister. Je ne sais pourquoi, je lui avait un jour fais remarquer que pinceau et pénis avait la même racine étymologique. Même s'il n'avait pas une vie mondaine très développée, il lui arrivait de participer à des vernissages, des conférences et il fit partie de plusieurs mouvements artistiques dont certains membres avaient un bon coup de pinceau. C'est ainsi qu'il fit ce que l'on appelle pudiquement des rencontres. Il ne pouvait, après coup s'empêcher de m'en parler. Sa confidence commençait toujours par "Tu sais, l'autre jour..." Il avait conscience, me disait-il, que ces aventures n'avaient rien avoir avec son physique ou un quelconque charme naturel. Le récit était toujours succinct. Aune exception près. Cette fois là, il me demanda de passer à son atelier.
"Tu sais, l'autre jour..." Je l'interrompis pour lui faire remarquer que si c'était pour ça qu'il m'avait demandé de venir, il me faisait perdre mon temps. J'étais prêt à partir, quelque peu contrarié, mais il me pria instamment de rester car cette fois ci c'était différent."    

mardi 26 février 2013

Pas de fumée (1)

Lorsque je me promène dans un musée, il m'arrive de me poser des questions. La plupart du temps je n'en cherche pas la réponse notamment parce qu'elle ne m'intéresse pas ou que j'oublie la question qui correspond. Pour dire toute la vérité, je laisse souvent la paresse intellectuelle prendre le pas sur ma curiosité. Il y a pourtant une question qui ne s'est jamais découragée. Bien que laissée sans réponse pendant très longtemps, elle a fait preuve d'abnégation en venant sans cesse perturber mon apathie neuronale. C'est une question simple et légitime que chacun se pose un jour ou l'autre devant certaines œuvres d'art. Elle peut prendre cette forme : comment l'idée de réaliser cette œuvre est-elle venue à l'artiste? Cette question n'est pas forcément pertinente mais elle fait émerger le mystère de la création, elle traduit la croyance en un monde inconnu, inaccessible.  
Bien que certaines réponses ne soient pas à la hauteur des questions qui les ont faites naître, elles arrivent parfois à nous surprendre. Il en est ainsi à propos du tableau de René Magritte intitulé "Ceci n'est pas une pipe".

vendredi 15 février 2013

Pour changer

Un matin. Je m'étais extrait du lit, de sa chaleur. J'abandonnais les oublis du sommeil, les plis laissés par mes rêves. Remettant à plus tard mes habitudes, je suis allé dehors. Il faisait jour. J'ai laissé ma peau me parler. Je ne bougeais plus et j'écoutais. Le vent glissait sur mon visage et m'aidait à en identifier chaque partie. Je goûtais la caresse sur mes lèvres. Pour ressentir, je fermai les yeux. Mon esprit parcourait les rides de mon front, passait d'une paupière à l'autre, rebondissait sur mes cils, prenait de la vitesse sur l'arête de mon nez, s'envolait et atterrissait sur une joue après avoir survolé mes oreilles. Tout cela et quelques autres choses formaient mon visage que j'offrais aux regards. Je me demandais quelle pouvait être l'intimité d'un menton exposé ainsi à la vue de tous. Que voyait-on à la vue de ce visage. Les questions se sont évaporées avec la chaleur du soleil. Je me suis appuyé contre le mur et j'ai attendu.

jeudi 14 février 2013

A quoi bon

Le temps s'incruste dans mon passé. Le temps se dépose en faisant des plis comme un drap sale dont les taches et les traces révèlent une vie passée. Quand je me retourne pour l'arpenter je me prends parfois les pieds dans ces plis. Je perd l'équilibre. Les anciens jours se chevauchent. Je me souviens de cette vie qui les a quittés. Si je fouille parmi eux, la poussière traverse la lumière. Il m'arrive d'être à genoux pour être plus près, pour redécouvrir des détails, des odeurs, des étreintes, des murmures, des larmes. Le temps retombe. Je ne sais pas ce que j'y cherchais. Croire peut-être que j'étais ce temps, que j'en faisais partie. Je suis un morceau de temps. Comme si j'en étais le maître, je vis parfois à contre temps. Et puis je le laisse filer et m'emporter.

mercredi 13 février 2013

Chronique du matin (où as-tu mis mon slip?)

Il me semble que l'aspect vestimentaire du matin n'a pas encore été abordé. Plus précisément, le choix des vêtements que je serai amené à porter tout au long de la journée. La plupart du temps, je choisis mes vêtements dans l'obscurité. En règle générale, nous sommes deux dans le lit. Je suis le premier à me lever et de ce fait il reste quelqu'un dans le lit. Comme je ne souhaite pas agresser avec la lumière celle qui dort, je n'allume pas. Étant incapable de m'en occuper la veille, c'est à tâtons que je cherche ce que je vais porter. C'est dans la lumière du couloir que je découvre le résultat de ma quête qui ne me donne pas toujours satisfaction. Ce qui souvent pose problème est la couleur. Pour les sous-vêtements, seuls mes intimes pourraient détecter une faute de goût. Je me demande si l'harmonie des couleurs s'impose à l'invisible. Parfois le pantalon et la chemise ne sont pas les bons. Si j'ai le temps, je retourne dans le noir de la chambre et je tente à nouveau ma chance. Il m'arrive de perdre également au deuxième tirage. Alors pourquoi ne pas tout simplement préparer tout cela bien gentiment le soir avant de me coucher. Je serais tenté de dire que je ne sais pas. Procrastination? Ou peut-être que préparer demain c'est déjà y être. C'est surtout que j'ai en tête l'image de mon père qui chaque soir se couchait rassuré en voyant sur sa chaise placée près du lit ses affaires du lendemain que sa femme, de surcroît ma mère, lui avait préparé. Le tout bien plié.

mercredi 6 février 2013

Chronique du matin

Ce matin, sous la douche, l'envie de penser à mon corps m'est revenue. J'étais en train de me savonner. Ma main, le savon lové en son creux, glissait de ci delà, passait par les pleins et les déliés selon un parcours prédéfini. Contrairement à l'habitude, mes yeux étaient fermés ce qui n'était pas une prise de risque dans la mesure ou les yeux ouverts ou fermés je trouve aisément l'organe que je souhaite laver. Cette tournure de phrase pourrait laisser penser que je ne me lave pas en totalité. C'est exact. Par exemple, je ne me lave jamais le dos. Il est d'une part pour partie inaccessible et d'autre part je l'utilise très peu dans la journée. Il y a d'autres parties qui n'ont pas  le plaisir de bénéficier de mes caresses savonneuses mais je les passerai sous silence, sauf si vous insistez. Donc les yeux fermés, je sentais glisser la mousse le long. Le long d'un peu tout. La mousse passait du dos aux fesses. C'est à ce moment que j'y ai repensé. Je les ai contractées et d'un doigt j'ai vérifié que le creux sur le côté était toujours présent. J'ai deviné le sourire sur mes lèvres. Je ne sais pas si j'ai été rassuré mais je me suis souvenu de ce que m'avait dit ma dulcinée à savoir que les femmes regardent les fesses des hommes, ce qui a été une révélation. Le doigt passant d'un creux à l'autre, je me suis demandé en quelles circonstances, à quels moments les fesses deviennent-elles un cul?  

mardi 5 février 2013

Que reste-t-il?

En deux jours j'ai assisté à trois ruptures amoureuses. Avec plus ou moins de discrétion, elles ont eu lieu dans des endroits éloignés de l'intimité. Dans une rue, sur un pont et dans un bus. Trois ruptures hétérosexuelles. Comme me l'a fort judicieusement fait remarqué ma fille à qui je relatais les scènes, ce n'était peut-être pas des ruptures définitives et ce n'était peut-être que des relations vécues sur le mode orageux.
Quand celui que l'on aime encore nous quitte, qu'emporte-t-il avec lui? Il arrache ce qui nous reliait à lui. C'est pour cela que nous tombons à genoux, sans comprendre. Dans le bus, lui seul parlait. Elle le regardait. Ses yeux lui disaient qu'elle ne comprenait, lui demandaient un sourire, qu'il se penche vers elle et l'embrasse. Quand il n'est plus là, que reste-t-il de nous? On sera à jamais incapable d'en aimer un autre. Elle attendait qu'il la prenne dans ses bras et qu'il lui murmure. Elle voulait être encore heureuse avec lui.

Chronique du matin

Parfois, ou plus souvent que je ne le pense, la pensée fait des bonds. Elle passe d'un sujet à l'autre sans crier gare, sujets  dont on a parfois du mal à déterminer le point commun si tant est qu'on le cherche. L'autre jouir jour, je m'apprêtais à quitter le bureau quand je me suis mis à penser à ce à quoi je pense rarement. En quelques secondes, je me suis retrouvé dans ma salle de bain, ceci parce que je me suis dit que je pensais sûrement plus à ce que je voyais qu'à ce que je ne voyais pas. Dit comme ça, ça  peut paraître embrouillé mais un exemple va éclairer le sujet.
Le plus souvent, je ne vois qu'une face de mon corps et plutôt tel quel quand je suis dans la salle de bain. C'est la face verso qui comprend le visage, le torse, le ventre, le pendentif, les jambes et les pieds. A l'exception du visage, je peux voir les cinq autres éléments soit directement avec mes yeux soit avec le relai d'une glace. Je ne vais pas vous dire que mon temps de pensée est équitablement répartie entre chaque partie de mon verso. Certaines stimulent davantage mes neurones. En revanche, mon recto demeure un territoire qui m'est encore relativement inconnu, dont je dresse les contours par palpations. J'ai rarement l'occasion de le croiser, alors il ne fréquente pas souvent mes pensées. Pour tout vous dire, je ne pense jamais à mon crâne, à ma nuque, à mon dos, à mes cuisses ni à mes mollets. Ce sont mes fesses qui retiennent toute mon attention même si je les touche plus que je ne les regarde. Mais je ne prends aucun plaisir, du moins me semble-t-il, à me caresser le galbe. Pour le dire autrement, le verso se désintéresse de ce qui se passe dans la région du recto, à une exception près, lorsque ce ne sont pas mes mains.       

lundi 4 février 2013

Plastique

Il est la quintessence. J'en suis certain, mais je ne sais pas de quoi. Même s'il a des atouts, il n'est pas le meilleur footballeur de la planète. Même s'il n'est pas dénué d'atouts, il n'est pas le plus bel homme que la Terre ait porté (ce ne sont pas les propos d'un jaloux). Même s'il possède des atouts, il n'est pas l'homme le plus riche du monde. Même si il possède une bonne paire d'atouts, il n'est pas le seul à avoir troussé la bonne. Même s'il peut afficher des atouts, il n'est pas l'homme le plus intelligent en activité.
Il serait la quintessence d'aujourd'hui. Il n'est plus rien de précis mais sait le faire savoir. Il ne fait rien mais trois chaînes d'informations ont retransmis en direct sa conférence de presse, ce qui m'a permis d'admirer sa coupe de cheveux et son regard ténébreux.
Il y a certainement beaucoup d'autres choses à dire mais l'envie m'a quitté.