mardi 25 août 2015

Fin de journée

Écrasé entre la terre et le ciel. Comme un virus l'abandon se répand. Tu m’apparais dans les éclairs. Soubresauts d'une colère qui nous arrache. L'envie, l'envie profonde, l'envie caressante et fraîche, cette envie qui rôde, l'envie qu'à nouveau... La vie semble parfois si lourde. Je me fais l'effet d'un suricate en train de gratter la surface de ma vie à la recherche de souvenirs pour nourrir mes jours. Souvenirs à dévorer. Souvenirs qui me dévorent.

lundi 24 août 2015

Feutre

Le temps nous éloigne. J'ai le souvenir de cet amour. Cela me paraît pourtant si lointain. Comme de la poussière dans le vent. Dans un scintillement, il traverse la lumière. J'entends ces notes. Elles étaient si appliquées. Incertains, je revois tes doigts effleurant le blanc et le noir. Une découverte inachevée. La vie n'a pas pris le temps d'hésiter.

samedi 22 août 2015

C'est possible

La journée était terminée. Elle était en train de se terminer. La gare était dans mon dos. Le dernier train n'allait pas tarder. C'est le moment où tout est dernier. J'attendais de repartir. Je regardais comme ça, sans penser à rien. Ce qui se passait me suffisait. Et puis une jeune fille a déclenché ma caméra du souvenir. C'est son allure générale qui m'a fait supposer que c'était une jeune fille. Elle marchait sur le trottoir. Elle allait certainement quelque part. Elle semblait pressée ou peut-être décidée. Moi qui ne sais jamais trop, j'ai tendance à être fasciné par les personnes qui donnent toujours cette impression de savoir où ils vont dans la vie. Elle faisait partie de cette catégorie. Elle avançait d'un pas décidé. Son bras gauche formait un angle droit dans le creux duquel se balançaient les deux anses d'un sac de bonne taille. Dans la main du même bras se lovait un portable qu'un fil souple reliait aux oreilles qui se dissimulaient dans une chevelure ondulant dans le mouvement. Le tout donnait une impression d'urgence. Elle n'avait pas une seconde à perdre, à donner à ce qui n'était pas son monde, à ce qui n'était pas immédiat. Sa vie était maintenant, dans les quelques secondes à venir. Et puis, elle est arrivée à un carrefour. Le petit bonhomme était rouge. Elle s'est arrêtée et a attendu qu'il devienne vert. De la voir ainsi immobile, ne serait-ce que quelques secondes, m'a fait un bien immense. J'étais comme soulagé, enveloppé d'un souffle de sérénité. C'était reposant de constater qu'elle pouvait parfois prendre le temps d'attendre.

mercredi 19 août 2015

Ma vie au burlingue, c'est dingue.

Après toutes ces années je viens de me rendre compte que je ne connais pas les personnes avec qui je travaille. Cette remarque peut paraître bien naïve.
L'autre matin, un collègue, que nous appellerons Robert pour préserver son anonymat, se présente dans le bureau que j'occupe, dans lequel j'accomplis avec plus ou moins d'intensité un certain nombre de tâches. Cela faisait quelques jours que j'étais revenu de vacances mais j'en portais encore les stigmates, notamment sur le visage. Bien que cela aille bien à mon teint, je n'aime pas revenir bronzé des vacances. Cela permet de s'épargner des remarques convenues qui me fatiguent. Donc, Robert, avec qui j'échange épisodiquement des "bonjour comment ça va" et dont mutuellement nous n'avons que faire de la réponse, me lance "Dis donc, t'es bronzé. T'as mis une chemise blanche. T'es malin. C'est pour attirer les femmes." Sur le moment j'ai eu envie de lui répondre qu'au moins à l'évidence j'attirais la connerie mais allez savoir pourquoi, je me suis abstenu. Et là, je ne sais pas ce qui m'a pris, probablement histoire d'être convivial et avenant je commence à lui raconter ma vie. Je lui dis qu'en prenant le bus j'ai l'impression d'être le seul qui soit parti en vacances car aucun des autres passagers n'est bronzé. Ce à quoi, petit sourire entendu, il me répond qu'il y a des bronzés mais qu'eux ne veulent pas repartir, qu'ils s'incrustent parce que chez nous il y a toujours des allocs à gratter. Comme il semblait vouloir "faire" dans la modération et le respect, je me lève, fais le tour du bureau et je lui mets un coup de boule et je reprends place. C'est du moins ce que j'ai eu envie de faire. Je suis simplement resté silencieux. Il a attendu quelques secondes et il est parti. Avant qu'il ne passe la porte je lui ai demandé de faire attention au soleil.

lundi 10 août 2015

A bicyclette (2 et non bleue)





Je fais amende honorable. Dans cette vidéo je porte un jugement quelque peu définitif sur la bourgade d'Orio. Comme souvent, j'ai parlé trop vite. Orio est divisée en deux, une partie vieille ville, que j'ai découverte le lendemain, tout à fait typique et une partie balnéaire de facture récente qui ressemble à la grande Motte mais sans la Motte ou peut-être serait-il plus judicieux de parler de petite Motte.
Cette fois-ci, sans faute, la suite et fin demain.

Pince-moi

Ce soir là je suis rentré tard. C'était déjà demain. Je revenais d'ailleurs où j'avais rencontré l'envers du décor. Ce n'était pas la première fois mais à chacune de ces fois je décelais dans certains regards la conscience. Cette conscience qui provoque le désespoir, qui l'espace d'un voile s'enfonce dans le cœur. Ce soir là je retrouvai ma demeure sans avoir tout oublié. La faim s'imposa comme une transition. Mon choix se porta sur des lentilles. Agrémentées de sauce tomate j'en fis un plat qu'il ne me serait pas venu à l'esprit d'échanger. Tout en les portant à ma bouche je regardai bêtement l'écran. Dehors la nuit brillait dans un coin. J'ai fini par monter. Expression à  tiroirs. J'ai ouvert la porte de la chambre qui se trouve au bout du couloir. Dans l'angle le plus éloigné une lumière offrait un éclat contenu, abandonnant le reste de la pièce à l'oubli. Je me suis approché du lit et de l'incertitude. Dans l'enchevêtrement des étendues froissées, je vis l'origine du monde. Devais-je en être étonné? Comme déposée dans le sommeil. Je ne sais pourquoi, je fermai les yeux. Je perçus un frôlement. Ouvrant à nouveau les yeux, comme dans un vide lointain, m'apparut la face cachée. Tout à ma perturbation, je posai mes petites fesses sur le lit qui, certainement aussi ému que moi, s'affaissa sans regret. Sortant d'une émergente douceur, l'origine du monde me chuchota " C'est le pied".

jeudi 6 août 2015

A bicyclette (1)



Il s’agit d’une première série de vidéos qui s’intègre dans un ambitieux projet qui a pour objectif de proposer des informations sur les parcours vélo que j'effectue ici et là. Réalisé sans préparation, c'est encore quelque peu hésitant, imprécis. Dans la première vidéo, le bruit peut faire penser à des avions qui décollent mais ce ne sont que des automobiles qui passent. Avec les lunettes je ressemble à une grosse mouche mais  une mouche qui pédale. La suite demain.

mercredi 5 août 2015

Dur comme



J'allais écrire "Dans notre vie" mais réflexion faite, je vais m'en tenir à la mienne. Ma vie est composée de constantes. Des constantes de toute nature. Des plus communément partagées aux plus intimes et que l'on imagine personnelles. Je ne vais pas cette fois-ci entrer dans les détails tout en me concentrant sur un détail. J'utilise ce mot avec prudence. Ce détail est un verbe. Le verbe faire. Cela fait longtemps que je veux écrire à son sujet et allez savoir pourquoi j’ai toujours repoussé à plus tard. Alors pourquoi maintenant et pas plutôt plus tard ? De fait, le vase était plein. Dès ma plus tendre enfance, a-t-elle été si tendre, ma vie a été traversée par le verbe faire et ce qui gravite autour. A titre d'exemple : mais qu'est-ce que tu fais, est-ce que tu l'as fais, tu comptes le faire quand, qu'est-ce qu'on va faire de toi, t'as pas mieux à faire, c'est pas moi qui vais le faire, t'as pas fini de faire l'andouille, fais attention et tant d'autres. Pour certains de nos contemporains, faire est un idéal de vie. Faire c'est vivre et inversement. Nous en connaissons tous. Pour ce qui me concerne, j'ai un collègue de bureau qui fait partout et tout le temps. Il ne part pas en vacances, il ne visite pas, il ne se promène pas, il ne mange pas mais il a fait l'Espagne, il a fait l'Italie, il a fait le musée du Louvre, il a fait l'exposition Picasso, il a fait les Alpes à pieds, il a fait la traversée du Quercy, il s'est fait un couscous, il a fait un gueuleton. Et il veut toujours savoir ce que tu as fait pour pouvoir te dire "Moi aussi je l'ai fait." Ainsi, l'autre matin, découvrant ma bouille bronzée, il en conclut finement que je reviens de vacances. Je vous épargne tous les poncifs préliminaires pour en venir, enfin, aux faits. Il me demande où je suis allé. Je lui donne l'information et là c'est un festival de est-ce que t'as fait ci, est-ce que t'as fait ça? A chaque fois je lui réponds non et je sens bien qu'il a envie de me dire "Mais qu'est-ce que t'as foutu?" Je lui réponds même s'il ne m'a pas posé la question la question.
"Tu sais Robert, je préserve son anonymat, si je pars en vacances c'est pour ne rien faire. Je ne fais pas de visite, je ne fais pas de musée, je ne fais pas de découverte, tout ce qui est typique m'emmerde, je ne fais pas connaissance avec l'autochtone, je ne fais aucun effort, je ne m'intéresse à rien. Je vais même te dire, je ne fais tellement rien que je n'ai aucun souvenir de vacances, c'est à peine si je me souviens où je suis allé. Et quand je te dis rien, c'est que je n'ai vraiment rien fait. Et pourtant y avait à faire. Rien que sur la plage que je voyais de ma chambre, il y avait des centaines de nanas avec autant de chattes offertes entre des cuisses écartées et le double de nibards qui s'étalaient impudiques et luisants. Et bien aussi incroyable que ça puisse paraître, je ne m'en suis pas fait une seule. Je vais te dire, ça ne me faisait même pas bander. Je ne me suis même pas fait une petite branlette. Il faut que tu saches qu'en règle générale, dans la vie je ne fais rien et que je ne fais rien de ma vie. Alors évite de me faire chier avec tes questions".
Il est sorti du bureau sans un mot.
 

lundi 3 août 2015

De Marseille



J’ai le souvenir d’avoir longuement couru ce matin-là. J’avais laissé au jour à peine le temps de se pointer et j’étais sorti. Un peu plus tôt, je m’étais extirpé de mon lit avec difficulté. Poser les deux pieds sur le parquet nécessitait à chaque fois la mobilisation des restes éparpillés d’une volonté qui depuis déjà longtemps chancelait. Après avoir revêtu les attributs du coureur à pied et bu quelques verres d'eau, j'ai entamé les premières foulées sur le bitume. Le ciel était cru. Le soleil rayait encore faiblement le bleu. Dans toute sa perspective, la rue était vide. Les oiseaux interrompaient le silence. Et le temps passa. Peut-être l'esprit ailleurs, je constatai que j'avais couru deux heures. De la tête aux pieds les gouttes s'écoulaient et finirent par former une flaque sur le carrelage. Je n'allais pas tarder à avoir froid. Mais pourquoi avoir couru si longtemps alors qu'une heure aurait largement suffi? Gardant short et maillot, je me retrouvai sous la douche. J'allais laver textile et corps. Avant d'esquisser le moindre geste, je profitai du plaisir de l'eau chaude. Pour qui pratique un sport, chacun sait que la douche est le meilleur moment de l'effort. Je pris le temps de savonner assez longuement maillot et short qui s'imprégnaient de la douceur des bulles dont certaines entamaient une descente qui les mènerait à mes pieds. Est-ce une sensation particulière, je me lançais par surprise dans une séance de pleine conscience. Avec lenteur, je prenais conscience de la mousse. Je le sentais, elle était vivante. Les yeux fermés, je m'imprégnais de sa progression. Elle rendait le temps glissant. Elle se mouvait comme une caresse progressive. Chaque partie de mon corps se laissait aller à sa possession. Ma conscience l'y encourageait. La chaleur de l'eau continuait de se propager. J'étais pleinement là, entier avec cette sensation de déborder de l'espace. Mon corps se fondait dans l'épaisseur. Mon esprit semblait me regarder comme s'il avait lui aussi l'envie d'être savonné. Comme si elles n'étaient que de passage et qu'elles souhaitaient découvrir, mes mains semblèrent sortir de l'engourdissement. N'ayant jamais été aussi près de ce que je cherchais, ma conscience vint à mon aide pour prolonger l'immobilité. Je parvins à l'équilibre qui permet de disposer de soi, d'échapper à l'entrave du quotidien. N'ayant pourtant décelé aucun mouvement, je sentis ce que j'identifiai comme des doigts me parcourir le torse, glisser sur mon ventre. La douceur de ma peau s'incrustait, se prolongeait. Ils se déplacèrent jusqu'à mes épaules, se rassemblèrent jusqu'à former une ondulation apaisante. Emportés par la pente, ils se répandirent dans un massage dorsale. J'avais l'impression de fondre, d'être un liquide suspendu par la seule volonté d'un sculpteur magnétique. Mes mains le long du corps ne bougeaient toujours pas. Je n'avais plus qu'un désir. Que ces doigts, peu m'importait à qui ils appartenaient, continuent leur progression.    
Ailleurs une porte s'ouvrit et ploc fit la bulle.