jeudi 30 janvier 2014

Skippy

Les sujets abordés lors de conversations à bâton rompu peuvent paraître incongrus si on les rapproche du lieu où ils ont été débattus. C'est ainsi que l'autre jour, je ne sais par l'enchaînement de quelle association d'idées, un collègue, s'étant introduit dans notre bureau, ( nous sommes trois, deux femmes et un homme) en vint à parler de lingerie. D'un tempérament moqueur, il affirma que j'étais plutôt du genre à mettre des slips, de surcroît kangourou. A cette occasion, j'ai passé en revue ce qu'avaient été mes pratiques en matière de sous-vêtements. Comme beaucoup j'ai commencé par la couche. Ensuite, pendant de nombreuses années, j'ai enfilé le slip. Pour être plus précis, pendant les premières années, je fus aidé par ma mère qui était en quelque sorte mon assistante enfilage. Il faut croire que cette action ne nous est pas naturelle. Si slip il y avait, il n'a jamais été kangourou. D'une part parce que je ne connais personne qui un jour ait utilisé la poche et d'autre part en raison du fait que cet accessoire vestimentaire était utilisé par mon père, à qui je n'ai jamais posé de question à propos de l'utilisation de la dite poche. Quand je traversais le jardin les jours de lessive, je pouvais voir sécher les slips de mon père. Ils me semblaient tellement impressionnant que je me disais que quoi que je fasse je ne parviendrais jamais à en remplir un de cette taille. J'ai dû en garder un complexe qui explique pourquoi je ne suis jamais passé par la case kangourou. Passées l'adolescence et les turpitudes qui s'y rattachent, je suis passé au caleçon. Ce passage a été bref. L'amplitude du balancement était à mon goût trop importante et nuisait au confort de l'ensemble. Après quelques expériences extrêmes, j'ai adopté le boxer qui allie dynamisme, modernité, affirmation du contenu et confort. Si je sais qu'un jour je repasserai par l'étape couche, il est hors de question qu'il en soit de même pour le slip, quand bien même je ne serai plus en mesure d'enfiler quoi que ce soit. 

mardi 28 janvier 2014

Au pied

 Ce matin, à l’issue de quelques secondes de réflexion, j’ai décidé de changer de chaussettes. Je n’ai jamais fait mien le principe selon lequel il faut chaque jour changer de chaussettes même si j’éprouve toujours beaucoup de plaisir à enfiler une chaussette propre. Pour ce faire je me suis dirigé vers le tiroir à chaussettes que j’ai ouvert. A chaque fois l’émotion m’étreint. L’univers de la chaussette est cruel. L’orpheline, parfois roulée en boule, y côtoie la trouée qui sait que plus aucun orteil ne viendra agrandir son trou. Et puis, être chaussette est une fonction ingrate. Confinée et sous pression dans une atmosphère humide en un lieu où les effluves s'incrustent, la chaussette est rejetée sans ménagement le soir venu. Par un pied négligent et ingrat, elle est parfois repoussée sous le lit où elle finit par être cernée par les moutons. J'ai regardé toute ces chaussettes tapie dans l'ombre. Quelle paire allais-je choisir? Compassion, solidarité, culpabilité, allez savoir pour quelle raison, j'ai choisi des chaussettes dépareillées. La prochaine fois, je vous parle de mes slips.     

jeudi 23 janvier 2014

Si près

T'ai-je regardé une dernière fois
Avant que je ne devine le froid
Ai-je entendu ton dernier mot
Avant d'être emporté par le flot 
Ai-je senti ton dernier souffle

Ai-je vécu cette dernière seconde
Avant que l'ombre ne gronde
Comment aurais-je su que c'était toi
Que le temps deviendrait un poids
Comment savoir qu'il ne serait plus temps
Que ton sourire se perdrait dans le fracas du vent
Que nous allions nous perdre de vie
Que tout s'arrêterait dans ce bruit
Tout a commencé une nuit sur un trottoir
Cette nuit qui me fit croire
Rien ne serait plus fort que cette nuit
Que traversa ton premier cri
Il me suffisait de te regarder
Aucun doute tu étais née
Dans mon dos le hall était éclairé
J'étais porté vers l'agitation de la ville
Vers le mouvement qui vibrait comme un fil
Enfin j'étais heureux d'être au monde, d'être moi
J'offrais aux autres le sourire de mon émoi
Comme pour prolonger l'instant, le temps attendait
Je ne vivais pas plus loin que toi qui étais si près
 

Près de chez moi

Ce matin, je me suis levé. Il en va ainsi chaque matin. C'est le côté inéluctable de l'habitude. Sans que cela soit formulé, si ce matin je me suis levé, c'était dans la perspective d'aller travailler. Après l'enchaînement des gestes habituels, sorte de "fractalité" du quotidien, je me suis retrouvé dans l'arrêt de bus. Cette expression "se retrouver dans l'arrêt du bus" m'évoque un je ne sais quoi sans que je sois capable de le formuler. Je suis donc monté dans le bus, puis j'ai pris le métro. Jusqu'à ce moment rien n'annonçait une éventuelle rupture de cette routine matinale. Comme chaque matin, il était implicitement prévu que je descende à la station "avenue de Caen". La rame s'est arrêté. Les portes se sont ouvertes. Il ne me restait plus qu'à descendre. Je dois avouer que j'ai hésité mais je n'ai pas bougé. J'ai regardé les portes se refermer. A l'instant où la rame a repris sa marche en avant, je me suis senti libre. J'ai laissé défiler les stations. Une voix m'a indiqué que j'étais arrivé au terminus. Autrement dit, en bout de ligne. Je l'ai reprise dans l'autre sens. Est-ce ce que l'on appelle le bon sens?

mardi 21 janvier 2014

Le jour

Le matin sur la route
Le bleu s'illumine
Le fracas de l'absence

samedi 18 janvier 2014

Rasoir

                                           Avant les poils c'était bien. Aujourd'hui c'est pubien.



Instant

Au-delà de la fenêtre
La clarté hésite
Une larme du jour

dimanche 12 janvier 2014

Amarres

Il faut que je te laisse
mais rien ne presse
Encore une caresse
Faut-il que cela cesse
J'écoute English rose
Les gouttes se posent
Et glissent sur la vitre
L'écume s'accroche
Aux vagues sans titre
Comme une encoche
Le vent efface l'horizon
Le temps avait raison
Il a eu raison de nous
Nous avons été fous
Fous de croire à l'amour
Cette puissance futile
Retrouvons nous à l'asile



vendredi 10 janvier 2014

Préhystérique

Pour lui en mettre plein la bouche
Je me suis glissé dans sa couche

Entre ses lèvres rutilantes et avides

Vite je m’immisce mais pas trop rapide

Comme un foutu lascar à Lascaux

Qui trace la tribu des taureaux

A petits pas je m’enfonce dans la grotte

Je tourne autour et je frôle la glotte

Déjà à l’étroit je sens les parois
Irai-je plus loin que la dernière fois ?

A la découpe

 Le matin d’un amour morcelé
Poupée découpée sur le sol gelé
Émerge de ma rage tes membres épars
Pourquoi petite étais-tu sur le départ ?
Encore une fois tu allais t’enfuir nulle part
Alors que nous étions bien quelque part
Tu ne pourras plus me prendre dans tes bras
Même pour moi tu ne feras plus le grand écart
Les larmes ont disparu de ton regard vide
Maintenant et pour toujours tu seras frigide
Maintenant et pour toujours tu ne pourras plus courir
Maintenant et pour toujours seul de nous deux je vais jouir