mardi 9 octobre 2012

A autre chose (11)


 "J'attends. Les écouteurs du lecteur sur les oreilles, les sons de l'extérieur me parviennent avec moins d'intensité. Certains se perdent en route. D'habitude je suis le seul à attendre à cette heure là. Ma vie de tous les jours est faite d'habitudes. Je ne sais pas combien de temps il faut pour qu'une façon de faire devienne une habitude. Chacune d'elles me fait peur, comme si elle me faisaient vieillir plus vite, comme si elles décidaient à ma place. J'ai l'impression de vivre plus quand je modifie des éléments de ma vie quotidienne. Changer d'itinéraire pour aller travailler, ne pas toujours prendre le même bus, rompre avec le cérémonial du matin. Des riens qui me rendent plus léger. Je ne l'entends pas arriver. Elle me regarde. Aucun étonnement sur son visage. Elle me sourit. Je lis sur ses lèvres qu'elle me dit bonjour. Comme s'il était curieux qu'une femme m'adresse la parole, les oreilles envahies par une mélodie de SFO, je bredouille un truc du genre "Merjour". J'espère qu'elle n'a rien entendu. Elle prend place sur le banc de métal qui se trouve dans le coin de l'abri et consulte son portable. Elle ne me regarde plus. J'ai quitté son esprit. Je ne sais pas pourquoi cela semble avoir de l'importance."

" Ce dont je suis sûr, c’est que ce ne fut pas un coup de foudre. Même au loin, je n’aurais pas pu distinguer le moindre nuage noir annonciateur d’un orage. J’étais à l’abri, le cœur surmonté d’un paratonnerre. Mais l’on ne peut se prémunir de tout si ce n’est en arrêtant de vivre. Je ne sais pas à quel moment je suis passé de l’indifférence à un commencement d’intérêt. De nombreuses femmes avaient éveillé mon intérêt, l’espace d’une seconde, le temps de les croiser, de les apercevoir, d’imaginer je ne sais quoi. Si, je sais ce que j’imaginais. C’était de l’instantané, du furtif, comme un fantasme précoce que je ne prenais pas la peine de formuler. C’était un peu comme dans les restaurants chinois, dans mon cerveau reptilien à un numéro correspondait un fantasme. Je n’avais pas le temps d’en voir les premières images que déjà il disparaissait. Des chiffres me faisaient bander mais le reflux était rapide "


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