« Le jour où nous nous sommes
rencontrés pour la première fois, je crois que nous ne nous sommes pas vu. Je
n’ai plus qu’un vague souvenir de cette rencontre. Nous étions trop nombreux.
Les visages défilaient. Les regards allaient dans tous les sens, sans rien
retenir. Comme un tableau dont l’auteur aurait omis les détails, les caractères
pour ne rendre qu’une sorte de désordre, d’agitation qui n’aurait pas permis à
la curiosité de se satisfaire. Une bande-annonce qui n’aurait pas donné envie
d’aller voir le film. Et puis le calme est revenu. J’ai beau creuser,
feuilleter l’album de cette journée, elle n’y figure pas. Ensuite, c’est plutôt
vague. Nous avons bien fini par nous retrouver l’un en face de l’autre, au
moins pour nous permettre de se faire une idée. »
Ses doigts quittent le clavier. Ce n'est pas ce qu'il voulait écrire. Il efface. Les mots quittent l'écran. Place nette. Il se souvient avoir vu des manuscrits d'écrivains. Chaque page contenait des ratures. Des traits horizontaux pour les mots ou les lignes, des traits diagonaux pour les paragraphes. Parfois des phrases qui n'allaient pas jusqu'au point. Mais quelque soit le sort qui leur était réservé, rayés, raturés, les mots demeuraient et pouvaient être lus. Ainsi pouvaient-ils garder l'espoir d'être choisis un peu plus tard, plus loin et pourquoi pas dans un autre livre. Même abandonnés, les mots restaient ceux de l'écrivain.
Il reprit.
Ses doigts quittent le clavier. Ce n'est pas ce qu'il voulait écrire. Il efface. Les mots quittent l'écran. Place nette. Il se souvient avoir vu des manuscrits d'écrivains. Chaque page contenait des ratures. Des traits horizontaux pour les mots ou les lignes, des traits diagonaux pour les paragraphes. Parfois des phrases qui n'allaient pas jusqu'au point. Mais quelque soit le sort qui leur était réservé, rayés, raturés, les mots demeuraient et pouvaient être lus. Ainsi pouvaient-ils garder l'espoir d'être choisis un peu plus tard, plus loin et pourquoi pas dans un autre livre. Même abandonnés, les mots restaient ceux de l'écrivain.
Il reprit.
"Comme
souvent, ce matin là j'attendais le bus. J'étais seul dans l'abri. J'ai à de
nombreuses reprises constaté qu'en ce lieu je ne suis à l'abri de rien, ni des
intempéries ni des autres. Aux premières heures du jour, je n'aime pas les
autres, tous ces inconnus qui pour quelques secondes ou quelques minutes
traversent ma vie, entrent dans mon champ de vision, viennent perturber mon
odorat, parlent de tout et de rien. Par tous les moyens, je m'isole. J'entre
dans mes pensées, j'abandonne mon corps qui devient autonome, libre de réagir
comme bon lui semble dès l'instant où il me laisse en paix. C'est du moins ce à quoi j'aimerais parvenir. Il y a toujours des trous dans la défense."
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