lundi 15 octobre 2012

A autre chose (13)

« Avec elle, les choses ont pris leur temps. Au début, ce fut purement sexuel. Ce ne fut que purement sexuel. Pour tout dire, j’ai commencé par curiosité, sans arrière pensée. Une aventure qui était à peine le reflet du présent et qui allait se terminer dans un bruit de porte. Et sans que je sache pourquoi, même aujourd’hui, j’ai continué. Comme si la première fois fut déjà une habitude. Même si elle n’était pas contre, je n’ai pas le souvenir qu’elle ait fait quoi que ce soit pour que cet épisode pilote devienne un feuilleton fleuve. Sans en avoir conscience, j’étais dès le premier jour sous perfusion. Elle entrait en moi goutte après goutte. Elle se mêlait à mon sang, gonflait mes veines. Pendant de longs mois, je n’ai rien ressenti de particulier. Pas de sensation de chaleur. J’étais comme ces fumeurs qui se targuent de pouvoir arrêter quand ils veulent ».

Il regarde ces quelques lignes sur fond blanc sans oser les relire. Il sait qu’il ne parviendra pas à raconter cette histoire. Dans une histoire d’amour, les mots sont de trop.
« Dans ma vie, j’ai souvent été presque. Presque heureux, presque amoureux, presque intelligent, presque beau, presque élégant. Presque est un mot curieux. C’est un cocktail composé d’absurde, de désespoir, de lassitude et de dérision. Il donne pourtant l’impression d’être vide de sens, d’être inutile. Une sorte de miroir mesquin qui ferait ressortir les rides et les boutons. Alors il n’y avait pas de raison qu’avec elle il en aille différemment. Cette relation était presque quelque chose. »

Comme souvent, il exagère. Probablement. Il a depuis longtemps ce mot en réserve. Il lui trouve une certaine beauté. "Presque" pourrait effectivement être le résumé d'une vie mais pas de la sienne. Il en a extrait l'incertitude, l'imperfection. Presque lui donne envie de vivre demain. Presque est une frustration qui le fait vibrer, qui le maintient dans la création.

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