mardi 1 mars 2016

Pure bonté

Pas plus tard que ce midi, j'étais dans Rouen. Entre deux trucs, je traînassais, je me baguenaudais sans trop savoir. Malgré le ciel plombé, je me sentais léger, l'esprit dégagé comme un ciel d'été. Je vivais un de ces moments de grâce pendant lesquels rien ne peut vous altérer alors que vous vous désaltérez avec une bière. Je regardais les passants présents passer. Je n'étais qu’empathie, sollicitude, altruisme. Sans toucher le sol, je me suis dirigé vers le métro, station Palais de justice. Alors que je descendais la première volée de marches, que vis-je sur la plateforme intermédiaire? Une femme. Une vieille femme. Plutôt une très vieille femme. Elle tenait deux cannes dont l'une dans la main droite. Deux cannes qui lui permettaient d'éviter la position horizontale. A petits pas mesurés, elle se dirigeait vers la deuxième partie de la descente. A l'évidence il y avait péril. Pour qu'elle n'ait pas la sensation d'être plus vieille qu'elle n'était, je ne lui ai pas proposé de l'aider. Après l'avoir à peine croisée, je suis descendu jusqu'au quai. Et là, plutôt que monter dans la rame dont la porte s'ouvrait devant moi, j'ai attendu. J'étais curieux de savoir si cette vieille femme parviendrait sans encombres jusqu'au quai. C'est alors qu'elle apparaît en haut des dernières marches qu'elle descend une à une. Au milieu des adolescents qui dévalent, elle paraît vivre dans un autre espace temps. Comme un Matrix inversé. Elle peine mais je me retiens une nouvelle fois de lui offrir mon bras. Je la trouve pourtant si attendrissante. A quelques mètres, elle attend. J'en profite pour l'observer. Malgré la fierté qui transparaît, elle est un peu voûtée. Comme si elle avait renoncé à quelque chose. Je m'approche. Elle tourne la tête. Dans ces yeux, je discerne la détresse, cette détresse que l'on voudrait être un point final. Elle me regarde et découvre que je l'ai comprise. Le grondement du métro nous parvient. Alors qu'il aborde le quai, je me place derrière la vieille et je la pousse sur les rails.
Je crois que personne ne m'a vu. 

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