jeudi 15 novembre 2012

A autre chose (20)

Notre vie est parsemée de premières fois dont parfois nous croyons nous souvenir. Les unes plus marquantes que les autres. Sans que l’on sache vraiment pourquoi, pour ce qui le concerne, sur sa frise du temps, il tient absolument à mettre un point qui signifie « Ce jour là, pour la première fois j’ai vu quelque chose qui m’a fait bander. » Peut-être que s’il pouvait, il mettrait une photo. Sa vie est un tel fouillis que des repères comme celui-ci donnent un semblant de cohérence. Quand on y réfléchi, pourquoi serait-on fier de cette manifestation physique qui échappe totalement à la volonté, à telle enseigne que parfois elle nous embarrasse.
Comme je sais qu’il n’osera pas, je vais prendre pied dans son intimité. Non que j’ai pu être le témoin de quoi que ce soit, mais j’ai la sensation de le connaître, d’avoir creusé avec lui, de l’avoir aidé à consolider la galerie qui passe sous le terrain vague. Je crois que, au moins au début, j’avais le même désir que lui de trouver quelque chose, de découvrir ce je ne sais quoi qui rendrait heureux. Je parle de son intimité mais je ne sais pas de quel droit. Je le connais, dis-je. Jusqu'où? Quelle est la limite à ne pas dépasser? Comment s'approcher de celui que l'on aime sans le blesser, sans le piétiner, sans lui faire peur. Je ne sais même pas si je peux m'approcher. Pour m'approcher de la vérité, je ne le connais pas. Bien sûr, je sais qu'il est comme ça, qu'il aime ceci et d'autres choses encore, qu'il peut, quand il s'en donne la peine, avoir de l'humour. Je pourrais aligner ce que je sais de lui le long de lignes, durant d'entiers paragraphes et pourquoi pas de chapitres. Peut-être découvrirais-je ce que je croyais ignorer. Je marcherai sur un sol de poussière vers la porte qui se trouve au fond du couloir. Je serai ce personnage qui n'atteint rien comme dans cette scène d'un film fait de lenteur et d'incompréhension dans lequel la caméra nous laisse deviner au loin une silhouette qui tremble dans la lumière du jour et que l'on suppose être celle du héros qui n'en finit pas de s'approcher de nous sans que l'on en soit certain, comme cette phrase qui n'en finit pas, dont le sens s'éffiloche à l'approche du point. 

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