dimanche 24 avril 2016

Etre l'autre, dieu merci (2)

Ne voulant pas choisir, j'ai laissé la kippa sous le hijab. Je savais que cela pouvait être mal interprété mais j'ai pris le risque. D'une certaine façon, le hijab prenait la kippa sous son bonnet. Pour autant, à défaut de kippa il me fallait trouver un autre signe distinctif. Compte tenu de ma situation capillaire, j'ai renoncé aux papillotes. J'ai songé à me lamenter au pied d'un mur. Pour garder une certaine cohérence, un relative unité, j'ai choisi un mur dans la rue aux Juifs. Je me suis rendu compte assez rapidement que se lamenter n'était pas inné. Il faut adopter un rythme régulier. Ainsi, le balancement du haut du corps permet d'être en harmonie avec le débit verbal. Il faut aussi prendre la mesure du balancement, ce qui évite de se frapper la tête contre le mur. Mais, malgré toute ma bonne volonté, à force de me lamenter j'ai fini par ronchonner de ne pas savoir mon texte. Je dois confesser que j'ai fait preuve d'amateurisme. Il me fallait trouver une autre manifestation qui me permettrait d'être l'autre.
Alors que je marchais dans la rue, me prit ce que l'on appelle pudiquement une envie pressante. Ayant pris conscience du caractère sacré des murs, je suis entré dans un café dans lequel j'ai commandé un café. Comme je n'aime pas demander où se trouvent les toilettes, j'ai d'abord cherché une indication qui aurait pu me permettre de les localiser. Je préfère prendre possession de cet endroit en toute discrétion. J'ai dû me résoudre à demander. A mon plus grand soulagement, le lieu n'était pas occupé. Debout, les jambes écartées, j'officiais sans réserve. J'aime le son du bouillonnement. Tout à mon affaire, observant la scène les yeux baissés, une idée a jailli qui m'a fait penser que je tenais la solution. 

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