mardi 31 juillet 2007

Robert et moi (9)



Comme indiqué précédemment, il quitte la turbulence des 45 tours, plaisir rapide et éphémère, pour rejoindre les 33. Si les petites laissent le droit à l'erreur, les grosses galettes demandent du temps. Toutes méritent le respect dû à la persévérance sans pour autant être les pépites qu'il posera sur sa platine. Avare de concessions, il fait pourtant parfois siennes les critiques de la presse spécialisée qui manie la dithyrambe et découvre le groupe du siècle toutes les semaines. Au fil du temps, il s'en remet de plus en plus souvent à son propre jugement.


Le rythme de son index se fait plus lent. Il se donne le temps. Le vinyle, objet de sa curiosité, est extrait du bac par sa main gauche à l'aide de laquelle il procède, d'un geste vif du poignet, à un examen rapide recto-verso. Comme doué d'un sixième sens, en quelques secondes il fait son choix. Soit le disque retourne d'où il vient, soit il fait partie des élus ayant droit à une investigation plus poussée. La première sélection terminée, il regroupe ses choix et les examine. Pour la plupart, les groupes qui éveillent son intérêt, ne font pas dans la dentelle et adoptent le style direct, ce qui se retrouve sur leur pochette. Quoi qu'il en soit, par habitude, il manie ces dernières avec soin. De sa manche il efface les empreintes que d'autres ont laissées. Après avoir détaillé la photo du groupe, comme si il s'était établi entre eux et lui un dialogue des regards, il retourne la pochette. A chaque fois, son geste est emprunt d'une hésitation car il sait qu'il va pénétrer dans l'intimité du groupe. Mais rapidement, l'excitation, toute intérieure, a raison de sa pudeur. Il lit les titres des chansons, le nom des musiciens, de l'ingénieur du son, du studio d'enregistrement même si l'on a parfois l'impression qu'il a eu lieu dans la cuisine de la mère d'un des musiciens (je sais. pourquoi pas celle du père?). Pour terminer, il accomplit ce rituel qui consiste à faire glisser hors de sa pochette le disque qui vient se lover entre le pouce et l'index formant un angle droit. Il assure sa prise en posant son majeur contre l'ouverture centrale. En exposant ainsi le vinyle à la lumière, il est en mesure de détecter une éventuelle rayure. Il aime faire briller l'objet de son désir.

Après quelques propos sybillins avec le vendeur, il emporte les perles que son diamant caressera.

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