vendredi 27 juillet 2007

Robert et moi (8)



Comme je vous l'indiquais lors de l'épisode n°7, je vais vous raconter la visite d'une connaissance chez le disquaire afin de vous faire apprécier les charmes de la pochette de disque.
Donc voilà mon copain qui entre chez le disquaire. Nous sommes en pleine vague punk. Autant vous dire qu'à cette époque, Led Zeppelin à été victime de cette autre révolution culturelle et se retrouve cantonné en bout de bac. Il, mon copain, passe la porte. Pour tout vous dire, son statut de copain va évoluer au fil du temps. Quand je dis copain, que l'on me comprenne bien, nous restons dans le domaine de la respectueuse virilité.
Imaginez-vous à la place du disquaire. Vous voyez entrer un jeune homme qui serait la synthèse entre David Bowie et Mike Ronson. Sa chevelure blonde est un rappel des années 60. Son blouson préserve une chemise à l'élégance discrète. La boucle de sa ceinture absorbe la lumière d'un spot et souligne un pantalon aux jambes droites et étroites, moulant mais qui ne permettrait pas à une jeune fille de deviner ses sentiments à son égard, pantalon qui pour partie recouvre des botines au bout carré. Il gratifie l'officiant des lieux d'un frémissement des lèvres qui traduit son contentement. Il ne semble pas concerné par l'agitation de passage qui accompagne des porteurs de l'épingle à nourrice ostentatoire.
Il se dirige vers le bac des 45 tours. C'est un temps de l'urgence musicale, de l'éructation, du vomissement culturel, l'instant est la référence. La perle est peut-être incrustée dans l'une de ces petites galettes dont les pochettes ne sont parfois qu'un morceau de papier blanc plié en deux. Il faut aller vite car si il y a foison, la moisson est souvent maigre. Pour certains groupes, ce sont réellement des morceaux de musique où les notes seraient les éléments d'un kit assemblé sans le mode d'emploi. Mon copain est face au bac. Il pose ses mains de part et d'autre, les jambes écartées pour assurer stabilité et efficacité. On pourrait le croire devant un flipper, autre engin qu'il maîtrise à la perfection. Il espère l'extra-ball. C'est à ce moment là que l'index devient l'instrument de son plaisir. Il le pose sur la tranche des pochettes et les fait défiler avec dextérité. Son regard se pose, en moyenne, un quart de seconde sur chaque disque, ce qui lui permet de lire le nom du groupe et le titre du morceau. Quand nom et titre stimulent une zone de son cerveau, qui nous est encore aujourd'hui inconnue, l'index et le pouce de sa main gauche saisissent la pochette et l'extraient du bac sans que l'index droit ne ralentisse le défilement. Lorsque le dernier 45 tours sort de son champ de vision, ses bras retombent le long de son corps qui semble se relâcher. Il ferme les yeux comme pour retenir les derniers frissons. Quelques minutes lui sont alors nécessaires pour qu'il sente à nouveau le désir monter en lui.
Une rotation d'un quart de tour et il est face aux 33 tours et leur pochettes. A suivre...

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