samedi 21 mars 2009

Moi émois (8)

Ce premier mot, dont j'allais encore longtemps ignorer le sens, avait envahi ma bouche. Je le répétais sans cesse, prolongeant le i avec un plaisir évident que soulignait un sourire. Cette précocité se révéla embarrassante. Premier petit-enfant de la famille, j'étais l'objet de toutes les attentions, de la grand-mère au grand-oncle. Chacun se demandait d'où venait ce mot. Mon grand-père paternel disait que cela lui rappelait quelque chose mais sans parvenir à mettre le doigt dessus. Ma mère contestait le fait que ce soit un mot. Elle parlait d'éructation, de borborygmes. Mon père souriait. Le jour où j'ai compris ce qui donnait naissance à ce mot, je n'étais plus en mesure de l'entendre.

Si mon père fût mon premier adversaire sexuel, je dois avouer que sa vie dans ce domaine m'est, en dehors de la routine conjugale,toujours restée un mystère. Je n'ai jamais discuté de cul avec lui. Il n'était pas adepte de la gaudriole. Rares sont les fils qui parle sexe avec avec leur père. Autant les mères prennent en main l'éducation sexuelle de leur fille et accessoirement de leur fils, autant les pères restent muets sur le sujet. Ce qui, comme l'un de mes amis médecin, ne les empêche pas d'avoir des principes, parfois même des règles strictes qu'ils veulent voir appliquer par leur progéniture. Soit l'information passe par la transmission de pensées ou, ce qui est pratiquement toujours le cas, l'épouse sert de courroie de transmission. Pour ce qui me concerne, je me suis fait tout seul, d'abord à la force du poignet.

Le corps du livre "Mon père, le sexe et moi" est constitué de feuilles blanches agrémentées de renvois en bas de pages. Une certaine pudeur a fait office de censure. Mon père était avant tout un père avant d'être un homme. Cette dimension charnelle n'apparaissait qu'en pointillés, de façon détourné comme nous le verrons par la suite.

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