jeudi 4 décembre 2008

Bon sens et mensonges

Vous trouverez ci-dessous un décryptage fait par le journal Libération.



Lundi matin, sur Europe 1, le porte-parole de l'UMP Frédéric Lefebvre, interrogé sur l'opportunité d'avancer à 12 ans l'âge de la détention, affirmait ainsi: "Vous savez, en 1945, il y a avait un mineur sur 166 mis en cause dans une affaire pénale. Il y en a un sur trente aujourd'hui. Il faut réagir".

En 2007, il y avait 204.000 mineurs mis en cause en France, ce qui représente entre 1 sur 20 et 1 sur 30 de la population des 13-18 ans (et non de la population totale des mineurs comme le dit Lefebvre). Mais de toute manière, les chiffres peuvent être vrais... et ne rien vouloir dire. De quelle délinquance parle-t-on? Face au matraquage gouvernemental, le sociologue Laurent Mucchielli, directeur de recherche au CNRS, a rédigé une note qui remet les chiffres dans leur contexte. Sur les 203699 mineurs mis en causes (ce qui ne veut pas dire condamnés) par les service police et de gendarmerie en 2007, "l'ensemble des faits susceptibles d'être qualifiés de criminels (homicides, viols, vols à main armée, prise d'otage, trafics de drogue) ne représentent que 1,3% du total". Ce qui signifie que 98,7% des faits constatés ne sont pas des actes graves. Il s'agit de vols, dégradations, simples bagarres ou usage de drogue.

Rachida Dati avait devancé Lefebvre sur ce terrain. Le 16 octobre, la garde des Sceaux affirmait sur France 2, l'air grave : "Il y a 204.000 mineurs qui sont mis en cause pour des actes graves. Mais des mineurs délinquants, madame Chabot, c'est des violeurs, des gens qui commettent des enlèvements, des trafics de produits stupéfiants. Ce sont des gens qui brûlent des bus avec des personnes dedans".
Mucchielli a comparé la répartition par classe d'âge des condamnations en 1989 et 2006. Le résultat est une stabilité quasi parfaite de la proportion des condamnés mineurs, que ce soit les moins de 13 ans, les 13-16 ans ou les 16-18 ans. Ironiquement, la seule augmentation, en proportion, concerne la classe d'âge des 40-60 ans.

Ce qui amène Mucchielli à écrire que ce dernier chiffre pourrait presque conduire à une hypothèse inverse de celle qui est admise par l'opinion : celle d'un vieillissement relatif de la délinquance en France.

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