lundi 26 décembre 2016

Sachez

Nous accomplissons parfois des gestes dont nous ne mesurons pas les conséquences, souvent parce que ces conséquences se passent ailleurs, loin de nous et que nous ne voulons, accessoirement, pas les voir ni les entendre. La viande est l'exemple médiatisé le plus éloquent. Mais parfois la conséquence est là, toute proche, à portée de l’œil et de l'oreille
Cette profonde réflexion m'est venue alors, qu'assis au petit matin (existe-t-il des grands matins?) dans la cuisine, d'un regard bovin je fixais mon bol encore vide. Dans mon dos, une flamme mêlant le bleu et le jaune caressait le cul de la bouilloire. D'une main incertaine, je pris et déposai au fond du bol un sachet de thé. Avec une intensité inhabituelle, je fixai ce sachet. Je sentis naître en moi un sentiment que les brumes du sommeil ne me permettaient pas encore d'identifier. Le bruit de l'eau frémissante me sortit de ma torpeur. Je m'apprêtai à verser l'eau fumante lorsque, telle une fulgurance qui vous épuise pour le restant de la journée, je pris conscience que j'allais ébouillanter mon sachet de thé. Je suspendis mon geste. Il était là, tout au fond du bol, confiant et fier d'être ce qu'il était. Sans trop savoir comment cela avait pu naître en moi, je ressentis de la tendresse, de l'empathie pour ce sachet. Et c'est avec un sentiment de culpabilité que je pensai à tous ses congénères que j'avais sans pitié ébouillantés. Honteux, je reposai la bouilloire et attendis que l'eau revienne à une température plus douce. C'est ainsi que je bus un thé tiède.

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