jeudi 29 décembre 2016

Amen

Je ne saurais dire comment cela est arrivé. En revanche ce dont je me souviens de façon certaine, c'est de la date. Le 24. Le 24 décembre. Pour être plus précis, le 24 décembre au soir. L'endroit où je me trouvais, une église, n'avait en soit rien de surprenant un jour pareil. C'était même plutôt conventionnel. Pas me concernant mais sur le principe. Par respect des traditions, par conviction, par goût du spectacle. A priori par erreur pour moi. Je ne m'étais pas introduit dans une église depuis des temps immémoriaux. Ce souvenir n'est plus disponible. Toujours est-il qu'en cette soirée du 24 j'y étais. Assis sur un banc. Seul. Les lumières n'étaient pas encore allumées ou elles étaient déjà éteintes. Seul le Christ sur sa croix était éclairé. D'une naturelle lumière descendante. Il était vêtu d'une couronne, probablement faite d'épines et d'un simple morceau de tissu. Seul à ne pas être dans la pénombre, mon regard se porta vers lui mais sans lui porter une attention particulière. Le lieu aurait voulu que je me recueille, que je
prie, que je m'interroge sur le sens de la vie. Mais rien de tout cela. Je ne ressentais en moi aucune conviction particulière. Je me laissais porter, corps et âme, au milieu de rien. Puis, peut-être par ennui, je me mis à le scruter et finis par n'avoir d'yeux que pour Jésus. A bien y regarder, il était pratiquement nu. Un léger souffle aurait suffi à le dévoiler. J'essayais de m'imaginer ainsi vêtu sous le regard des paroissiennes un dimanche de Pâques. Un léger sourire me parcourut les lèvres. La lumière semblait glisser sur le corps du Christ. Le corps du Christ. Cette expression habituellement psalmodiée à longueur de célébrations pris une autre dimension. Baignant dans les contrastes de son exposition, ce corps révélait ses formes, sa musculature, sa puissance. Jésus se révélait avoir un corps d'athlète qui laissait deviner une souplesse prometteuse. Bien que dans une position inconfortable, il émanait de sa posture une langueur qui n'avait rien de monotone mais qui laissait transparaître une langueur troublante. Sans trop comprendre comment, je me retrouvais au pied de la croix. Le corps du Christ. Pour la première fois, je prenais conscience de ce corps. Combien de fois l'avais-je accueilli sur ma langue, le laissant se mêler à ma salive et gonfler dans ma bouche pour finir par l'avaler. Une envie subite de communier émergea. Une envie qui s'extirpait de mon inconscient. J'étais maintenant à genoux. Un désir encore timide se répandait en moi. Parcouru d'un frisson, je me souvins que, de son vivant au moins, Jésus aimait les hommes.  

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