jeudi 31 juillet 2008

Robert et moi




Il me reste six minutes pour me décider. J'entends la voix de Robert qui miaule. A chaque fois je frissonne. je suis capable de l'écouter et d'oublier Hélène, car il s'agit bien d'elle. Je dois me concentrer sur mon objectif. Pour certains de mes copains de l'époque, la drague est une ligne droite à quatre voies sur laquelle ils roulent à tombeau ouvert, comme des flèches qui pénètrent dans le mille à chaque fois.
Pour moi c'est une route de montagne qui n'en finit pas de serpenter et dont le sommet se perd dans la brume. Les questions m'assaillent. Quel braquet choisir, un ou deux bidons? La nuit parfois tombe avant même le premier coup de pédale. Mais surtout, la question qui me taraude est la suivante : les filles ont-elles les même désirs que les garçons?

J'ai envie de serrer Hélène dans mes bras, d'enfouir mon visage dans ses cheveux, de lui dire...de lui dire je ne sais trop quoi qui la fera sourire, qui la fera me regarder d'une façon différente. Je me dis que les filles ont besoin de pureté, de sentiments, de frôlements, d'un souffle qui caresse leur peau, parcourt leur corps. Le mien n'y tient plus, me trahit. Dès l'instant où je vais la prendre dans mes bras elle ne pourra que constater que mon idéal de pureté est une grosse arnaque. Il me reste quatre minutes.

Jimy ne va pas tarder à se lancer dans un solo. Sa main gauche va virevolter le long de son manche déjà chaud. Il assénera des notes de plus en plus aigües, précises et, les cordes encore vibrantes, le manche se laissera aller dans le creux de la main gauche de Page laissant place au dernier râle de Robert. Mon indécision me ferait presque pleurer. A peine trois minutes. J'ai décidé d'y aller. Hélène sentira que mon émotion n'est pas feinte mais tant pis. C'est ce moment que Robert choisit pour me trahir.

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