vendredi 11 juillet 2008

Correspondance

L'autre jour, au cours d'une sortie à vélo dans une des nombreuses vallées de la région, je suis passé près d'une fabrique de briques rouges désaffectée, pure style 19ème. Après avoir hésité entre ma moyenne et ma curiosité, j'ai cédé à la deuxième. Je n'ai fait qu'une rapide incursion en me disant que j'aurai l'occasion de revenir. Ce premier coup d'oeil m'a permis de distinguer ce qui ressemblait à une habitation imposante et inhabitée. Le temps me manquait. Je n'ai pas poussé plus loin mes investigations.

Quelque temps plus tard, j'ai repris le même chemin. Je me suis directement dirigé vers la maison. Je n'y ai rien vu de particulier en dehors de pièces vides et poussiéreuses. Je me suis retrouvé au grenier. J'ai tout de suite remarqué cette odeur de vieux qui m'a piquée les narines, l'odeur du papier abandonné à la chaleur, à la lumière, au temps. Après m'être assuré de la solidité du plancher, j'ai impressionné le sol de mes pas. J'ai farfouillé dans les piles de feuilles dont une grande partie était composée des archives de la fabrique. Après m'être aventuré dans une succession de mansardes, dans l'ombre des tuiles j'ai découvert une armoire dont les portes avaient disparues. Parmi d'autres papiers sans intérêt, j'ai trouvé des lettres. Une correspondance jaunie par le souvenir. Toute humidité disparu, les premières lettres se cassaient comme des hosties. Avec soin je réussis à ouvrir les suivantes et je commençai à lire. De temps en temps, je vous en ferai profiter.

" Chère, la vie me pousse à regarder devant pour ne pas tomber. J'ai pourtant si souvent envie de m'assoir pour regarder passer cette vie. Qu'elle est cette vie? Est-ce la mienne. Est-ce encore ma vie? Je remplis un vide toujours plus profond. Une silhouette, une chevelure, un rire, une voix, une attitude m'entraînent, me précipitent vers le passé, vers ce que je crois être une seconde mais qui emplit mon corps, mon esprit, qui déversent ses questions. Je m'accroche à cette seconde comme si j'avais peur d'oublier. Le ciel n'est plus jamais clair, l'eau n'est plus jamais transparente. Peut-être trop malheureux, parfois, trop souvent, je ne supporte pas le bonheur des autres, je ne partage pas leurs joies. Mes sentiments sont altérés. Ils sont ce que je suis. Je navigue au milieu des autres avec ce besoin de voir leur sourire, d'entendre leur voix. J'ai besoin que leur regard me dise qu'ils n'oublient pas, qu'ils n'ont pas peur, qu'ils savent que nous ne sommes plus les mêmes. Pourtant, cette vie, cette vie de tous les jours prend trop de place. J'aime les autres mais je suis attiré par la solitude, cette solitude qui libère, cette solitude qui peut donner envie, l'envie de revenir à la vie."

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