jeudi 3 janvier 2008

Plaisir (délicieux) 2ème partie



Muni de ma carte bleue et de ma légéreté, je plonge dans cet océan à la surface scintillante. Contrairement à ce que d'aucuns pensent, des puristes, il n'est pas nécessaire de posséder une conscience politique pour être un rebelle de la consommation. Il est par contre important de savoir qu'il est possible que vous finissiez par en acquérir une. Au début, elle pourra vous paraître encombrante, contraignante, rabat-joie, pourvoyeuse de mauvaise conscience. Rassurez-vous, on en prend vite la mesure. La conscience politique est comme toute chose, flexible et adaptable.

En règle générale, si j'ai le choix, je préfère être rebelle en centre ville car les centres commerciaux ont comme premier effet de me déprimer. J'ai rapidement l'impression d'être Patrick McGoohan dans le prisonnier, surveillé par les caméras et au moment de quitter le centre commercial, sourire aux lèvres, un gros ballon blanc engloutit ma voiture et je me retrouve cloué dans un fauteuil face à un écran sur lequel je me vois déambuler dans les rayons pendant que, dans mon dos, une voix me dit "Voyez-vous, numéro cinq, vous êtes libre, libre de ne pas acheter mais nous ne pouvons pas vous laisser dans l'illusion de la satisfaction qu'apporte cette liberté. Nous n'avons pas aménagé des milliers d'hectares, construit des centaines de magasins, aménagé des dizaines de kilomètres de rayons, rassemblé des millions de produits pour que, ne serait-ce qu'un seul individu, puisse rentrer chez lui heureux de n'avoir rien acheté".

Je suis donc en centre ville et je passe d'un magasin à un autre, d'un rayon à un autre. Je prends le temps de comparer,je demande au vendeur si il y la taille supérieure, si le modèle existe en rouge, je demande où se trouve la cabine d'essayage, je sollicite l'avis de la vendeuse que je préfère à celui du vendeur et j'aime l'entendre me dire "Tournez-vous pour voir. Non, je vous assure, il tombe très bien. Sinon, j'ai ce modèle qui nous est rentré de ce matin". Ce que je viens de vous décrire correspond à la première fois pour ceux qui aiment le risque et pour ceux qui ont besoin de prendre de l'assurance, il est préférable d'attendre avant de se lancer dans un test grandeur nature. Si vous craquez, surtout ne renoncez pas, toute tentative est un pas vers le plaisir.

Une fois cette étape passée, une fois m'être prouvé que je peux résister, je marche simplement dans les rues pour retrouver cette sensation de légèreté, comme si je reprenais ma destinée en main et je peux, de façon ostentatoire, ne pas consommer.

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