samedi 19 janvier 2008

Populaire




Le mardi 8 janvier, notre président a donné une conférence de presse. En introduction, il a tenté de définir le concept de politique de civilisation. Je vous avouerais que je n'ai pas cherché à comprendre sa signification. J'ai simplement retenu que ce qui avait été fait avant n'était pas bien.

Je me suis surtout intéressé au passage concernant la politique étrangère. Je tiens à vous prévenir tout de suite, ce qui va suivre pourra vous paraître rébarbatif. Je me suis livré à une étude de texte.

Au cours de sa campagne électorale, celle qui s'est terminée le 6 mai 2007, Nicolas Sarkozy nous avait dit qu'il ne croyait pas, dans le domaine de la diplomatie, en la politique du carnet de chèque qui nous conduisait à perdre notre âme.

"Je dois dire que l’évolution de la Russie ces derniers temps est à mes yeux préoccupante."C'est une phrase que j'ai lu dans un discours de campagne de Nicolas Sarkozy.

Donc, lors de la conférence de presse, un journaliste a demandé si il n'aurait pas été judicieux de s'abstenir de féliciter Poutine pour la victoire de son parti aux élections. Voici ce qu'il a d'abord répondu

"Je crois que c'est parfaitement ridicule de reprocher à Monsieur POUTINE une élection dont la totalité des observateurs internationaux vous diront qu'il est
l'homme politique le plus populaire de Russie et qu'indépendamment des problèmes qu'il y a eu – incontestables – au moment de cette élection, il aurait de toute façon
été élu."

Effectivement, Poutine est le plus populaire comme le fut Staline, ou en France comme l'était Pétain. Cette popularité permet tout, excuse tout, notamment de ne pas respecter la liberté d'expression, d'emprisonner les opposants et de ne pas respecter les règles élémentaires d'un scrutin démocratique.

Il précise ensuite "Il n'y a pas une personne qui connaisse la Russie qui dise le contraire." C'est le type même de phrase gratuite qui est censée, sans débat contradictoire, justifier les propos de celui qui la prononce. Quand il précise "qui connaisse la Russie" il se réfugie derrière les experts, qui seraient tous du même avis, experts que dans d'autres domaines il raille dès l'instant où ils ne sont pas de son avis. En règle générale, son discours repose sur le postulat qu'il n'y a qu'une vérité dont il serait le détenteur.

La phrase suivante "Donc vous me proposez de ne pas féliciter quelqu'un pour une élection dont chacun sait que cette élection était incontournable." s'apparente à la même réthorique. Il décrète que tout le monde sait quelque chose, donc cela justifie son action, la légitime. Tel Big Brother, il sait ce que chacun pense. Il ne fait que traduire notre pensée. Que penser d'un régime qui organise des élections dont le résultat est connu d'avance.

Un peu plus tard, il ajoute "Ce qu'il faut lui reprocher, c'est ce qu'il en fait (de son élection), sur les droits de l'Homme à l'intérieur de la Russie ou sur la Tchétchénie." Ecoutant cette phrase, je me suis dit que j'avais été mauvaise langue, que je faisais un procès d'intention à notre président mais quelques secondes plus tard, il ajoute "Ce qu'il faut reprocher à POUTINE ce n'est pas son élection, c'est ce qu'il en fait, si tant est d'ailleurs qu'il y a quelque chose à lui reprocher sur le fond." Peu importe les moyens mis en oeuvre, puisqu'il serait populaire et qu'il aurait redonné sa fierté à la Russie.

Ensuite, il met en avant la sensibilité de Poutine "Extraordinaire. Voilà qu'on considère comme normal de blesser POUTINE en considérant son élection comme illégitime et les mêmes demandent au même POUTINE, illégitime, de régler les crises du monde." Poutine, qui a fait tuer des milliers de tchétchènes, qui élimine d'une façon ou d'une autre tous ceux qui seraient suceptibles de perturber son ambition,se sentirait "blessé" si son élection était qualifié d'illégitime? Il ne s'agit pas de qualifier une élection mais de s'abstenir de le féliciter. Pour ce qui est des crises du monde, si Poutine était le seul permettant d'éviter une crise, un conflit nucléaire, pourquoi hésiter. La Chine participe avec les USA aux négociations sur l'arrêt du programme nucléaire nord-coréen sans que pour autant soit approuvée la politique intérieure chinoise.

Craignant que son interlocuteur n'ait pas compris, le président poursuit "Mais quelle logique invraisemblable de tous ces donneurs de leçons qui disent :on a besoin de la Russie pour régler les crises du monde – notamment ce qu'a fait Monsieur POUTINE sur l'Iran, qui est positif – et qui dans le même temps disent : il faut le vexer." Il ne conçoit pas que nous puissions penser autrement. Il ne peut s'empêcher de qualifier ceux qui le font. Ici ce sont des donneurs de leçons, ailleurs ce sont des droitsdelhommistes. Lui se permet de nous donner une leçon alors que j'espère que nous défendons les mêmes valeurs. En tant que démocrate et défenseur des droits de l'homme, je me sens légitime à donner la leçon à un dictateur même élu. Qui a dit qu'il fallait vexer Poutine?

Un peu plus loin, notre président termine par "Et cette personne, à qui on demande de faire cela (intervenir en Iran), on refuse de la féliciter pour une élection dont on sait par ailleurs que cette élection, quelles que soient les critiques qu'on peut en faire, était parfaitement certaine et parfaitement légitime." Je ne commenterai pas.

Lors d'un discours de campagne, devant les représentants de son parti, Nicolas Sarkozy avait dit "J'ai changé". A tout prendre, j'aurais préféré qu'il ne change pas. Il provoque aujourd'hui des chocs de défiance.

Si je m'intéresse aux propos de Nicolas Sarkozy pour ce qui concerne la politique étrangère c'est parce que je considère que c'est le domaine où il se doit d'être le président de tous les français, ni de droite ni de gauche. Il nous représente, il représente notre pays et doit défendre nos valeurs communes et non ses convictions personnelles, ses croyances intimes.

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