vendredi 28 novembre 2014

Le dernier (4)

Aucun des derniers jours n'est demeuré. Ils ont rejoint les autres. Tous les autres. Ceux qui sont passés sans bruit. Peut-être toute ma vie n'a-t-elle fait aucun bruit. Il me reste ce dernier jour pour qu'elle résonne, pour qu'elle soit autre chose qu'une succession. Je me souviens de ce jeu qui consiste à dire ce que l'on ferait si l'on n'avait plus qu'un jour à vivre. N'y jouent que ceux qui ont leur vie devant soi. Dans la mesure où l'on ose, c'est un catalogue de fantasmes. On est persuadé que l'on ferait des choses folles. Souvent, selon l'âge, on passe des bonbons profusion au cul sans entrave. J'ai hésité à écrire ce mot. Il ne fait habituellement pas partie de mon vocabulaire. Dans le domaine des mots, j'ai été raisonnable. Pour ce qui est du sexe, je n'ai jamais pu résoudre à dire à un homme "Baise moi". Bien sûr, il le faisait et avec mon assentiment mais cette injonction n'avait aucun lien avec ce qui se passait. Je crois me souvenir qu'un jour, seule dans ma chambre, j'avais essayé de prononcer ces mots censés exciter. N'étant parvenu qu'à les chuchoter, je n'en retirai aucune satisfaction. Quand bien même les aurais-je criés. Et là, en ce dernier jour, je n'ai envie ni de bonbons ni de...
J'aligne les mots mais je n'ai encore rien dit. Pourtant le temps presse. Je mesure la difficulté à se livrer, à se départir de toute réserve. Je suis encore dans la position de celle qui a peur que l'on puisse lire ce qu'elle a écrit. Je sais que le jour où d'autres yeux liront mes mots, je ne serai plus en mesure d'avoir honte ni de rougir. Les pensées des autres n'existeront plus. C'est comme si, malgré l'évidence, je me disais que je connaîtrai demain. Ce doit être ça la vie. Tant qu'elle est là on ne peut s'imaginer qu'elle puisse s'arrêter.

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