dimanche 13 décembre 2009

Qu'est-ce qu'un débat?

En cette fin d'après-midi somme toute ordinaire, entre ce que j'avais fait et ce que j'allais peut-être faire, mollement posé sur le canapé, le regard fixé sur l'écran, je m'offrais un tour de chaînes, plus communément appelé zapping express, déjà persuadé que rien ne retiendrait mon attention.

J'ai pourtant cru avoir gagné à cette loterie cathodique lorsque m'apparut le décor de l'émission "Revu et corrigé". Autant vous le dire tout de suite, rien ne fut revu et rien ne fut corrigé. L'animateur Paul Amar, animateur car, au vu de sa prestation, il doit manifestement avoir rendu sa carte de journaliste depuis longtemps, nous promit coup sur coup un débat sur le débat de l'identité nationale et un débat, quelle ambition, sur la suppression de l'enseignement obligatoire de l'histoire en terminale S. Les débatteurs étaient Yves Jégo et Benjamin Stora.

Je pensais sincèrement que cette confrontation ferait progresser le débat des idées. Je dois vous avouer que je fus consterné, navré et déçu.

Consterné par Paul Amar et sa conception du "journalisme". Ce double débat fut bâclé en dix minutes. Paul Amar ne se départit à aucun instant de cette sorte de sourire goguenard que j'interprète comme un manque de respect vis à vis de ses invités qu'il ne semble pas prendre au sérieux. Comme si, par ce sourire, il nous disait constamment que tout ceci n'est qu'une comédie dont il serait le metteur en scène. Jusqu'au pseudo-reportage d'introduction au débat sur l'histoire qui fut un pathétique micro-trottoir. Comme cela est trop souvent le cas avec les journalistes télé, Paul Amar était plus préoccupé par ce qui allait se passer que par ce qui se passait.

Navré par Yves Jégo et sa conception du débat. Vous vous souvenez peut-être que pendant sa campagne électorale, notre futur président fustigeait à longueur de discours la pensée unique censée caractériser l'immobilisme etl'"aquoibonisme" ambiant. Depuis, à cette pensée unique s'est substituée la rhétorique unique dont le plus brillant adepte est sans conteste notre président. Yves Jégo, écho de la voix de son maître, tente de faire sienne cette technique dont les principes sont simples. Ne jamais élever la voix afin de paraître raisonnable, posé, tolérant. Poser des questions et y apporter des réponses qui semblent frappées au coin du bon sens. Faire parler les français en utilisant des phrases du type "Les français savent bien que...", "Les français veulent que...", "Les français ont bien compris que...". Et pour enrober le tout, sur le ton de la bonhommie, présenter l'opposition à un projet du gouvernement comme une polémique de peu d'importance et bien loin des préoccupations des français. Cette technique a permis à Yves Jégo de caricaturer les idées et les convictions de Benjamin Stora sans jamais aborder le fond du débat.

Déçu par Benjamin Stora qui m'a semblé résigné à subir la forme de cette caricature de débat. Il a bien sûr fait part de son opposition à la suppression de l'histoire en terminale et exposé les raisons pour lesquelles il mettait en doute les termes et l'organisation du débat sur l'identité nationale. Mais il l'a fait avec si peu de conviction, peut-être conscient qu'il s'était fait abuser par Paul Amar, conscient qu'il n'y aurait en réalité pas de débat. Benjamin Stora, historien que j'admire, a donné une piètre image des intellectuels et accrédité l'idée qu'ils font bien souvent du bruit pour pas grand chose.

Aucun commentaire: