jeudi 10 décembre 2009

Moi émois (21)

Lorsque l'on nait garçon, il faut, pour la plus part d'entre nous, s'attendre à ce que cela dure. Mes frères furent des miroirs corporels qui me permettaient de lire l'avenir. Même si les bains communs dans le sabot ont fini par disparaître, j'avais, en fréquentant les chambres de mes frères, la possibilité, de loin en loin, de deviner, d'apercevoir ce que j'allais devenir. Je fus bientôt le seul à être autorisé à pratiquer le naturisme en tout lieu de l'appartement.

Inconscient des charmes de cette liberté, je n'en appréciais pas les plaisirs. Plus tard, beaucoup plus tard, beaucoup trop tard, j'allais, sans rien demander à personne, m'accorder cette liberté de déambuler, mon corps libéré de tous ses oripeaux. Même si la vigueur s'était définitivement évanoui, rendant impossible tout prolongement de mon désir, j'étais satisfait de pouvoir sentir l'air donner une réalité, du volume à mon corps. Mon sexe, qui n'était plus qu'un simple signe d'appartenance, me donnait le plaisir du mouvement retrouvé. Il arrive un moment où ce sont les sensations qui sont importantes, qui prennent le dessus. Quand je repense à celui que j'étais à cinq ans, j'ai tendance à m'attendrir mais sans regret. Mon corps d'aujourd'hui ne ressemble à rien de ce que j'ai pu voir précédemment. Je ne l'observe pas particulièrement mais il m'arrive de le croiser dans la salle de bain ou dans la chambre. Je me dis à chaque fois que la décrépitude, la dégradation ne pourra que s'accentuer mais le temps qui passe me transmet régulièrement un démenti. Je me demande à chaque fois jusqu'où cela ira.

A cinq ans, nu entre deux portes et en pleine multiplication des cellules, je n'avais pas la moindre idée de ce qui m'attendait.

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