mardi 4 septembre 2007

Robert et moi (11)


Après avoir exhumé mes disques, il me fallait en écouter un. J'ai d'abord mis à jour la platine. Je l'ai dépoussiérée. Après avoir soulevé le couvercle,avec précaution et respect, je l'ai prise par le bras et je l'ai faite tourner. Aussi incroyable que cela puisse paraître, j'étais ému de la voir aussi pimpante, repartie pour un tour, voire 45. Rassuré sur son état général, il me fallait choisir un disque. Je me souviens qu'à l'époque du vinyle, mettre un disque était toute une affaire. Il fallait respecter tout un cérémonial. Un disque se devait d'être rangé verticalement dans un endroit éloigné de toute source de chaleur au risque de le voir tristement se gondoler dans un dernier tour. La pochette intérieure, en papier ou en cellophane, devait être introduite dans la pochette carton de façon à ce que le disque ne puisse pas sortir inopinément et rouler sur le sol lorsque vous sortiez l'album de son rangement. Ensuite, vous deviez tenir le disque, dans un premier temps à sa sortie de sa pochette, en plaçant le pouce sur la tranche et le majeur au niveau du trou central, puis, pour le poser sur la platine, vous deviez le tenir horizontalement à l'aide de vos deux mains. Malheur au sagouin qui osait poser ses doigts sur cette surface noire que seul le diamant était assez noble pour frôler. A la suite de quoi, vous procédiez au dépoussièrage. Les mieux équipés possédaient le matériel permettant de se débarasser de l'électricité statique. Je me souviens que les virtuoses dépoussiéraient avant la dépose sur platine. Il fallait ensuite soulever le bras, souffler légèrement sur le diamant, mais au grand jamais n'y toucher sous aucun prétexte, placer la cellule au-dessus du disque et, à l'aide d'un système hydraulique, faire descendre le bras en douceur jusqu'au sillon. Les secondes qui suivaient pouvaient être source d'angoisse. Le diamant allait-il entrer en contact avec le vinyle ou riper sur le bord extérieur dans un horrible bruit de frottement ? Vous pouviez enfin écouter sans pour autant être à l'abri d'un " j'suis un gars ben ord...j'suis un gars ben ord...j'suis un gars ben ord..."
Je ne souhaitai pas choisir un Led Zeppelin. Après un passage en revue, j'ai extrait du lot un album, quel beau mot, de Charlebois. C'est celui qui me semblait recéler le plus de nostalgie, qui, avec la chanson "Ordinaire", contenait ce désespoir, ce besoin d'absolu, cette envie qui submergeait tout et qui faisait de la vie d'adolescent un torrent de souffrances, de découvertes, de rêves, de déceptions, de trahisons, d'éxaltations. J'ai déposé le disque sur la platine et le reste se trouve dans la vidéo qui suit.



Si vous fermez les yeux et ne faites qu'écouter la chanson, vous aurez l'impression d'entendre un feu de bois accompagnant la voix de Robert Charlebois, qu'il ne faut pas confondre avec Robert.

Aucun commentaire: