mercredi 2 septembre 2015

tracer

La frontière. Jusqu'ici c'était un ensemble de traits sur une carte. Des traits qui serpentaient. D'autres tirés à la règle. Selon des règles coloniales, géographiques, culturelles, hasardeuses. Comme un puzzle. Je me souviens des cartes muettes qu'il fallait compléter, qui me laissaient sans voix. Écrire des noms de pays dans ses frontières. J'ai longtemps cru que les pays étaient prisonniers ou respectueux de leurs frontières. Il peuvent les repousser, les abolir, les ignorer et même les violer. Violer une frontière. Ça consiste en quoi, violer une frontière? Passer en force. Faire fi de l'intégrité. C'est s'affranchir du respect de l'autre pour l'asservir ou plus radicalement pour le faire disparaître. Et pourtant, quoi que l'on fasse, on finit par se rétablir, par être rétabli dans ses frontières. Parfois, peu sûr de soi, peureux, paranoïaque, étriqué, on double la frontière d'un mur. Un mur pour ne pas voir. Pour ne pas voir l'autre, pour ne pas voir la vie, pour étouffer son souffle. Un mur qui serpente et s'enroule autour de la liberté pour la broyer. Mais rien n'est jamais définitif, ni l'oppression ni la souffrance. Il suffit parfois d'un peu de musique pour que le mur s'écroule. Il arrive que les frontières frémissent, qu'elles soient emportées par une irrépressible envie de liberté. La frontière devient nomade, voire hésitante. Elle se reforme ailleurs. Plus loin, plus près de notre destin. 

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