dimanche 6 septembre 2015

Observations

C'était un matin. Un de ces matins que je n'avais pas vécus depuis plusieurs mois. Sur le quai j'attendais le métro. Comme sortis de je ne sais où, partout, comme une invasion concertée, des jeunes. Des filles et des garçons. Si ce fut le cas à une certaine époque, la confusion des sexes n'est aujourd'hui plus possible même si... J'attendais donc, peut-être encore plus conscient du temps qui me séparait d'eux. Sans trop savoir pourquoi, je me suis demandé si nous étions prêts à accueillir toute cette jeunesse qui envahissait notre espace. Garçons qui se bousculaient et jeunes filles boudeuses. Peut-être qu'une répartition reposant sur des quotas régionaux permettrait une prise en charge plus équitable. Toujours est-il que le métro a fini par arriver. Comme sur tous les quais français, le flot des sortants lutta contre celui des entrants. Ceci fait, je pris place. Ma principale occupation dans les transports en commun étant l'observation, j'observais. Sur la gauche, trois jeunes filles. Debout, formant un triangle mouvant, elles parlent. J'hésite à écrire qu'elles se parlent. Elles ont de commun une façon d'être qu'il n'est pas aisé de décrire, qui se retrouve dans la posture, les gestes. Elles disposent des mêmes accessoires. Chacune est le miroir des autres. Mon attention se porte plus particulièrement sur l'une d'elles. Afin de ne pas prendre le risque de passer pour un pervers pépère, j'adopte le regard léger agrémenté d'un sourire bienveillant. Je m'imagine inoffensif. Cette jeune fille, que j'appellerai Zap, est bien sûr munie d'un sac à main d'une taille respectable ainsi que d'un portable qui tient à peine dans sa main. Elle s'entretient d'abord avec ses deux copines. L'une d'elles décroche rapidement pour offrir toute son attention à son appareil téléphonique. Plus personne n'accole ces deux mots. Il ne s'agit donc plus que d'un dialogue. Dans les faits, c'est un monologue. Zap partage son attention entre celle qui lui parle et son portable. Sans cesse son regard voyage entre le visage qui lui fait face et l'écran qu'elle allume, qu'elle éteint toutes les cinq secondes. Ses lèvres ne bougent pas. Elle finit par ranger son portable dans son sac. Je n'ai pas le temps d'esquisser la moindre pensée qu'elle l'en extrait et allume à nouveau l'écran. Rien d'important semble-t-il. Elle le glisse dans la poche arrière de son pantalon. Peut-être deux secondes ont-elles eu le temps de s'écouler, elle le reprend en main et vérifie au cas où pendant qu'à peu de distance continue le monologue. Arrivé à destination, c'est à regret que je descends.

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