Il s'est endormi. Il va rêver. Je
regarde son visage. Rien ne laisse deviner. Ses pensées ont terminé leur
voyage. Elles pourraient être rangées quelque part dans son cerveau. Le
sommeil va en éliminer certaines. D'autres vont s'incruster, se lover dans les
méandre. Elles seront prêtes à resurgir, à diffuser le trouble. Elles vont
rencontrer des congénères. Elles se compléteront. A son réveil, l'une d'elle
devancera toutes les autres. A moins que ce ne soit une nouvelle pensée. Une
pensée qui l'étonnera, dont il ne se savait pas capable. J'aimerais tant que sa mémoire lui offre un répit, lui cache la vérité le temps de l'oubli. Pourquoi nous souvenons-nous de ce qui nous fait souffrir? Avec le jour, le manque va le laisser sans force. Celui que l'on aime nous manque. Il nous manque à chaque instant. Comme si parfois sa présence ne nous suffisait pas. Comme si l'amour était une incertitude. Il avait conscience, sans en comprendre le sens, que son corps, son cœur, son âme, son souffle, son amour ne lui suffisaient pas. Il était cet alpiniste qui, ayant atteint le plus haut sommet du monde, est persuadé qu'il en existe un autre bien plus haut, quelque part. Il ne parvenait pas à se défaire de cette insatisfaction. Mais à cet instant,
les yeux fermés, il pourrait avoir tout oublié. Ses mains reposent sur le sol.
La tête posée sur son épaule, il respire avec régularité. Sa joue n'attend
qu'un baiser.
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