jeudi 8 septembre 2011

Un week-end

C’est par une fin d’après-midi d’un été hésitant que, le regard en quête de repère, nous avons vu ce qui, en l’état de nos connaissances architecturales, devait être un moulin. Comme une étoile du berger au mouvement de ses branches suspendu, il devint notre repère de fin de voyage. Nous ne l’avons plus quitté des yeux comme si, entre temps, un Don Quichotte local avait eu pour projet de le mettre à bas.
Après avoir remisé notre automobile, nous sommes allés à la rencontre de nos hôtes et de leurs hôtes. Nous fûmes, dans les volutes d’un espace d’herbe verte, accueillis à bras ouverts qui se refermèrent pour mieux nous embrasser. La maison n’était pas bleue mais comme en des temps patchouli où l’on s’affranchissait du temps, nous découvrîmes ici et là des groupes plongés dans des plaisirs immédiats pour ceux qui avaient choisi de lire et futurs pour les autres qui œuvraient dans la cuisine. L’absence de présence masculine avait pour explication la quête de fûts de bière. Comme souvent, leur nombre fut l’objet d’une âpre discussion, les maximalistes ayant emporté le morceau malgré le scepticisme de l’hôte invitant.
Le calme féminin fut remplacé par l’agitation masculine. Parlant fort et persuadés d’être indispensables et sous le regard indulgent et moqueur des femmes, ils bougèrent, gesticulèrent, passèrent d’un air important d’un point à un autre comme s’ils voulaient tisser la toile de leur importance.
La table mise, le feu allumé, l’odeur de la viande grillée nous parvint au même moment où les invités, d’origine autochtone, descendirent les marches menant au buffet. Après les présentations de chacune et de chacun, tout comme les bouches, les verres se remplirent du fruit de diverses pressions. Avec les doigts, nous prîmes plaisir à goûter au chaud et au froid. Entre les bouchées, s’échangèrent les rires et les paroles, les pitreries et les histoires. La pluie, soucieuse de ne pas nous prendre de travers, tomba bien droite et maintint, pour le confort de tous, une température constante propice à la danse. Comme une boîte à musique géante, le moulin s’ouvrit pour nous inviter aux déhanchements, aux ondulations, aux chorégraphies improvisées et autres chorales multiculturelles. Le déchaînement des corps et la soif d’ivresse vinrent à bout de la mousse et de ses bulles.
Apaisés, fatigués, heureux, comme portés par la légèreté de nos envies, les portes des chambres se refermèrent sur nos secrets.
Encore dans les échos de la soirée, comme les draps encore tièdes, nous sommes sortis chiffonnés de la nuit. Sous un arbre, à l’abri du soleil que nous avions espéré la veille, la table du petit déjeuner nous attendait. Encouragés par les sourires et la douceur des regards, nous nous sommes installés. Il suffisait de se laisser porter par l’air. Les tartines, comme des palettes odorantes, se coloraient de mures, de fraises ou d’abricots avant, pour certaines, de disparaître dans le café. Les bols se remplissant au fur et à mesure que les lits se vidaient, les langues se firent plus agiles. Comme si nous voulions nous assurer que nous pouvions toujours rire de tout nous racontions n’importe quoi, heureux de faire rire d’un rien.
Alors que rien ne le laissait présager, le temps s’est rappelé à notre bon souvenir. A quoi bon raconter la suite puisqu’il fallait s’éloigner.

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