lundi 25 février 2008

Dans un lit

Ainsi, pendant longtemps, trop longtemps à mon goût, si je sentais une main se glisser entre mes draps, ce ne pouvait qu'être la mienne. Je fus, du primaire à la terminale, l'heureux propriétaire de deux lits une place, qui ne faisaient pas un lit deux places, un à la maison et l'autre en pension. Dans les dortoirs se succédaient les enfilades de matelas mousse reposant sur des lattes métalliques qui, telles les oies d'un capitole de la chasteté, couinaient dès l'instant où elles décelaient un mouvement vertical, continu et d'une certaine intensité. A la réflexion, cette contrainte n'était pas sans vertu. Elle obligeait le candidat au plaisir à faire preuve de retenue, à découpler vitesse et satisfaction, ce qui lui permettait de découvrir la volupté, récompense de la patience.

A cette époque de solitude, d'incertitude et de peur, mon lit était aussi un refuge, un étroit territoire bordé de précipices et que je voulais inviolable. Une fois les lumières éteintes et les surveillants retournés dans leur tanière, je disparaissais sous les couvertures et m'imaginais à l'abri d'un monde hostile et froid. Je devais refaire surface régulièrement pour assurer le renouvellement de l'air ambiant. Avec l'expérience, j'avais aménagé un système d'aération. Une fois certain de ne pas être surpris par la patrouille, je plongeais, tête la première, au fond du lit et y aménageais une ouverture qui permettait la circulation de l'air. Sans le savoir, j'atteignais là le summum de mes compétences en matière de bricolage.

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