mercredi 7 janvier 2015

Le dernier (6)

On dit qu'à chaque fois qu'une personne meurt c'est une bibliothèque qui disparaît. En ce dernier jour, je me sens comme un livre que personne n'aurait lu. J'éprouve moi-même des difficultés ne serait-ce qu'à le feuilleter. Je ressens une appréhension. Une appréhension à me plonger dans ma vie. Une immersion complète avec un risque de noyade. Et que vais-je trouver. Quels sont les souvenirs que je vais ramener à la surface? Des douleurs qui ont échappé à l'érosion, qui à nouveau me feront souffrir. Ceux que j'aime, ceux qui m'aiment ont-ils envie de découvrir qui j'étais? Peut-être faut-il se contenter de la couverture. Se livrer en un titre. Je me souviens de ces matins où je me regardais dans la glace. Je n'étais que cela. J'étais tout cela. Parfois des creux, des bosses, des ravines, des crevasses, des affaissements, des restes froissés d'une nuit. D'autres fois des courbes, des vallées, des perspectives, des horizons, des lits où allait couler un nouveau jour.

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