mercredi 26 septembre 2012

A autre chose (3)


Il lui arrivait de s'allonger dans la barque qu'une chaîne maintenait contre un des pieux de bois. Il ne bougeait plus, ne vivait plus que par son corps. Il renonçait à ses pensées, aux regrets, aux espoirs. Il regardait et oubliait tout le reste. Sans bouger, il partait avec le courant. Il sentait le froid de ces jours qui hésitent à répandre la chaleur de l'été. Il frissonnait. Il voyait le ciel bleu en partie caché par les branches des arbres qui des deux rives se rejoignaient . Le ciel lui faisait l'effet d'être une mer suspendue, parsemée de feuilles comme autant de pièces de puzzle manquantes. Le soleil parvenait à se faufiler entre la berge et les branches les plus proche du sol. Dans l'ombre de la coque il était à l'abri. Quand le courage n'était plus suffisant pour le protéger du froid, il courrait jusqu'à sa chambre, entrait dans son lit et se blottissait sous les couvertures. Les muscles tendus, il attendait que la chaleur s'accumule. Parfois, il finissait par s'endormir.

Ce sont les souvenirs qui le traversent. Que lui veulent-ils? Le faire pleurer? L'abattre, l'anéantir ou l'aider à tirer un trait. Un trait au bas d'une feuille froissée. Comme des lignes de vie, les pliures parcourent cette page. Il ne se résout pas à la ranger dans un de ces cartons qui n'attendent que d'être refermés. Il ne veut pas passer à autre chose. Pourquoi le ferait-il? Il suffirait de se dire que c'est terminé pour que cela le soit. Faire comme si c'était la vie, que rien n'était définitif. La souffrance est en lui. Il n'a même plus besoin de l'entretenir en se souvenant, en allant chercher des images. Il sait qu'il va devoir se lever, ranger, vérifier qu'il n'a rien oublié et entendre dans son dos la porte se refermer.

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