mardi 2 avril 2013

La première note (1 et 2)



Une chambre d'hôtel. Il est assis sur le bout du lit. Une sorte d'extrémité molle. De ses ongles, il frôle les cordes. Sur un meuble est posé un métronome. Il regarde le mouvement qu'accompagnent des points sonores. Il ne joue rien de précis comme si il attendait l'inspiration. Lui reviennent les premiers accords de "Butterfly collector".  S'il a bien suivi, c'est le dernier concert ce soir. Il quitte des yeux sa guitare. Une glace est accrochée au mur. Il est fatigué. Son visage s'encadre. Ce n'est pas un chef-d’œuvre. Il n'est pas né de l'inspiration d'un artiste. Sa tête ne lui plait pas. Il se demande comment il en est arrivé là.

  Sur le côté, à quelques mètres une porte qui donne sur un couloir. Il l'a emprunté tout à l'heure. Il n'a croisé personne. En sortant de l'ascenseur il a mis le pied sur la moquette. L'ascenseur est monté directement au cinquième. Personne n'y a pris place en même temps que lui. De l'index il a fait clignoter le cinq. Il est entré dans la cabine. Il a appuyé sur le bouton et la porte a coulissé. La femme à l'accueil lui a indiqué le métal argenté. Elle lui avait confirmé qu'il y avait bien une réservation pour lui. Elle a souri quand il lui a donné son nom. Sans trop savoir pourquoi, il a toujours cette angoisse qu'aucune chambre ne soit réservée. le chasseur lui a fait une sorte de révérence. En entrant dans le hall il a cherché quelques détails qui pourraient stimuler sa mémoire. La façade ne lui disait rien. Il a levé les yeux. Il a senti les gouttes d'une pluie froide. Il a ouvert la portière du taxi. La buée sur la vitre masquait en partie l'extérieur. Il remet la guitare dans son étui.

Il aime se faire conduire. Il n’a pas à choisir l’itinéraire. Il peut laisser son regard dans le vague, être ailleurs. Il échappe à chacune des secondes le long des rues qu’il ne connaît pas. Les façades se succèdent mais il ne s’en souviendra pas. Il se met sur le bas côté et laisse les autres prendre des décisions. Cela lui rappelle une période de son enfance. Chaque matin son père l’emmenait en voiture à l’école située à plusieurs dizaines de kilomètres de leur maison. Il détestait l’école mais il adorait faire le trajet qui l’en séparait. Après avoir pris bien soin de ne pas trop se réveiller, il prenait place à côté de celui qu’il imaginait être son chauffeur. Il s’emmitouflait dans son manteau, rabattait sa capuche et attendait que le bruit du moteur et la chaleur le fassent replonger dans le sommeil. Cela lui donnait parfois l’impression d’être sur le bord du temps. La voiture allait ralentir jusqu’à ce que le trajet s’approche de l’éternité. Son père lui disait qu’il ne lui manquait que les piquants et il serait un hérisson. « Tu crois que j’en aurai un jour ? »

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