vendredi 25 avril 2008

C'est le premier

C'est avec fierté qu'aujourd'hui j'ai touché mes premiers droits d'auteur avec ce discours que, sur commande, j'ai écrit pour les cinquante ans de mariage d'un couple, à partir d'indications données par un de leurs enfants.

"Chère Denise, cher Christian, maman, papa pour les intimes, comme tout le monde, vous êtes nés, mais vos années de naissance sont historiques. D’une part et surtout parce que ce sont les vôtres et d’autre part parce qu’elles eurent des conséquences, heureuses pour l’une et funestes pour l’autre. Toi, maman, par respect je ne préciserai pas le siècle, tu es née en 36. Toi, papa, tu as poussé le premier cri d’une longue série en 33. L’addition de ces deux nombres donnait un résultat plein de promesses. Furent-elles tenues ?

Denise qui, contrairement à l’autre, ne fut pas la reine du tambour, fit ses premières dents, ses premiers pas à Fresne le Plan d’où, telle une comète à la traîne flamboyante, elle vint s’épanouir sur les bords de l’Andelle pour ouvrir ses pétales à Fleury.

Quant à toi, Christian, Chri-Chri d’amour dans l’intimité, cette intimité qui se tisse à l’ombre de l’alcôve, c’est à St Hillier, à trois coups de pédales de Dieppe, que tu vis le jour.

Et, on ne sait pourquoi, le destin, disent certains, la force des sentiments qui nous font entrevoir le fruit sucré du désir, disent d’autres, toujours est-il que notre Denise et notre Chri-Chri se retrouvent dans la charmante bourgade de Bourg Beaudoin. Il est vrai qu’au début, ce point commun géographique est encore le seul lien qui les unit. Mais si ténu soit-il, ce lien sera décisif.

Toute petite déjà, notre charmante Denise a la fibre maternelle et c’est au sein de sa future belle-famille qu’elle va, en quelque sorte, passer son CAP petite enfance. Et qui va lui servir de cobaye ? C’est tonton François à qui Denise va mettre des couches. Il en a d’ailleurs gardé une en souvenir au dessus de la cheminée qu’avec fierté il vous montre après le dessert et vous sentez qu’il ne faudrait pas grand-chose pour qu’il vous fasse une démonstration.

Ainsi, couche après couche, Denise et Christian vont connaître les premiers frissons de l’émoi pour l’autre, « L’émoi pour toi » comme le dit finement Gilles.

Comme si l’éloignement donnait envie de se rapprocher, comme si la pudeur était soluble dans l’eau, c’est après avoir mis la Méditerranée entre elle et lui, que Christian, par la poste, déclara sa flamme, que le temps, comme un souffle d’oxygène, ne fit qu’attiser. C’était l’évènement du bled.

Avant de lui dire « Je t’ai compris », Denise, en tout bien tout honneur, va faire connaissance avec « Le boulevard » à Rouen au service de Madame.

Comme le point d’orgue d’une passion d’avril, ils décident de ne plus faire qu’un le premier avril 1958. C’est sous un ciel chargé qu’a lieu la cérémonie à Bourg Beaudoin, ce qui fit dire à tonton François qu’il n’aimerait pas être à la place de ce Beaudouin.

Et c’est ainsi que 50 ans vont passer, s’écouler, s’égrener au rythme d’une nouvelle vie, d’une vie commune, d’une vie qui donnera la vie. Bien sûr, ce ne fut pas dimanche tous les jours. Quelques aspérités se firent jour. Le plaisir de vivre ensemble n’empêcha pas les chipotages. Conciliante et attentive, Denise composa parfois avec son ronchon et bougon mari victime, avec le temps, d’une surdité à intensité variable.

Et puis ce qui devait arriver arriva. Nos deux jeunes mariés ne furent pas tranquilles très longtemps. Tête la première, Gilles plongea dans la vie et prit sa place, toute sa place. A tel point, qu’il fallut déménager. La petite famille se retrouva rue de Gessard dans une petite maison, mais il vaut mieux un petit chez soi qu’un minuscule chez les autres. Douces années, temps d’un bonheur qui va s’achever et d’un nouveau qui va éclore avec la naissance de Frédéric qui lui aussi prend de la place. Tout ce petit monde va se retrouver à Sotteville.

Christian sait aussi travailler de ses mains. Après avoir commencé chez Marion, Christian, plus connu dans le milieu sous le pseudonyme de Chri-Chri la truelle, va poursuivre sa carrière chez Tamarelle.

Et puis arriva ce qui ne devait pas arriver. Disons que si c’est arrivé, en tout cas on ne l’a pas vu venir. Si l’on sait, dans les grandes lignes, comment cela s’est fait, en revanche, on ne sait pas pourquoi. Je suis donc le fruit du hasard, mais comme on le dit à juste titre, le hasard, ange gardien de nos espoirs inavoués, fait bien les choses et j’en suis l’éclatante et resplendissante manifestation.

Je ne peux aujourd’hui que bénir ce hasard qui me permet en ce jour

d’être parmi vous pour vous dire, maman, papa, que je vous aime, que nous vous aimons. Joyeux anniversaire."

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