mardi 13 août 2013

Contre toi

Un passage de "Contre l'oubli" qu'écrivit Henri Calet.

"Des souffles. Je regardais les derniers jours. Je me suis demandé ce qu'était une vie, de quoi elle était faite. Quelle est la part de soi dans une vie? Ma vie se distingue-t-elle des autres vies? Cette sensation parfois d'être à côté, d'être sur le bord et de se regarder passer ou d'être emporté sans trop savoir vers où. Si la vie, pourquoi ne pas dire ma vie, était un miroir, je ne sais pas si je me reconnaîtrait. Ou peut-être quelques morceaux de moi.  Je n'échappe pas à l'absurdité, à l'incohérence, à la culpabilité, à la souffrance, aux regrets...Pourtant, la vie n'est pas un doute sans fin.
Quand il reste un corps allongé qui se débat, qui renonce, qui se laisse glisser, qui n'est déjà plus habité. Il est comme un soleil qui touche l'horizon. Sa lumière nous parvient alors qu'il a déjà disparu. Que nous reste-t-il de cette ancienne vie? Lorsque meurent ceux que nous aimons, ceux qui sont notre vie, nous perdons de cet amour qui nous fait vivre. La vie ne continue pas. Ce n'est plus la même. Est-ce toujours notre vie? Je ne sais pas toujours pourquoi la vie devrait continuer, pourquoi la vie serait toujours la plus forte. Il suffirait de le dire, de l'asséner comme un devoir pour qu'elle s'impose?
La mort de ceux que j'aime me fait souffrir chaque jour. Je les aime mais ils ne sont plus là. Je ne les vois plus, je n'entends plus leur voix, je ne leur parle plus, ils ne me sourient plus, je ne les serre plus dans mes bras, ils ne me font plus rire. Des chemins à flanc de vie que je ne fréquenterai plus. Je me souviens de ces jours où j'ai rebroussé chemin. Je me retourne souvent. Je ne fais que deviner. Comme si l'air tremblait. Quand le souvenir devient presque la vie. Cette vie qui est une incompréhension. Un souffle."

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