vendredi 5 août 2011

Il est temps (5)

C’était un matin sans particularité. Un matin de plus, adepte de l’anonymat, de la discrétion qui n’aurait même pas le temps de trouver une place dans ma mémoire. Le passage dans la salle de bain est une transition entre la nuit et le jour. Quand je m’aperçois dans la glace situé au-dessus du lavabo, j’ai l’impression d’être le héros de « Docteur Jekyll et mister Hyde ». Le temps passant, le docteur ressemble de plus en plus au mister. Le visage comme un paysage d’anciennes montagnes usées par le vent, la pluie, le froid et striées de crevasses béantes me faisait face. Sans être différent de ce qu’il était la veille, je restais pourtant plusieurs minutes à le regarder. J’essayais d’abord de retrouver dans ce désastre des traces d’une vie antérieure. Mais même les yeux me semblaient ridés, des yeux humides comme si ils laissaient s’écouler un trop plein de chagrin. Comme reclus, mon regard se voilait. C’était ça être vieux. Ce que je voyais me faisait souffrir mais je continuais de me fixer. Avec perversité, j’entrais dans le détail des rides et des boursoufflures. Les rides devenaient des lignes de fin de vie. Dans le fond de la salle de bain, face à la douche, une glace me permettait de me voir dans mon entier. Je fis les quelques pas qui m’en séparaient. Mon regard fut attiré par ce qui, un temps, symbolisa ma virilité. Même les poils manquaient de longueur pour dissimuler ce qu’elle était devenue. Cela n’avait jamais été un objet de fierté mais de voir aujourd’hui cette bite incapable de vaincre la gravité m’anéantissait. Je vérifiais que la bandaison ne se commandait pas. Le désir se cantonnait à mon cerveau. Avec ironie, je me souvenais de ces érections qui ne servaient à rien, dont je ne savais quoi faire et qui parfois même m’embarrassaient. Ces érections intempestives qui naissaient d’une simple pensée, d’un regard ou de rien de précis.

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