vendredi 1 juillet 2016

Compliment pour deux départs



Au tout début, comme qui dirait au commencement j’avais prévu d’écrire un poème où Nicole aurait rimé avec rock’n roll, ras le bol, bagnole, frivole, torgnole et où Laurent aurait rimé avec je fous le camp, plein le cul de Rouen-Caen et puis, comme souvent, j’ai renoncé. Ensuite, je ne sais pas ce qui m’a pris, je me suis dit que je pourrais écrire un truc rigolo sur la fusion, sur la réunification mais avant même d’écrire le premier mot, je me suis mis à pleurer.
J’aurais également pu relater votre vie professionnelle. Mais qui s’en soucie ici ? Personne. Qui sait même qui vous êtes ? Après la fusion, nous avons disparu dans la confusion, dans un environnement parsemé de tables rases. Passé et présent se sont évanouis dans les cellules d’un immense tableau qui donne à lire la sécheresse d’un avenir qui nous éloigne les uns des autres.
Incrédules, vous avez ingurgité jusqu’à la nausée les plans, les objectifs, les axes de progrès, les indicateurs, les abus de langage et de pouvoir. De vos yeux étonnés, vous avez vu s’installer la virtualité numérique qui nous rapproche de la solitude. La chaleur humaine a fait place à la froideur de l’avatar. Je vous sens heureux de partir. Pour une fois, vous pouvez en être reconnaissant à votre employeur de vous apporter cette satisfaction.
Et d’un seul coup, l’évidence m’a sauté aux yeux. C’est aujourd’hui  votre dernier jour et comme me l’a confié Fabrice, on va mettre les deux momies dans le sarcophage. Le mot « dernier » a fini par s’imposer. Le dernier a ceci de particulier, contrairement au premier, que l’on ne sait pas toujours que c’est le dernier. Si l’on prend l’exemple du dernier souffle, par manque de temps, l’on n’en prend pas conscience. Seuls ceux qui continuent à respirer constatent que c’était pour nous le dernier.  Pour toi Laurent, auras-tu conscience de ta dernière érection exploitable ? Doté d’un sens aigu de la délicatesse et de la retenue,  pour toi Nicole, je n’ai pas cherché le pendant féminin de cette particularité masculine. La vie est parsemée de ces dernières fois qui deviennent de plus en plus  nombreuses avec le temps qui semble se précipiter.
Cette ignorance de la dernière fois peut être source de regret, de nostalgie, de cette prise de conscience de l’inéluctable qui nous projette dans l’inconnu de l’après. Alors, pour éviter de se perdre dans le passé, d’utiliser son temps à préparer demain, vivons comme si aujourd’hui n’était fait que de dernières fois, derniers désirs, derniers plaisir à consommer tout de suite et sans modération dans ce présent qui, souriant et accueillant, et souvent en vain, nous tend les bras.
Votre dernière heure est donc venue. Alors quel qu’ait pu être votre passé dans cette maison, profitez de ce dernier présent parmi nous. Plutôt que de se préoccuper de l’avenir, laissez demain devenir aujourd’hui pour le vivre.

VIVEZ.

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