Comme tu peux le constater, je ne suis pas là. Mais peu
importe car, bien que doté d’un physique avantageux, je sais que c’est mon
humour qui de tous temps t’a séduite. Quand je dis séduite, c’est bien sûr en
tout bien tout honneur. De toute façon, qui serait assez présomptueux pour oser
rivaliser avec ton mari.
Bien que ce soit aujourd’hui ton anniversaire, je peux te
dire que tu ne les fais pas même si ton mari m’a déjà confié que tu faisais
beaucoup de choses avec talent. Quand bien même tu les ferais, cela ne
changerait rien. Et puis lorsque le matin je me regarde dans la glace, je me
demande au nom de quoi on n’aurait pas le droit de les faire. Quoi qu’il en
soit, il est bien connu que l’on fait dire aux chiffres ce que l’on veut. A
quoi bon compter les années, laissons les simplement passer.
Et que voulons-nous d’ailleurs ? « Être heureux
avant d’être vieux » comme le chantait Balavoine. Si c’est ton souhait, il
te reste de très nombreuses années pour le réaliser. Mais autant faire au plus
vite.
Née un jour, tu as d’abord grandi. Il est à noter que, très
impliquée dès le début, c’est avec beaucoup d’attention que tu as observé ta
naissance, d’autant que tu fus le premier bébé à naître par les cheveux, la
touffe en avant, comme aime à le dire ton mari. Tout de suite tu t’es prénommée
Fabienne. Fa comme la première note d’une balade et bienne, féminin de bien.
Sur cette période que l’on appelle l’enfance, je n’ai rien de particulier à
dire. Pourtant si. Jeune fille en devenir, apparemment rien ne laissait
présager ton goût pour l’exotisme du bassin méditerranéen auquel tu n’hésitas
pas à joindre le tien. Certainement déçue par l’amertume des asperges et autres
poireaux d’ici tu préféras rapidement la suave lascivité du dattier et de ses
dattes venue du bled. Il aurait été possible de déceler ton inclinaison pour
cet orient devenu depuis si proche car encore petite fille à chaque fois que tu
tombais tu criais « Jamal, Jamal… ». Ce n’est que plus tard que tu
jouas avec le docteur. J’ai remarqué que bien que parfois bronzé, tu n’as
jamais décelé en moi le moindre exotisme. Puis tu es devenue femme, ce qui
n’est pas rien pour ne pas dire tout. Il est vrai que ce sont les mots d’un
homme, c'est-à-dire quelqu’un qui ne sait pas ce qu’est une femme.
C’est par l’intermédiaire d’une de tes copines de boulot que
j’ai fait ta connaissance. Pour être honnête, je ne sais plus à quelle
occasion. Un touché rectal peut-être, à moins que ce ne fut lors d’un frottis.
Inutile de vous dire que je n’étais pas partie prenante. Dès lors nous ne nous
sommes plus quittés ou plus exactement, nous nous sommes souvent retrouvés. Je
dois t’avouer que tu m’as toujours intimidé pour ne pas dire impressionné. A ce
sujet, je me souviens d’une anecdote. A cette époque Jamal était l’inamovible
gardien de but du CHU. Peut-être n’avait-il qu’une vague idée des obligations
qui accompagnaient le statut de père de famille car je t’ai vue débarquer au
stade, te garer devant les vestiaires, déposer deux ou trois enfants et
repartir sans attendre pendant que ton mari, déjà dans son match, s’échauffait. A
l’évidence, l’échauffement était partagé. Je me suis dit « Ca rigole
pas ! »
Tout en écrivant, je
pensais à toi et naissaient des réflexions plus ou moins profondes sur l’amitié.
Sortez les mouchoirs.
Nos vies se frôlent et
comme des atomes, s’agitent autour d’un idéal. Elles finissent par constituer une nébuleuse de
sentiments qui nous donne cette envie d’être ensemble. Nous y ajoutons des
mots, des rires pour ne pas tout dévoiler, comme un bébé que l’on ne tarde pas à
couvrir après son premier cri. Peut-être sommes nous trop fragiles pour
résister à nos sentiments.
Ceci dit, vous n’êtes pas là pour pleurer et j’ai été déjà
bien long. Loin d’ici, nous nous approchons pour t’embrasser et
te souhaiter un bon anniversaire.
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