lundi 5 juin 2017

Sur le bout

Depuis le matin, il n'avait qu'une envie: baiser. Une véritable obsession qui l'empêchait de travailler. Il ne s'agissait pas de sentiment, d'amour. C'était comme si le désir qui habituellement se répartissait entre le cul, l'argent et divers autres fantasmes se retrouvait concentré dans le bout de sa queue. Dès les premières minutes suivant son réveil, le caractère impératif de la revendication d'assouvissement lui parut évident. C'était autre chose que ces manifestations caverneuses qui chaque matin lui rappelaient sa condition. Il avait pensé à se palucher sous la douche et puis, après une molle tentative, il avait renoncé. Il était un adepte régulier de cette auto satisfaction mais qu'il réservait au tout venant, à ces érections qu'il pouvait circonscrire rapidement. En l’occurrence il sentait que cette méthode ne suffirait pas. Ou il  lui arrivait même de les laisser mourir de leur belle mort sans intervention aucune. Mais de toute évidence, il devinait que celle-là n'allait pas le lâcher, que sa feinte indifférence ne la ferait pas rentrer dans le rang. Il allait devoir lui donner satisfaction. Le début de matinée fut pénible. Il dut arpenter les couloirs et les bureaux de ses collègues muni d'un dossier qu'il tenait à deux mains afin qu'il couvre la surface se trouvant entre la ceinture et le haut des cuisses. Ses longs bras lui furent fort utiles. La matinée se traîna sans qu'il puisse constater la moindre amélioration. Il essayait de penser à autre chose mais en vain. Il ne pensait qu'à ça. Il ne pensait qu'à ça mais à son corps défendant. Plus que jamais, il fit semblant de travailler.
Il aurait pu sagement attendre d'être rentré chez lui et régler l'affaire avec sa femme. Mais depuis quelque temps sa femme ne manifestait qu'un intérêt très limité pour le sexe. Elle assurait le service  minimum. Ce que l'on appelait le devoir conjugal. Devoir auquel elle n'avait jamais la moyenne. Il en ressortait toujours insatisfait ce qui l'obligeait la plupart du temps à embrayer par une masturbation frénétique dans les toilettes. La chasse d'eau évacuait son dépit.
Mais là, quoi qu'il en soit, il ne se voyait pas attendre le soir. Alors qu'il feuilletait un rapport qui dressait un bilan truffé de graphiques incompréhensibles, Audrey entra dans son bureau. A l'occasion d'une promiscuité de circonstance, ils avaient eu une brève aventure. D'une intense brièveté dont le souvenir resurgissait à chaque fois qu'il la voyait. Autant dire souvent. Elle avança vers lui, grande, redondante, rousse et accompagnée d'une sensualité qui le fit se sentir encore plus à l'étroit dans son slip. Il la regarda. Elle était peut-être la solution à son problème. Il devait tenter le coup. Alors qu'elle déposait du courrier sur son bureau, tout en la regardant, il lui caressa la main qu'elle ne retira pas. Un frisson le parcourut. Il ne pouvait pas être plus à l'étroit.
Laissant le levier de vitesse au point mort, il sortit de la voiture qu'il venait de garer au sous-sol. Pénétrant dans le salon, il vit sa femme assise dans un fauteuil jambes croisées. La lumière qui traversait la baie vitrée faisait briller sa chevelure brune. Son regard laissait transparaître l'inhabituel. Elle lui sourit. Ce sourire lui disait quelque chose mais il pouvait se tromper. Malgré tout, il commença à se trouver à l'étroit. La gêne devait se lire dans ses yeux. Aucun dossier à portée de main. Sa femme se leva et le pris par la main. Surpris et soudain intimidé, il se laissa guider jusqu'à leur chambre. Après quelques caressantes circonvolutions qui intensifièrent et prolongèrent son état, ils se retrouvèrent dans le lit enlacés. Elle lui chuchota quelque chose à l'oreille qu'elle lécha avant de disparaître sous le drap blanc. Il sentit d'abord les lèvres. Il ferma les yeux. La langue l'enroba et s'amorça un mouvement dissimulé par ce qui aurait pu ressembler à un linceul. Alors qu'il se laissait glisser sur la pente, le va-et-vient s'interrompit. Il attendit quelques secondes et finit par ouvrir les yeux pour voir sa femme refaire surface. Entre son pouce et son index encore humides, elle semblait lui montrer quelque chose qui devait être la cause de cette brusque interruption. D'abord, il ne parvint pas à identifier ce que sa femme exhibait ainsi. Pour échapper à la lumière déclinante du soleil, il modifia son angle de vue. Brillait dans les derniers rayons un cheveux roux.  

    

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